Vaut le détour en 2025
Les musées où vous n’irez pas en 2025
Il y a bien longtemps que l’amateur de musées provinciaux*, devenu par force philosophe - ou peut-être l’était-il déjà, pour préférer les musées paisibles et inactuels - ne se formalise plus des déconvenues qu’il essuie régulièrement dans l’exercice de sa passion.
* On aura regroupé dans cette expression de musées provinciaux ceux dont la vente des billets d’entrée ne produit qu’un revenu marginal, anecdotique, compte tenu du nombre modeste de visiteurs payants. On pourra ainsi trouver quelques musées provinciaux dans Paris même. Ce sont des musées dont la fréquentation est décente et la visite détendue, décontractée, pour tout dire, provinciale.
Soulagés de la pression des performances de fréquentation, ces musées peuvent administrer leur existence sans trop se soucier du visiteur, et c’est peut-être pour cela qu’on a toujours l’impression qu’ils ferment leurs portes pour de longues années de travaux précisément au moment où on espérait passer quelques jours dans leur région.
C’est évidemment un jugement biaisé. Tous les musées s’usent, et les plus fréquentés s’usent certainement le plus vite ; à Paris le musée d’Art Moderne de Beaubourg, qui enregistre plus de 3 millions de visites l’an, fermera cette année pour 6 ans, pour la deuxième fois en moins de 50 ans d’existence (et on sait que ces longs projets sont systématiquement sous-évalués, pour être approuvés plus facilement par les décideurs) ; On se rappellera également que le plus grand musée hollandais, le Rijksmuseum à Amsterdam, qui n’est pas un musée provincial, fut presque totalement fermé de 2003 à 2013.
Les motifs de fermeture, évidemment légitimes, sont toujours les mêmes. Citons, pour résumer, les explications du musée de Toulouse, poncifs réutilisables partout sans copyright "De nouveaux travaux se sont avérés absolument nécessaires ces dernières années afin de résoudre des problèmes structurels, d'améliorer l'accessibilité du musée et de répondre aux normes récentes de sécurité et de protection incendie*. Ces chantiers successifs intègreront aussi des travaux pour répondre plus spécifiquement aux nouvelles attentes des publics en termes de confort, de parcours de visite, d'accès et de mise en valeur des collections."
* Un lectorat espiègle verra de l’ironie dans le motif répondre […] aux normes de protection incendie, qui sait que la plupart des incendies dans les monuments historiques surviennent justement pendant des travaux de réfection, comme en 2019, quand une défaillance électrique faillit être fatale à la cathédrale de Paris.
Aussi, pour éviter en 2025 ces déceptions qui nuisent tant à l’égalité de l'humeur, il conviendra, si vous êtes avides d’art, d’histoire et de sciences naturelles, de préparer avec soin vos pérégrinations muséales.
Voici quelques exemples de villes françaises à éviter, hélas, en 2025 :
Bayonne : le Musée des beaux-arts, musée Bonnat-Helleu, célèbre naguère pour ses collections de peintures et de dessins, est fermé depuis 2011 ! Et sa réouverture est prévue pour l’été 2025 ! Ne vous y précipitez pas, prenez des garanties avant de faire le voyage.
Beauvais : le Musée de l’Oise, MudO est ouvert. Mais depuis 2020 le beau palais Renaissance est fermé pour travaux sans date claire de réouverture, à l’exception d’une petite aile presque vide dont l’entrée est gratuite.
La Rochelle : le Musée des beaux-arts est fermé depuis 2018 - et rouvrira un jour "La rénovation du bâtiment devient alors un projet majeur avec de multiples enjeux, et sa réouverture dans les prochaines années n’en sera que plus spectaculaire. L’une des particularités du musée est son importante collection d’œuvres qui ne pouvaient être exposées qu’à 10%, faute de place. Gagner des mètres carrés est un des enjeux parmi d’autres de la future rénovation." Ne pas citer de date pour la réouverture est prudent. On lit parfois 2026…
Le Mans : le musée de Tessé, d’art et d’archéologie, est fermé depuis 2016 (à vérifier) ; des article du Journal des Arts et d’un journal local détaillaient en 2022 les bouleversements muséologiques planifiés par la mairie jusqu’en 2026 ; réorganisation inintelligible, articles incompréhensibles ; trouver des informations fiables sur les musées manceaux est une aventure en soi. Il est pourtant possible que le musée soit actuellement ouvert (peut-être même depuis 2024, quand on apprend qu'il ferme accidentellement) ; on est cependant rassurés d’apprendre sur le site que le musée ouvre presque tous les jours aux horaires habituels, mais l’année n’est pas précisée.
Nancy : le Musée lorrain, parmi les plus importants musées d’art et d’histoire en France, se proclame-t-il, n’expose plus ses 5 exceptionnels tableaux de Georges de La Tour depuis le lancement de la rénovation du Palais des ducs de Lorraine, en 2018. Les polémiques patrimoniales et divers obstacles juridiques semblent dissipés depuis 2024 seulement, mais la date de réouverture en 2029, annoncée dès 2018, est maintenue malgré le temps perdu.
Sens : le Musée de Sens est fermé en 2025 et rouvre en 2026, dit un laconique message de vœux. Vous ne verrez donc pas avant 2026, au mieux, cette superbe vue, par Adolphe Guillon, de la colline de Vézelay en contrejour coiffée de sa célèbre basilique vers 1880 (illustration ci-dessus).
Valenciennes : la très belle et riche collection du Musée des beaux-arts était invisible en 2014 et 2015 pour des travaux de rénovation, puis à nouveau depuis 2021 (à quelques interruptions près) pour des travaux de rénovation encore plus nouveaux et monumentaux, en application de grandes méditations qu’on découvre dans le verbiage creux d’une jolie brochure diffusée par la mairie (lire le résumé page 17 suffit). L’objectif est d’accompagner l’entrée du musée - qui ne sera alors plus un musée mais un lieu de vie - dans le 21e siècle. Quelqu’un pourrait prévenir la municipalité que ce siècle est déjà bien entamé et qu’il s’agirait d’accélérer un peu le mouvement si on ne veut pas devoir en changer le numéro dans les publications.
Toulouse : le Musée des Augustins, le grand musée des beaux-arts de Toulouse et de la région, est fermé pour travaux depuis 2018-2019. On constate, en lisant le programme des travaux de rénovation, qu’ils s’apparentent à la refonte conceptuelle du musée de Valenciennes, quand on rencontre au détour d’une phrase l’expression "Nouveau projet scientifique et culturel", qui est le titre mot pour mot de la brochure de Valenciennes. Formalisme imposé par le ministère de la Culture qui permet aux municipalités qui font semblant d’y croire d’obtenir des aides financières ? Peut-être. Là encore la réouverture annoncée fin 2025 n’est pas crédible.
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N’oubliez pas que cette liste n’est qu’un échantillon, et pensez en organisant vos flâneries, qu’une pratique courante des musées est de réorganiser des étages complets en oubliant de prévenir le client, qui a royalement droit une fois sur place à la visite d’un demi-château de Châteaudun, d’un tiers des peintures du musée de Dijon, d’une moitié moins intéressante du musée de l’Œuvre à Strasbourg et d’un demi-musée de Pau (expériences vécues ces dernières années).
Ça s’appelle la stratégie des tranches de travaux. Ce fut la méthode, de 2016 à 2021 et plus, du musée des beaux-arts d’Orléans qui a ainsi réorganisé les cimaises, refait les peintures (des murs), et ajouté de longs cartels bavards en petits caractères mal éclairés, au sol au pied des tableaux, le tout sans fermer ni faire baisser la fréquentation du musée (en l’occurrence d’un demi-musée), qui s’est maintenue autour des 200 visites par jour, dont 50 payantes, moyenne stable depuis 20 ans.
Aussi après avoir conseillé de vous détourner des villes dont le musée est fermé en 2025, cette chronique finira sur une note positive, un conseil de visite. Car cet agréable musée provincial des beaux-arts d’Orléans, dont la faible fréquentation est injuste*, expose quelques merveilles par Reni, Le Nain, Santerre, Van Loo et une incomparable série d’esquisses par Cogniet (comme cette Salle de billard du château de Boursault vers 1860, en illustration ci-dessous).
* Rappelons aux connaisseurs que c'est le seul musée à avoir jamais réuni dans la même pièce pendant plusieurs mois, en 2002, les 4 natures mortes de Lubin Baugin.
2 commentaires :
Le musée provincial d’Amiens (où je suis né), ou de Picardie, non loin de LA PLUS BELLE CATHÉDRALE DE L’UNIVERS (où je fus baptisé) a subi aussi de longues restaurations souvent décriées.
Mais pour l’avoir visité, avant et après, je dois dire que c’est plutôt réussi dans l’ensemble, même si au niveau « beaux-arts » il n’y a pas de grands « chefs-d’œuvre » à se rouler par-terre.
Mais bon, qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre, hein ?
Les fresques de Pubis de Cheval (c’est le petit nom que je lui donne affectueusement) resteront à jamais gravées dans ma mémoire…
La partie archéologique (temple de l’acheuléen surtout) vaut évidemment le détour et même le voyage, à genou, s’il le faut.
In fine, on peut se demander aussi si la notion de musée (je sais que vous les aimez vieillots et poussièreux) n’est pas à remettre à l’ordre du jour — ou du siècle et des budgets hélas.
Vaste débat…
J'ai toujours aimé le musée d'Amiens ( qui, de mémoire, devait être en travaux lors de mon passage en 17, mais resplendissant en 22), sa belle collection de Tanagras, sa sainte Catherine en bois à la roue brisée, les visages indicibles de sa Déploration lombarde, sa magnifique salle des sculptures (du 19e - arrondissement, parce qu'on a envie de les caresser), et les tableaux, Charles 1er devant sa propre exécution, les lapins de jardin (Jean-Siméon), ce portrait involontairement génial de Traballesi (voir ma chronique du 27.05.2022), Hubert Robert, les Guardi, tous les Maignan (Guillaume le pauvre conquérant déchu - désolé pour l'homonymie - l'ode à Carpeaux, l'Absinthe, et toutes les petites études d'Italie)...
C'est exactement le musée provincial comme ils devraient tous être quand ils sont ouverts, grandiose, beau et imposant comme un autobus, presque vide avec plein de surprises sous les sièges (un peu trop aseptisé, peut-être). Pour moi la Rieuse de J.J. Lefebvre est 10 fois plus belle au musée d'Amiens que 1000 Joconde du Louvre (je ne plaisante pas).
Je ne parlerai pas des fresques de Cheval, on s'incline devant une madeleine, surtout de cette dimension, ni de la cathédrale, dont j'ai déjà parlé en 17, justement, quand je suis resté 7 heures assis devant la façade exactement dans l'axe du couchant jusqu'à la voir toute peinturlurée et déstructurée par de la lumière avec la bénédiction de Michel Pastoureau, l'historien des couleurs. Inutile de dire que la pauvre Notre-Dame ne lui arrive même pas à la cheville, sauf peut-être pour quelques heures, en avril 2019.
Et puis il y a l'irréelle horloge Dewailly.
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