samedi 20 avril 2024

Au musée des arts de Besançon...

Pierre Bonnard, le café Au Petit Poucet, 206cm, 1928 (BesançonMusée des arts et d’archéologie,  dépôt du Centre Pompidou).

Préambule

Le Musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon dans le Doubs héberge des merveilles, notamment en peinture, de la splendide et justement renommée déploration de Bronzino, à l’éclatant Café Au Petit Poucet de la place Clichy par Bonnard, en passant par les fameux Enfers de François de Nomé (alias Monsu Desiderio). Pour ces derniers, vous aurez beaucoup de mal à les voir parce que le parcours de visite, qui se fait par une grande rampe comme dans la coquille d’un colimaçon, les place exactement en face d’une ouverture de lumière, et le tableau sombre et brillant n’est plus qu’un reflet éblouissant et peu lisible. Peut-être est-ce pour cette raison qu’on n’en trouve pas de reproduction acceptable sur internet, pas même sur le misérable site du musée.


Mais nous ne sommes pas là pour visiter le musée de Besançon - d’ailleurs il était en grève il y a peu - mais pour illustrer le sujet sensible de la "direction des musées".


Le roi, on pouvait lui couper la tête, alors que le président, même une petite amende, il la paiera pas.

JM Gourio - Le grand café des brèves de comptoir (tome 3)


Depuis l’élimination discrète du baron d’Orsay, depuis l’abdication, moins furtive tant il trainait de casseroles, du roi du Louvre, depuis le départ de son successeur, également suivi d'ustensiles de cuisine, dans un ambiance d’affaires douteuses, on aurait pu croire révolu le temps des despotes carriéristes dirigeant les musées publics à coups de gestes prétentieux et d’abus de pouvoir.


Il n’en est évidemment rien.

Le président de la République (assisté du ministère de la Culture) possède un harem de domestiques dévoués et soumis, tous et toutes interchangeables, qu’il déplace d’un fauteuil de musée à l’autre tant que leur réputation n’est pas trop entachée, avant de les oublier dans un placard honorifique.

Les simagrées récentes à propos de la retraite de la très favorite présidente du Château de Versailles - sans doute pour d’autres motifs que ses résultats à ce poste - en sont une illustration.


Les musées de province n’échappent pas à cette humiliante chorégraphie des prétendants. Tout le monde a vu un jour dans sa ville un (ou une) responsable de musée lancé dans un projet retentissant, ruineux et souvent inutile pour se faire remarquer en rêvant de poser son derrière près du monarque dans un des luxueux fauteuils de la cour, ou au moins pour se distinguer dans le sérail où vont puiser indifféremment les autorités décisionnaires. 


Il y a quelques jours un épisode de cette comédie remuait le Musée des arts de Besançon. Le personnel en grève du musée le fermait en pleine semaine et manifestait devant ses portes, accusant sa nouvelle directrice d’insinuer dans l’établissement une ambiance nocive de secret, de caprices et d’autoritarisme.


Début 2023, à l’annonce de la nomination de la dame à Besançon, Étienne Dumont, notre chroniqueur suisse favori qui la connait bien, résumait sa carrière, jusqu’à son éviction mouvementée du Musée d’art et d’histoire de Genève qu’elle aurait transformé par ses nuisances en succursale de l’hôpital. Il prédisait des problèmes et un avenir chahuté aux élus qui venaient de la choisir pour Besançon.


Il commente aujourd'hui dans une chronique ce nouvel épisode qu’il avait prévu il y a plus d’un an, et qu’il appelle le cinquième échec grave de cette personne extrêmement toxique. Peut-être est-il, en citoyen suisse, un peu partisan ; se débarrasser de ce fléau bien entrainé aux techniques de la négociation a certainement couté cher à la ville de Genève.


Si Besançon confirme le mal et s’en délivre, on ne pourra que s’inquiéter du musée qui fera la prochaine victime.


La France n’est évidemment pas la seule dans cette situation où la direction d’un musée n’est plus confiée à un expert du domaine mais est devenue une fonction qu’on convoite sans scrupules comme tout autre poste de pouvoir. Et s’il arrive parfois qu’un expert soit nommé, les pressions économiques et politiques le transforment illico en mauvais gestionnaire.


Cette peste a débarqué depuis longtemps en Europe. En Italie par exemple, à Florence, l'autoritaire directeur allemand du musée des Offices, en disponibilité, naturalisé italien de justesse et soutenu par les partis réactionnaires, pourrait bien devenir maire de la ville, imaginant déjà sa propre statue sur un socle de la piazzale degli Uffizi qu’il a si souvent parcourue, et où la statue de Machiavel l’attend en observant d’un œil vide et amusé les attroupements de visiteurs du musée des Offices.


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