mercredi 14 juillet 2010

Nuages clairsemés, en fin de compte

Le 30 mars 591 une éclipse totale de soleil balayait d'ombre pendant deux minutes et demi une petite ile déserte et sans nom, couverte d'arbres et de végétation, au milieu de l'océan Pacifique.

Au 7ème ou 8ème siècle vraisemblablement, les premiers aventuriers polynésiens s'y installaient et créaient une étrange société dont l'unique occupation semble avoir été, pendant des siècles d'isolement, d'entourer leur minuscule royaume de centaines de statues stylisées portant d'énormes têtes, le regard tourné vers le centre de l'ile. Ils épuisèrent ainsi tous les arbres, jusqu'au dernier, pour faire rouler leurs gigantesques sculptures de pierre volcanique de la carrière vers la côte.
Au 18ème siècle débarquaient les européens, armés de poudre, de fusils, du christianisme et de la syphilis. Le nombre d'indigènes décrut. Au 19ème siècle, 1000 habitants (presque toute la population active) étaient déportés vers le Pérou, en esclavage. En peu de temps il n'en restait qu'une quinzaine de survivants. Ils retournèrent dans l'ile, avec la variole. Au 20ème siècle, de départs d'iliens en arrivées de chiliens, peu de familles d'origine indigène subsistent.

Beaucoup voient dans cette destinée de l'ile de Pâques une parabole sur l'avenir de l'espèce humaine et des ressources de la Terre. C'est évident. Plus qu'une parabole, c'est même un test, une répétition générale en modèle réduit avant la grande représentation.
Vialatte conseillait de faire confiance aux évènements, ils finissent toujours par arriver, disait-il. Il sous-entendait bien sûr les bons comme les mauvais. Les habitants de l'ile de Pâques, les Rapanui, auront eu leur lot d'évènements funestes. Dimanche, pour la première fois dans leur histoire, ils ont admiré une éclipse totale de soleil. 4000 touristes privilégiés ont partagé leur fortune. Les probabilités statistiques avaient prédit un ciel couvert. Après 36 heures de pluies incessantes, les nuages étaient clairsemés quand l'évènement se réalisa.

Les photos sont de Joaquin Souyris (haut gauche, bas gauche), Juan carlos Casado (haut droite) et Stéphane Guisard (bas droite).

4 commentaires :

Anonyme a dit…

Comme d’habitude, cher Ostarc, vous succombez à cette tentation très chrétienne de l’autoflagellation rousseauiste. Je note, avec une malice qui m’est coutumière, et l’esprit narquois dont j’ai été doté par Dieu, Rapa Nui, ou le Grand Architecte de L’Univers, que vous citez complaisamment « le débarquement, au 18ème siècle débarquaient les européens, armés de poudre, de fusils, du christianisme et de la syphilis », mais que vous oubliâtes fort opportunément le pendant religieux des polynésiens au 7eme siècle.

Comme si ces arracheurs d’arbres étaient des hommes sans dieux(x), sans religion, de parfaits athées démocrates comme nous…

Pourtant, il a sûrement fallu une bonne raison pour construire ces statues ? Sûrement pas l’Ignoble Christianisme, bien sûr, mais probablement la magnifique adoration de quelque dieu solaire, symbole de paix, d’amour, et de prospérité… ce qui leur a permis de bâtir cette civilisation magnifique, égalitaire, sans tabou…

Je sais… c'est pas joli de frapper un homme à terre…mais je n’ai pas pu m’en empêcher…

Le Professore

Costar a dit…

Professore, comme vous vous excitez sur peu ! Où avez-vous lu dans ce billet que les Rapanui étaient athées, ou païens, ou démocrates, ou de tout autre appartenance ? On sait si peu sur leurs motivations que je m'en suis justement bien gardé. Les témoignages sont même contradictoires de savoir si les arbres avaient déjà totalement disparu avant ou après l'arrivée des premiers colons (mais il est très probable que la responsabilité en revienne à leurs rituels primitifs).

Pour une fois que je ne m'en prends pas trop aux religions monothéistes, vous réagissez hors de mesure. Cessez-donc de vous sentir persécuté dès qu'apparait le mot "christianisme". Je l'ai évoqué ici parce que, comme par hasard, tous les Rapanui étaient chrétiens (ou morts) peu après le passage des premiers galions.

Et puis ne réduisons pas à une querelle sur quelques lubies du cerveau humain cette histoire qui est une splendide métaphore sur le sort que les sociétés humaines réservent aux ressources de notre planète.

Anonyme a dit…

Sur invitation du Professor, je me permets d'ajouter mon grain de sel... Le Professor aurait-il over reacted à la mise en clause, pourtant classique du Christianisme, tout à la fois religion de mort, de guerre, anti scientifique, anti-cul, anti nature, autoritaire et mysogine, et dans le même si proche dans ses textes fondateurs des religions qu'il se permet de juger primitive (le coup du sacrifié ressuscité c'est dans presque tous les mythes) ?
Au risque de froisser mon hôte, je répondrais de manière partiellement positive car ce qui m'apparait à l'oeuvre dans cette maxi aphorisme serait plutôt un tout aussi classique intégrisme vert qui conteste à l'homme la place d'ogre qu'il s'est taillé sur la terre et voudrait bien le voir réduit à la portion congrue des autres espèces animales... et finalement d'adopter un certain ascétisme assez proche de certains chrétiens ... Pas sur que Saint François d'Assises aurait bousiller la forêt lui ... Biz

Costar a dit…

Finalement, l'envahisseur chilien a presque totalement remplacé l'indigène, recréé une forêt et des plantations pour freiner l'érosion, organisé le tourisme autour des statues païennes. L'ile est sauvée de l'oubli. Bientôt un Mac Donald s'installera et tout le monde grossira dans la joie.
On trouve toujours de quoi satisfaire le moralisateur.