lundi 14 mars 2016

Sempiternelle actualité

On pourrait croire que l’actualité est un peu comme le secret ou le silence dans la blague du sphinx « Quand on parle de moi, je disparais. Qui suis-je ? »
Alors on en parle, histoire de s’en débarrasser un peu. Mais elle revient toujours.

En France, depuis quelques années, le code du travail, qui était pourtant une bien belle création de la civilisation pour protéger l'humain contre l'humain, fond comme les glaciers. Au rythme des réformes infligées les plus optimistes estiment qu'il restera à peine le contenu d'un verre d’eau d'ici la fin du mandat présidentiel.
Le code tiendra alors dans cette phrase lapidaire « démerde-toi. »

C’est pourquoi quelques dizaines de milliers d'humains ont utilisé cette semaine un droit acquis après des siècles d’humiliation et de luttes pour clamer leur désapprobation dans la rue et protester contre la perte d'autres droits qu'ils avaient également acquis dans les mêmes luttes.
Il aurait été plus efficace de la part du gouvernement de leur supprimer d'abord le droit d’exprimer leur opinion. Ce qui tend à démontrer que tout cela n’est pas vraiment réfléchi.


Pendant ce temps aux États-unis d’Amérique le célèbre Bureau fédéral de police judiciaire, soutenu par des éminences comme Bill Gates, Donald Trump ou le Président en personne, essaie de dissimuler ses échecs et son incompétence en accusant la marque Apple de protéger les terroristes.
En effet l’industriel affiche un refus déterminé de placer une porte dérobée dans le logiciel de son célèbre téléphone, ce qui permettrait à la police (et évidemment à n’importe quel malfaiteur) de voler à volonté les informations contenues dans tous les téléphones de la marque.

Le directeur du FBI a même déclaré « on vit dans un monde qu'on n’a jamais connu, aux graves conséquences pour la sécurité publique, un monde où il y a pour la première fois des endroits inaccessibles pour la police. »
Et comme on ne manque pas non plus en France de ces imbéciles frustrés dotés d’un peu de pouvoir qui rêvent d'un contrôle absolu sur la vie et la pensée des autres humains, quelques députés ont surenchéri en menaçant d’interdire la vente du téléphone en France si Apple refusait de coopérer avec les autorités.
Qu’espèrent-ils trouver dans ces téléphones, hormis des recettes de cuisine et des listes de courses ? Car tout le monde sait, depuis les révélations de Snowden, que les réseaux sont de véritables passoires, et les criminels vraiment malins ne leur confient plus leurs secrets et emploient aujourd’hui des méthodes éprouvées depuis des millénaires, le papier volatil, la parole, la mémoire.

Enfin, en Corée du sud, l'humain vient de battre, sans conteste, à l'aide d'une machine électronique qu'il a récemment conçue, le champion du monde d'un jeu qu'il avait également conçu, il y a 2500 ans, le jeu de Go. Les spécialistes sont enthousiastes car c’était le jeu le plus épineux à modéliser.
Et il était temps, car on commence à s'inquiéter des capacités de l’homme à vaincre la nature dans la partie qu'il joue depuis un siècle ou deux, et que certains appellent l'anthropocène, et d’autres le saccage systématique de la planète.
Mais comme il n’a pas créé les règles de ce jeu-là on comprend qu’il ne le maitrise pas bien. Il lui faudrait encore un ou deux millénaires de réflexion. Il y a peu de chances que la planète lui accorde ce délai.

Car pendant ce temps le cosmos, malgré le léger raté du 29 février, poursuit avec superbe son cours inexorable. Mercredi 9 mars, comme prévu par l’astronomie, le soleil a disparu jusqu’à 4 minutes au large de l’Indonésie. Pour honorer cette manifestation de leur créateur, et surtout louer sa ponctualité, nombre de croyants se sont enfermés dans les lieux de leur culte pendant l'éclipse pour prier un dieu qu'ils ont créé (ou recyclé) il y a 1400 ans.

On le voit, l'actualité nous fait croire à son emprise sur les siècles, mais elle n’est en fin de compte, comme le dirait Spinoza, que l’épuisement de tous les possibles dans le présent, qui est la seule réalité. Il faut s’en contenter.

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