Histoire sans paroles (37)
Sans paroles ? C'est vite dit ! Car il en a été proféré des myriades en un siècle, et des milliers d’articles à sensation, des faux reportages, des romans de gare, et il en coulera encore, du haut des 500 mètres du piton rocheux de Rennes-le-Château.
Au début de l’histoire c’était un petit village occitan et somnolent de 200 habitants, au pied d’une église délabrée, à 50km au sud de Carcassonne. Arrive en 1885, envoyé par l’évêché, un abbé relégué, un peu escroc. Il pille quelques tombes derrière son église, organise un trafic de messes et de sacrements et, soutenu par des amitiés royalistes, restaure l’église (elle sera inscrite aux Monuments historiques en 1994), l’ornant d’un décor tape-à-l’œil sulpicien, puis se fait construire un belle demeure Renaissance entourée d’un parc arboré, d’un belvédère, d’une serre pour quelques animaux exotiques et d’une petite tour très gothique.
Réprimandé puis déchu par l’Église en 1911, il prétendra pour sa défense avoir trouvé un trésor.
Réprimandé puis déchu par l’Église en 1911, il prétendra pour sa défense avoir trouvé un trésor.
L’histoire aurait pu se conclure à la mort du curé, très endetté, en 1917, et de sa servante et légataire, en 1953 (il l’avait intéressée très jeune à ses affaires), mais le nouveau propriétaire du domaine, qui avait tant attendu la fin du viager, transforma promptement le tout en « hôtel-restaurant de la Tour » et fit publier dans la Dépêche du Midi en janvier 1956 une série de chroniques promotionnelles racoleuses sur un trésor caché par le curé de Rennes-le-Château.
C’était le début de la légende et des mystifications, charlataneries, chasses au trésor et autres impostures.
Depuis, une nuée d’auteurs et d’éditeurs cupides alimentent sans arrêt les crédules d’une quincaillerie mythologique qui va de Blanche de Castille à Léonard de Vinci (tiens, encore lui !), passant par les Templiers, l'apocalypse du calendrier Maya, les extraterrestres et le Christ (qui serait venu à Rennes), sans oublier les pratiques ancestrales de méditation relaxante.
Mythologie bénigne, triste pacotille ennuyeuse et sans imagination, elle fait vivre aujourd’hui un village qui n’a plus que 80 habitants, mais 4 restaurants et 3 librairies ésotériques, quelques artisans d'art parasites, un modeste festival du film insolite (catégorie mysticisme et paranormal), un parking payant de 100 places en bas de la colline, et la crédulité de 30 000 béats annuels, parait-il.
Et le pauvre Satan, claustré sous le bénitier aux initiales du curé dévoyé, en est au moins à sa troisième tête. Elle avait disparu, avec les bras, en 1995. Recréés, ils viennent d’être à nouveau détruits à coups de hache par une jeune illuminée en 2017. La justice lui réclame 17 718 euros pour rembourser la restauration (notre illustration date de septembre 2019), ce qui parait très excessif pour une attraction de carton-pâte de style Disneyland, même inscrite aux Monuments historiques.
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