dimanche 8 août 2010

Le culte du soleil

L'hélianthe (hélianthus annuus!), appelée tournesol ou soleil par le vulgaire, est décidément une merveille de technologie et de haute précision. Comme toutes les inventions majeures dans l'histoire de l'humanité, du bas nylon à la fermeture éclair, elle nous vient évidemment d'Amérique du nord.

Cette superbe plante ne s'épanouit que dans les régions correctement ensoleillées. Et le génie de la chose est qu'elle héberge, pendant sa période de croissance rapide, avant la floraison, une hormone (l'auxine) qui favorise l'allongement des cellules, mais déteste le soleil. Fuyant opiniâtrement la lumière, l'auxine s'ingénie à migrer dans les endroits ombragés de la tige et des feuilles, et partout où elle passe la plante croît. Ainsi, comme les cellules situées à l'ombre s'allongent plus rapidement, la tige se courbe et la tête penche humblement vers l'autre côté et pivote d'est en ouest au long de la journée, donnant l'impression hypocrite de rendre un hommage quotidien au soleil (l'héliotropisme).

Ce paradoxe d'un peuple végétal qui se prosterne unanimement vers le soleil sans réellement y croire ne dure que jusqu'à la floraison. Alors, les lourdes têtes fécondées, chargées de graines, s'immobilisent, définitivement inclinées vers le levant.

Horde de tournesols adultes résignés, courbés vers l'est, sous un ciel de plomb fondu, en Toscane.

Les croyants ont développé une formule savante bourrée d'arctangentes et de cosinus pour diriger, sans erreur de navigation, leurs implorations quotidiennes vers la maison de leur dieu, la Mosquée sacrée. Il est vrai qu'en tant que boussole le champ de tournesol est peu fiable. Versatile au printemps, il n'indiquera la divine direction qu'en été, et seulement en Europe. Pour les tournesols incroyants de l'extrême-orient, qui s'obstinent, à la floraison, à tourner le dos au Prophète, il conviendra de leur trancher la tête. Il parait justement que les meilleurs cierges sont fabriqués avec l'huile des graines de tournesol.

Pour terminer, voici un conseil pratique pour tirer avantage d'une autre propriété du tournesol, sa puissante capacité d'absorption des déchets minéraux. En cas d'apocalypse nucléaire, ou simplement de grave excès de plomb et de radioactivité dans l'eau et la terre, plantez-le en quantités dans les zones contaminées ou irradiées. À la fin de l'été, quand ses profondes racines auront pompé et retenu tous les éléments toxiques, fauchez, arrachez, et vous retrouverez en-dessous un sol purifié et fertile. Et surtout, pour ne pas contaminer l'air, n'incinérez pas les plantes mortes, enterrez-les plutôt discrètement chez un voisin qui vous est déplaisant.

Mise à jour du 01.04.2015 : Finalement, d'après des tests effectués en réel à Fukushima, les racines de tournesol n'absorberaient pas les matières radioactives, comme on l'a cru, en tous cas pas le césium.


Face à un champ de tournesols déterminés, on se sent réellement observé, épié. On comprend que des artistes fragiles comme Vincent van Gogh y aient perdu l'esprit jusqu'à se découper une oreille.

2 commentaires :

Tilia a dit…

Les tournesols OGM ont-ils les même propriétés désinfectantes ? Par précaution, ces déviants seront tranchés sur pied !

Pour les cierges votifs, je pense que les meilleurs sont ceux réalisés en cire d'abeille, cette "étrange sueur presque aussi blanche que la neige et plus légère que le duvet d'une aile" comme l'a décrite Maeterlinck.

signé : Tilia, adoratrice de la Lune

Costar a dit…

Beau geste mais probablement vain. En effet, il n'est pas besoin d'être Madame Soleil pour pronostiquer, dans les années proches, une épidémie ou une crise écologique dues à l'emploi des organismes génétiquement modifiés dont on ne peut plus maintenant contrôler ni contenir la propagation.
Après tout, c'est peut-être pratique d'avoir un ou deux bras de plus, ou des yeux derrière la tête.