La vie des cimetières (11)
« Car si tout était périssable, tant de siècles écoulés jusqu'à nous devraient avoir tout dévoré; mais puisque dans l'immense durée des âges, il y a toujours eu de quoi réparer les pertes de la nature, il faut que la matière soit immortelle, et que rien ne tombe dans le néant...
Enfin, la même cause détruirait tous les corps, si des éléments indestructibles n'enchaînaient plus ou moins étroitement leurs parties, et n'en maintenaient l'assemblage. Le toucher même suffirait pour les frapper de mort, et le moindre choc romprait cet amas de substance périssable. Mais comme les éléments s'entrelacent de mille façons diverses, et que la matière ne périt pas, il en résulte que les êtres subsistent jusqu'à ce qu'ils soient brisés par une secousse plus forte que l'enchaînement de leurs parties...
Les corps ne s'anéantissent donc pas quand ils sont dissous, mais ils retournent et s'incorporent à la substance universelle...
Ainsi donc, tout ce qui semble détruit ne l'est pas; car la nature refait un corps avec les débris d'un autre, et la mort seule lui vient en aide pour donner la vie. »
Lucrèce, « De la nature des choses », livre 1, vers 215-264, premier siècle avant notre ère.
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« … Les corps ne sont pas détruits lorsqu’ils se dissolvent, mais retournent et s’incorporent à la substance universelle…Ainsi, tout ce qui semble détruit ne l’est pas ; car la nature recompose un corps à partir des débris d’un autre, et seule la mort vient à son secours en lui donnant la vie.»C’est le cas sur la photographie du cimetière du Père-Lachaise, à Paris, où la vie corporelle, gouvernée par Éros, est en conflit constant avec Thanatos, les pulsions créatrices et destructrices du monde, les deux pôles fondamentaux de la vie humaine.Éros, déesse grecque de l’amour, est la pulsion de vie (Éros) tendant à l’attraction entre les éléments ; il engendre, unit et réchauffe.Thanatos, dieu grec de la mort, est la pulsion de mort (Thanatos) tendant à la désintégration entre les éléments ; il détruit, fragmente et sépare.La pulsion d'Éros se reconnaît dans le Nombre d'Or, et dans la figure du cimetière parisien, elle atteint sa limite vitale dans la pierre tombale enveloppée par la végétation qui l'agresse, mais c'est comme si elle laissait sa vie à la pierre tombale adjacente.
Gaetano Barbella
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