mercredi 4 juillet 2018

Tout n'est pas désespéré

Est-il spectacle plus réjouissant que celui de gens simples, éparpillés, démunis, terrassés par les mesures aveugles de fonctionnaires zélés qui exécutent une décision arbitraire, motivée par le pouvoir ou l'enrichissement de politiciens soudoyés par des entreprises privées, quand ces gens se regroupent clandestinement, résistent par des sabotages taquins, et obtiennent, avec bravoure mais bonhommie, l'abandon d’un projet dévastateur ?

C'est un plaisir extrêmement rare (il faut déjà avoir réussi à lire cette phrase indigeste sans sourciller).

« La bataille de l’Eau Noire » (2015), de Benjamin Hennot, plus qu’un documentaire, est un film humaniste, libertaire et euphorisant, qui fait le récit, par le témoignage de ses principaux acteurs, de la résistance des villages belges de la région de Couvin, afin d’empêcher la construction d’un barrage dans la vallée de l’Eau noire, en 1978.
Le sujet peut sembler rébarbatif. C’est une jubilation permanente.
Téléchargez-le pour 8 euros sur le site de la coopérative audiovisuelle « Les Mutins de Pangée », et savourez-le entre amis. Il est médicalement conseillé contre toutes les formes de mélancolie, les neurasthénies les plus tenaces et devrait être bientôt remboursé par la Sécurité sociale.

Et vous réaliserez une bonne action, car il est temps de redonner espoir et courage aux luttes actuelles qui s’embourbent en France sous la violence des autorités, comme à Notre-Dame-des-Landes, ou sur le plateau de Bure, en Lorraine. Là, de minables technocrates prétendent se mesurer à l’éternité en projetant, à l’aide de l’armée et des forces de l’ordre, d’escamoter des dizaines de milliers de tonnes de déchets radioactifs sous un petit bois communal, et pour des millénaires.

Le Bois Lejuc, près de Bure et Mandres-en-Barrois en Lorraine, avant qu'il ne soit repris par les forces de l'ordre. Il se trouve à 30 km de Domrémy-la-Pucelle. C’est dire si l’endroit était destiné à devenir historique, définitivement cette fois-ci.

Pour exemple, voici un épisode récent de la Bataille biblique du Bois Lejuc, raconté par la Fondation BLE Lorraine le 17.08.2017
Le conseil municipal de Mandres-en-Barrois a voté le 18 mai dernier sous haute tension la cession du Bois Lejuc à l’Agence Nationale de gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) pour accueillir le projet d’enfouissement de déchets nucléaires CIGEO. La cession de ce terrain de près de 220 hectares avait déjà été actée en conseil municipal en juillet 2015 de manière rocambolesque avant d’être invalidée par le Tribunal Administratif de Nancy le 28 février 2017 pour vice de forme. Ce dernier avait en effet été saisi par des riverains. La commune avait quatre mois pour régulariser la situation. Une centaine d’antinucléaires avaient fait le déplacement pour empêcher la tenue de ce second vote et dénoncer la « mascarade démocratique » ayant lieu dans ce village de 120 habitants, où des gendarmes mobiles avaient été mobilisés en nombre. Arrivés à la mairie peu avant vingt heures, les onze élus de Mandres ont donc adopté la cession du Bois Lejuc contre un autre bois propriété de l’ANDRA par six voix pour et cinq contre. Quelques jours après le vote, 35 habitants de la commune ont décidé d’attaquer la décision du conseil municipal qui n’a selon eux « aucune légitimité ». Ils dénoncent en effet le fait que « parmi les six élus ayant voté pour l’échange avec l’ANDRA, plusieurs conflits d’intérêts sont avérés. Certains ont des membres de leur famille qui travaillent pour l’ANDRA, tandis que d’autres ont obtenu des terres ou des baux de chasse ». Ces citoyens lorrains veulent également mettre en évidence le « système clientéliste qui écrase les élus et les rend dépendants ». Ils rappellent également la présence massive des gendarmes, plus nombreux que les habitants, le jour du vote, « vécue comme une pression sur la population rurale ».

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