mardi 5 mars 2019

Les catalogues de Wildenstein



Le 11 septembre 1917, dans la région parisienne, le berceau doré de Daniel Wildenstein était entouré de tableaux des plus grands maitres, des peintres modernes, par centaines, d’experts en art et de galeristes renommés.
Il en restera ébloui pour la vie et persuadé que tous ces cadres autour de lui étaient des fenêtres vers le monde véritable. Et hormis une passion parallèle pour les chevaux de course, il consacrera son existence aux expositions, aux galeries et à l’édition de revues et livres d’art.
Sa fondation d’histoire de l’art (le Wildenstein Institute, évidemment) concevra de monumentaux catalogues raisonnés, notamment de Monet, Pissarro, Gauguin, Vuillard, Zurbaran, Caillebotte, Velazquez, qui sont des références.

Les autres, ceux qui sont nés entre le calendrier des postes et une biche en broderie se désaltérant dans un sous-bois, rêveront de se perdre dans ces catalogues de peintres, illustrés de milliers de fenêtres ouvertes sur des mondes imaginaires.
Ils en rêveront seulement, car le catalogue de Monet, par exemple, en 4 volumes, pèse 20 ou 30  kilos et des centaines d’euros, parfois beaucoup plus, d’occasion.

Ils en rêvaient jusqu’alors, car la fondation sans but lucratif Wildenstein-Plattner Institute a numérisé la cinquantaine de catalogues Wildenstein disponibles et vient de les mettre en consultation gratuite sur internet !

Les pages affichées, généralement bilingues (au moins le catalogue), sont des images (scans), mais la recherche de texte dans chaque catalogue est tout de même disponible (icône loupe), ce qui en fait un étonnant outil d’étude, bien plus pratique que la version papier.

Les plus beaux catalogues, en couleurs, sont ceux de Pissarro (3 vol. bilingues 2005), Vuillard (3 vol. anglais), Zurbaran (2 vol. espagnol), Velazquez (2 vol. trilingues 1996), Gauguin (1873-1888, 2 vol. anglais 2002). Renoir est prévu pour 2023.

La quintessence est le monumental Monet, en 4 volumes en couleurs, catalogue bilingue français-anglais, révisé en 1999.
On y feuillette la vie du peintre, jour après jour, et cette promenade chronologique et météorologique, presque heure par heure, avec les commentaires techniques de chaque tableau, se vit comme un roman-photo. En 2000 images, on voit naitre les obsessions graphiques du peintre, les séries, la délicatesse des nuances de la maturité, puis, peu à peu la trahison de la vue, les couleurs dénaturées et le rouge, à la fin, qui envahit la toile.


Catalogue Monet par Wildenstein, vol.2 (pp. 222-223), la débâcle de la Seine à Vétheuil en 1880. Les lignes horizontales de la glace qui croisent les verticales du reflet des arbres manifestent le début d'une obsession qu’on retrouvera exacerbée, 20 ans après, dans les séries des ponts japonais et des nymphéas. 

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