Une inconnue célèbre
Le musée de Nivaagaard près de Copenhague au Danemark consacre actuellement deux salles à une petite rétrospective d’une vingtaine de toiles de Sofonisba Anguissola, suivi par le Rijksmuseum d’Amsterdam à partir de février 2023.
Ils qualifient pompeusement la portraitiste de "miracle oublié de l’histoire" et ont intitulé l’exposition de son seul prénom, Sofonisba. Condescendance ou extrême révérence comme pour les plus célèbres, Raphaël, Michel-Ange ou Rembrandt ?
Le grand public qui ne la connait pas parlera peut-être de honteuse discrimination, pourtant Sofonisba Anguissola était une des plus célèbres portraitistes d’un temps chiche en femmes peintres, la Renaissance italienne et espagnole. Sans doute a-t-elle été oubliée pour les mêmes raisons qu'Artemisia Gentileschi, parce qu’il reste d’elles assez peu d’œuvres identifiées, et parce qu’elles sont d’une qualité modérée. Mais l'encyclopédie Wikipedia dont on dit tant de mal ne l’a pas oubliée, qui lui consacre un article complet et bien illustré.
Anguissola peignit des portraits de l’aristocratie de son temps, pape, reines et rois, des portraits de sa famille et des autoportraits. Malgré une raideur de style et d’expression, ses tableaux les plus réussis ont un charme certain, comme cette partie d’échecs de 1555 au musée de Poznan en Pologne où elle a figuré ses sœurs et une servante, ou cet autoportrait de la collection Frits Lugt à Paris.
Tout cela suffirait déjà à établir l’intérêt de cette petite exposition, s’il n’y avait en plus ce coup d'audace des commissaires, qu'on remarque à la vue des cimaises sur le diaporama du site du musée…
En déplacement à Palerme en 1624 pour faire le portrait d’un vice-roi, le peintre Anton Van Dyck visite Anguissola et réalise son portrait à 92 ans (détail, collection National Trust).
C'est que les cimaises sont libres de tout cartel ou texte ! Les organisateurs ont transgressé la tradition en exposant les tableaux seuls, sans leur accoler ces habituels cartels, étiquettes, plaques couvertes d’inscriptions savantes, qui se trouvent ici reléguées sur des présentoirs en retrait.
Dans le cadre de l’exposition d’un nombre raisonnable de peintures ce mode de présentation apporte deux avantages sensibles : la contemplation d’un tableau n’est plus perturbée par les personnes que la curiosité poussait à s’approcher pour lire des informations parfois copieuses et en petits caractères, et la première impression du spectateur qui ne connait pas une œuvre sera d’autant plus fraiche et originale qu’elle ne sera pas immédiatement contaminée par la connaissance du nom de l’artiste, du titre de l’œuvre ou des circonstances de sa réalisation.
D’aucuns répliqueront que ce savoir peut ajouter du sens et enrichir la perception d’une œuvre. Bien entendu, mais les deux étapes, premières sensations et approfondissement, ne peuvent pas être interverties dans le temps.
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