lundi 15 octobre 2018

La vie des cimetières (82)

Le Monde, journal quotidien bien connu au nom légèrement présomptueux, s’effrayait récemment de ne plus trouver, à Paris, de places disponibles sous terre.
Il est vrai que quand on a vécu dans la capitale, et survécu à ses tarifs immobiliers indécents, on envisage comme une sorte de capitulation d’aller se faire enterrer en banlieue, où des dizaines de milliers d’emplacements sont pourtant vacants.

Il y aurait, à Paris, 5000 demandes de relogement définitif par an, qui finissent nécessairement en périphérie (extramuros, comme on dit) puisqu’aucune place n’est disponible dans les cimetières parisiens (à part quelques dizaines de places privilégiées pour les VIP et les « amis de »).
Cela serait dû au trop grand nombre de concessions à perpétuité accordées depuis trop longtemps, malgré l’inconvenance également des prix de l’immobilier sous terre.

Un peu de sémantique : L’expression « à perpétuité » exprime, dans le domaine de l’occupation immobilière, une durée indéterminée, sous deux sens différents selon que la personne concernée est vivante ou non. Quand le locataire est vivant, la perpétuité finit exactement à sa mort, mais quand il est déjà mort, la perpétuité ne cesse que quand la sépulture tombe en ruine et que personne ne revendique plus de lien de filiation avec l’occupant.

Alors, amis parisiens, pourquoi ne pas finir votre existence sous la terre d’un petit village de province, au calme ?
Les nouvelles y arrivent aujourd'hui aussi vite qu'à Paris. Et ce serait favorable à la santé pulmonaire des enfants qui accompagneront vos familles, les dimanches. Il suffit de faire la demande à la mairie de votre choix. Soyez charmeur et prétendez que vous en rêviez depuis longtemps.



Le village de Stainville dans la Meuse, dont la population ne cesse de décliner, et dont le charmant petit cimetière au portail peint de rouge vif est situé en haut d’une côte bien dégagée sur un ciel souvent gris, préfèrerait vous voir arriver sur vos deux pieds plutôt qu’allongé dans un corbillard, mais ne vous refuserait certainement pas son hospitalité perpétuelle. Et vous seriez en bonne compagnie, à 25 kilomètres à peine du futur grand tombeau des déchets nucléaires de l’Europe, à Bure.

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