Lorsque parut en 1992 "
Le détail, pour une histoire rapprochée de la peinture",
livre de Daniel Arasse, médiatique historien de l’art, tout le monde s’exclama en chœur, reprenant le commentaire auto-promotionnel du livre, qu’il ouvrait un nouveau domaine remettant en question les catégories de l’histoire de l’art. Rien que ça !
En fait le brillant Arasse reconnut lors d’un entretien que c’était parce qu’il s’ennuyait tellement dans les musées, devant ces milliers de portraits identiques, ces paysages semblables et ces allégories religieuses vues et revues, qu’il s’était mis à y rechercher l’anecdote originale, le détail inattendu que le peintre ajoute, plus pour agrémenter son travail, pour éviter, lui aussi, l’ennui, que pour insinuer de profondes cogitations intelligibles aux seuls érudits - comme les rêvait monsieur Arasse. Il aurait même trouvé une tache équivoque (sans doute visible seulement de son esprit) sur la robe couverte de fleurs imprimées de
madame Moitessier, qu’Ingres mit si longtemps à peindre, tache qui représenterait, d’après l’historien très inspiré par les billevesées freudiennes, le propre désir du peintre.
En réalité Arasse dans son livre n’inventait rien, sinon ses propres fantaisies. Il suffit de fréquenter un peu les musées et d’écouter les remarques du public, pour constater qu’il s’intéresse avant tout au détail, aux riens qui dévoileraient quelque intention de l’artiste. C’est une impulsion humaine et un biais commun que de voir des desseins partout. C’est même le rôle social de l’art que d’échanger ces points de vue hasardeux, comme au comptoir d’un bistro.
Arasse l’intellectuel, curieux comme tout le monde, a écrit ce livre pour justifier sa passion du détail et son penchant excessif pour le particulier et ses significations imaginaires. Il y échafaudait, comme dans ses autres livres, sur
Vermeer par exemple, de laborieuses constructions intellectuelles et en déduisait des conclusions souvent discutables, mais si personnelles et érudites qu’il aurait été épuisant et inutile de les discuter.
Conscient que tout commentaire non informé sur un objet d’art n’est que l’expression des préoccupations rarement palpitantes du commentateur, nous consacrerons trois chroniques à la présentation de détails d’œuvres passées sur le marché des ventes publiques ces dernières années, mais sans donner de lien vers le tableau entier, sans commentaire, sinon le nom de l’artiste, un vague titre de l’œuvre, et la maison ou la date de la vente. Ça reposera l’auteur de ces lignes, et un peu de recherche sur le site des maisons de ventes devrait permettre aux curieux de retrouver les œuvres en question.
Aujourd’hui les détails seront panoramiques. On jugera peut-être que ce sont presque des vues d’ensemble, mais regardez bien, elles fourmillent de détails.

Liste des détails
01 : Brandeis, Antonietta - Venise San Marco - Sotheby’s 2021
02 : Van der Heyden, Jan - Jardin Palatif - Sotheby’s
03 : Robert, Hubert - Lavandières dans un palais - Sotheby’s
04 : Shikler, Aaron - Wedding preparation - Doyle 2020
05 : Werner C. - Mur des lamentations - Sotheby’s 2021
06 : Barbault, Jean - Caprice romain - Sotheby’s
07 : Falcone, Aniello - Soldats en nocturne - Dorotheum 2021
08 : Coleman M.B. - In the Rockies, Blackfeet - Christie’s 2020
09 : Frère, Théodore - Caravane, La Mecque - Artcurial 2018
10 : Heilmaye, Karl - Venise - Dorotheum 2019
11 : Rieger, Albert - Miramare castle - Dorotheum 2020
12 : Vida, Gabor - Alchimiste - Dorotheum 2020
(voir de Vida de belles reproductions dans les commentaires plus bas)
13 : Vernet C.J. - Naufrage - Sotheby’s 2021
14 : Goetzloff - Baie de Naples - Dorotheum 2021
15 : Le Royer, Léon - Lecture - Millon
16 : Wyeth, Andrew - Ring road - Christie’s 2021