mardi 4 juin 2019

La vie des cimetières (87)


Gardons-nous de dire que la mort est le contraire de la vie. La vie n’est qu’une variété de la mort et une variété très rare. 
Frédéric Nietzsche, Le gai savoir (livre 3, 109)

À Saint-Rémy, une chapelle funéraire sans âge affirme « Le souvenir c’est la vie ».
Admettons. Mais la vie de qui ? Pas celle du défunt, sans doute. Alors, autant écrire « Le souvenir c’est la vie pour qui se souvient ».

Mais était-il nécessaire dans ce cas d’afficher pareille évidence ?

C’est peut-être par ironie. Parce qu’il est clair, vu l’état décrépit de la sépulture, qu’ici plus personne n’est là pour se souvenir de son existence.

Il reste le promeneur, le curieux qui passe. Mais Frédéric Nietzsche dit qu’il est très rare. Surtout ici, à la frontière entre la Corrèze et la Creuse.


9 commentaires :

Anonyme a dit…

C'était, semble-t-il, une idée assez commune naguère : on n'est pas mort tant que les vivants se souviennent de nous. On meurt vraiment quand plus personne ne pense à nous. Lisez notamment "La Mort de quelqu'un", ce troublant roman de Jules Romain.
Donc si, le souvenir c'est bel et bien la vie du défunt.
Enfin, je crois...
pi

Costar a dit…

Oui, vous avez raison. Je voulais simplement prendre le contrepied de cette affirmation, en pensant que ça lui fait une belle jambe, si j'ose dire, au mort, de savoir que même mort il serait encore vivant.
Bon, on n'est pas toujours au plus haut de son inspiration.

Merci pour le conseil littéraire. J'avoue n'avoir jamais lu Romains à part Knock et ne pas même en avoir été tenté, mais le thème de "La mort de quelqu'un" me plait bien, et je viens d'en faire l'acquisition (numérique s'entend).

Anonyme a dit…

Ah, diantre ! Je crois bien ne m'être jamais rendu compte qu'il y avait un "s" à Romains. Merci de me l'avoir discrètement signalé ;-)
La Mort de quelqu'un est un petit livre qui m'a bien bousculé. Pourquoi est-on encore un peu vivant après son trépas...
Bonne lecture.
pi

PS - Je partage votre goût pour les cimetières.
PPS - Ce que vous m'avez dit sur votre conception de l'art ne m'a pas vraiment convaincu.
Je regarde vos reproductions avec soin, croyez-le bien (puis-je vous avouer qu'elles finissent souvent en fond d'écran ?). Je suis toujours admiratif de votre savoir-faire et généralement envoûté par le sujet. Il règne dans vos tableaux des ambiances étranges, parfois inquiétantes, oniriques, hors du temps et de l’espace, qu’accentuent vos titres sibyllins. Quelque part entre Chirico et Magritte. Bef : superbe ! Alors, quand vous me dites : "Avoir une manière, un style, une touche personnelle est pour moi le comble de la prétention", permettez-moi de sourire.

Costar a dit…

Ah ! Vous avez encore raison. Le comble de la prétention est de penser qu'on peut éviter de se dévoiler dès qu'on ouvre la bouche ou la boite de couleurs. Je le sais.
Mais je me suis mal exprimé, j'ai trop généralisé. Je ne voulais pas parler du style, de l'atmosphère, de ce qui est décrit, mais de la touche, de la matière.
Je ne peux pas m'empêcher, en regardant une œuvre, d'y voir rapidement les contraintes due aux matériaux utilisés, aux limites du geste et de l'outil. Et cela me perturbe parce que je voudrais ne voir que ce que l'auteur a voulu dire, et je me retrouve devant le peintre et ses contingences, ses faiblesses, ses manières.

Et c'est pourquoi, si je ne peux pas cacher grand chose quand je peins, je peux au moins cacher ma touche, que je considèrerais effectivement, si elle était visible, comme une coquetterie, une facilité, et une vanité.

J'aime la réalité, je la respecte. La réalité comme la décrit l'immense d'Alexandre Vialatte dans cette phrase qui est devenue depuis plus de 20 ans l'exergue de mon exposition virtuelle, parce que j'y retrouve précisément ma perception du monde :

« Je n'ai jamais aimé les contes ni les légendes... Pourquoi aller demander à des fictions lointaines de dérouler devant nos yeux ce tapis d'orient que la réalité étale à nos pieds mêmes ?... Amère, frivole, incohérente, la réalité dépasse tous les conteurs, il nous suffit de regarder par la fenêtre, elle s'ouvre sur le pays des merveilles. L'exotisme commence à notre voisin de palier, que dis-je ? Il nous suffit d'oublier notre clé et de frapper à notre propre porte pour entrer chez un inconnu. »

Quelle merveille ! (excusez cet épanchement incontrôlé)

Alors vous m'objecterez "onirisme", "Magritte", mots que j'ai déjà entendus ailleurs pour qualifier mes petits travaux. Je pense que c'est un contresens.
Entendons-nous, chaque point de vue est totalement justifié et respectable, et il est tout à fait possible que je ne parvienne pas à exprimer dans ces tableaux ce que je pense y mettre.
Mais je suis certain de ne jamais avoir peint de sujets irrationnels, illogiques, qui sont tout de même la signature des tableaux de Magritte, où c'est le frottement entre les sens, le paradoxe entre les choses, qui en font la saveur.
Tous mes tableaux sont non seulement physiquement possibles mais ils ont existé. Le seul sacrilège que je m'autorise est de déplacer, voire de supprimer parfois des objets ou des personnes. Et j'ai les preuves photographiques ;-)
La réalité n'a pas besoin qu'on la transforme... "Il y a plus de choses sur la terre et dans le ciel, mon cher Pi, que dans toutes vos philosophies" disait Hamlet.

Trêve de confidences, tout cela n'est pas très important, le plus troublant est que je trouve, sans en être vraiment étonné, que le mot "Envoûté" est beaucoup plus beau écrit avec un accent circonflexe !

Anonyme a dit…

Alors je me demande bien ce que vous allez chercher dans les musées, monsieur Paradoxe...

Costar a dit…

Il y fait toujours frais.

Anonyme a dit…

Argument recevable. Rien à objecter... ;-)

Costar a dit…

Post-Scriptum :
C'est un chef-d'œuvre. Et écrit à 25 ans d'après Wikipedia. Comment ai-je pu passer à côté de ce petit bijou sans le voir ? C'est effrayant le nombre de bons livres que je n'aurai pas lus.

Anonyme a dit…

Juste retour des choses, mon cher Costar, de vous avoir à mon tour signalé l'existence d'une petite merveille. Mais je suis encore très largement débiteur...
Votre obligé,

pi