mardi 10 juin 2025

La vie des cimetières (117)

Quelques champs de la bataille de Loos, cultivés, et un mur du mémorial. 


À l'automne 1915, dans les plaines du nord de Lens, autour de Loos-en-Gohelle, l'armée britannique vint soutenir l’armée française pour empêcher que les autochtones ne parlent dorénavant la langue de Friedrich Nietzsche et Richard Wagner, et éviter que cet idiome barbare et laborieux devienne l’espéranto mondial à la place de la langue de George 5 et Queen Mary, si simple, si universelle.

Comme toute armée évidemment, elle n’était aucunement préparée et les munitions manquèrent aussitôt. On testa alors un gaz toxique, mais un peu comme dans ce film si drôle des frères Lumière en 1895, l’arroseur arrosé, le vent renvoya les effluves mortels sur l’émetteur. Puis l’ennemi tira avec succès sur les bonbonnes de gaz encore pleines, qu’on n’avait hélas pas utilisées parce que les clés fournies par les services logistiques étaient les mauvaises. Enfin les masques à gaz, mal conçus, instantanément embués, se révélèrent inutilisables.
Résultat de la campagne, en quelques semaines, 60 000 soldats anglais étaient éparpillés dans les champs avec seulement la boue pour sépulture. Par chance ils étaient tous volontaires, mais c’étaient les derniers, car il fallut dès janvier 1916, par manque de candidats, inviter avec moins de courtoisie leurs remplaçants destinés aux insectes nécrophages des tranchées. (Cette histoire n’est pas une caricature par un pacifiste qui aurait reconnu là le modèle des méthodes actuelles de nos maitres pour gérer les conflits, mais la vérité historique, au moins celle de l’Encyclopédie Wikipedia en anglais).

Globalement l’affaire était un échec. Sur le terrain, quand on n’a pas le temps ou le moyen de récupérer les restes des soldats, on parle de "sépulture inconnue" et on construit dans les environs, une fois le calme revenu, un monument cénotaphe pour y inscrire la seule chose qui reste désormais identifiable, leur nom, qu’on trouve sur la liste des conscrits.

Ce sera fait 15 ans plus tard, à 9 ans seulement de la guerre suivante. Un architecte anglais édifiera un cimetière d’un demi-hectare au bord de la route de Lens à Béthune. 20 600 noms de disparus seront gravés sur les murs d’enceinte, classés par régiment et par ordre alphabétique, constituant le Mémorial de Loos. Les quelques restes suffisamment homogènes de soldats conservés jusqu'alors, pas toujours identifiés, étaient répartis dans 1800 tombes "individuelles" alignées dans l'enceinte, constituant le cimetière britannique de Dud corner. 
Le "General The Rt Hon Sir Cecil Frederick Nevil Macready, Bt, GCMG, KCB", administrateur des troupes anglaises en France en 1915 (Adjutant-General) et pour cela hautement récompensé, inaugurera le mémorial le 4 aout 1930. 
Au même moment, sans rapport avec la cérémonie, se réunissaient à Oxford les participants au 22ème congrès mondial d'espéranto.


Le major-general Richard Hilton, officier britannique d'observation avancée, écrira plus tard :
"On a beaucoup écrit sur la bataille de Loos. La véritable tragédie de cette bataille résidait dans sa quasi victoire".
Aucun des participants ne le contredira.



Aucun commentaire :