Hommage (Soulages)
L’exercice du pouvoir est toujours accompagné de faste et d’apparat, d’évènements exaltés dans de somptueux décors, destinés à montrer sa grandeur et sa force à l’électeur ébahi.
L’artiste, soucieux de son propre bien-être comme tout organisme vivant, ne refuse généralement pas de collaborer à ces grandioses célébrations. Choisi par le politique, il est souvent médiocre, car le principal critère de choix du pouvoir est le monumental, qui s’accorde rarement avec la finesse.
L’artiste, soucieux de son propre bien-être comme tout organisme vivant, ne refuse généralement pas de collaborer à ces grandioses célébrations. Choisi par le politique, il est souvent médiocre, car le principal critère de choix du pouvoir est le monumental, qui s’accorde rarement avec la finesse.
Avec Pierre Soulages, distingué par la République depuis la fin des années 1970, le choix n’était pas des pires. Ses œuvres sont souvent décoratives, parfois propices au recueillement, voire à la méditation.
Sa carrière avait été exemplaire. Très vite, à 30 ans, le succès, les expositions, une rétrospective à 50 ans, une autre à 60 ans, les commandes officielles, des tapisseries, les vitraux de l’abbatiale de Conques (7 ans de recherche dit Wikipedia pour créer un verre dont on loue l’étonnante propriété de laisser passer la lumière), et une peinture de plus en plus noire et de plus en plus monumentale au fil des années qui s’accumulaient en grand nombre.
Sa carrière avait été exemplaire. Très vite, à 30 ans, le succès, les expositions, une rétrospective à 50 ans, une autre à 60 ans, les commandes officielles, des tapisseries, les vitraux de l’abbatiale de Conques (7 ans de recherche dit Wikipedia pour créer un verre dont on loue l’étonnante propriété de laisser passer la lumière), et une peinture de plus en plus noire et de plus en plus monumentale au fil des années qui s’accumulaient en grand nombre.
Puis on lui consacra un timbre-poste (ce qui peut paraitre ironique vu la dimension du timbre).
À 90 ans c’était la rétrospective des rétrospectives, à Beaubourg Paris, 500 000 visiteurs, ses tableaux étaient devenus intransportables.
On lui construisait un musée de son vivant à 95 ans, à Rodez, qui connut immédiatement une belle fréquentation (150 000 visites par an).
À 100 ans on l’honorait au cœur du musée du Louvre, privilège rarissime, ses tableaux étaient à la hauteur du lieu, presque 4 mètres, sans parler de leur épaisseur.
L’art officiel est un art de la surenchère, inévitablement. On n’imagine pas une commémoration qui serait moins mémorable que la précédente. Alors on produit, on ne peut plus se retenir, il y a une telle demande, et puis des traites à payer. On produit de plus en plus grand et on manque de place dans l’atelier. Il faut se débarrasser, on multiplie les dons, 100 ou 200 mètres carrés de grands panneaux noirs pour le musée Fabre à Montpellier, et plus de 500 œuvres pour le musée qui porte son propre nom à Rodez, c’est la moindre des choses.
On a bientôt 100 ans et on fabrique toujours, on ne sait par quel miracle de la nature, d'immenses panneaux de 10 mètres carrés et 25 centimètres d’épaisseur d’une matière qui ressemble à du bitume.
Et puis fatalement on meurt.
Le président de la Nation en profite pour faire une cérémonie discrète, dans la Cour carrée du Louvre évidemment, avec des tas de ministres et de personnalités du monde des arts, une sorte d'hommage à soi-même. Applaudir l'arrivée de la veuve centenaire (c'est l'Agence France Presse qui le dit) était peut-être limite, c’est vrai, mais comment retenir son émotion lors d'un moment pareil ?
Et maintenant, il va falloir entretenir la mémoire du grand artiste, se débrouiller pour ranimer ce musée à Rodez dont la fréquentation décline déjà, comme tout musée de province, passées les premières années de visibilité médiatique, et puis s'occuper de ces portions d’autoroute suspendues au plafond ou aux murs des musées à travers le monde, quand elles commenceront à se déformer et s’abimer sous leur propre poids.
À 100 ans on l’honorait au cœur du musée du Louvre, privilège rarissime, ses tableaux étaient à la hauteur du lieu, presque 4 mètres, sans parler de leur épaisseur.
L’art officiel est un art de la surenchère, inévitablement. On n’imagine pas une commémoration qui serait moins mémorable que la précédente. Alors on produit, on ne peut plus se retenir, il y a une telle demande, et puis des traites à payer. On produit de plus en plus grand et on manque de place dans l’atelier. Il faut se débarrasser, on multiplie les dons, 100 ou 200 mètres carrés de grands panneaux noirs pour le musée Fabre à Montpellier, et plus de 500 œuvres pour le musée qui porte son propre nom à Rodez, c’est la moindre des choses.
On a bientôt 100 ans et on fabrique toujours, on ne sait par quel miracle de la nature, d'immenses panneaux de 10 mètres carrés et 25 centimètres d’épaisseur d’une matière qui ressemble à du bitume.
Et puis fatalement on meurt.
Le président de la Nation en profite pour faire une cérémonie discrète, dans la Cour carrée du Louvre évidemment, avec des tas de ministres et de personnalités du monde des arts, une sorte d'hommage à soi-même. Applaudir l'arrivée de la veuve centenaire (c'est l'Agence France Presse qui le dit) était peut-être limite, c’est vrai, mais comment retenir son émotion lors d'un moment pareil ?
Et maintenant, il va falloir entretenir la mémoire du grand artiste, se débrouiller pour ranimer ce musée à Rodez dont la fréquentation décline déjà, comme tout musée de province, passées les premières années de visibilité médiatique, et puis s'occuper de ces portions d’autoroute suspendues au plafond ou aux murs des musées à travers le monde, quand elles commenceront à se déformer et s’abimer sous leur propre poids.
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