L'apothéose des carabiniers
On pouvait lire il y a peu dans la presse que les carabiniers italiens exultaient. Ils venaient de retrouver, « après une très longue enquête, deux tableaux d'une importance artistique exceptionnelle et d'une valeur incalculable » de Bonnard et Gauguin, 40 ans après leur disparition.
Et le ministre de la Culture, flanqué du général des Carabiniers, de se féliciter à grand renfort de flashs et d'une ronflante autosatisfaction devant la presse admirative, histoire de faire oublier les casseroles monumentales que traine l'administration italienne, dans sa gestion du site de Pompéi, notamment.
Et le ministre de la Culture, flanqué du général des Carabiniers, de se féliciter à grand renfort de flashs et d'une ronflante autosatisfaction devant la presse admirative, histoire de faire oublier les casseroles monumentales que traine l'administration italienne, dans sa gestion du site de Pompéi, notamment.
6 juin 1970, deux hommes de l'art et un policeman installent un système d'alarme dans une riche maison londonienne de Chester Terrace. Quand la domestique qui leur a préparé le thé revient de la cuisine, les trois hommes ont disparu avec deux toiles de maitre découpées au cutter dans leur cadre. Un classique du genre.
Peu de temps après, les deux toiles sont trouvées abandonnées dans le train Paris-Turin. À Turin personne ne fait le lien avec les tableaux volés. Elles sont alors déposées aux objets trouvés de la gare et y resteront cinq ans. Pourtant, le style de Gauguin est nettement reconnaissable sur l'une, et surtout l'autre arbore en bas à gauche une signature rouge où on lit assez nettement « Bonnard ».
Au printemps 1975, elles sont vendues aux enchères par l'administration des chemins de fer parmi un lot d'objets non réclamés. Un peu disputées, elles sont finalement emportées pour l'équivalent d'une semaine de son salaire par un ouvrier des usines Fiat passionné de peinture.
Et il les admirera durant 38 ans, dans sa cuisine à Turin puis à Syracuse en Sicile où il prendra sa retraite.
Aux dires de l'ouvrier, son fils intrigué depuis longtemps par les tableaux, et qui lisait « Bonnato » sur la toile signée, reconnut un jour le jardin qu'elle représentait sur une photo d'une biographie de Bonnard.
Il aurait de même identifié la comtesse dédicataire et le style de Gauguin sur l'autre toile, et transmis récemment des photos à des experts de Syracuse, qui ont informé les carabiniers du Patrimoine.
Finalement, l’administration italienne qui pavoise aujourd'hui dans les médias unanimes n'aura pas fait grand chose dans cette histoire, sinon identifier les anciens propriétaires décédés depuis longtemps. La gigantesque base de données des objets disparus, dont elle est si fière, ne comportait même pas les deux inestimables tableaux dans sa liste de presque 6 millions d'objets.
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