La vie des cimetières (91)
Avant la fin du siècle dernier, le sculpteur Del Debbio, déjà âgé, déposait un buste de Joconde sculpté de sa main sur la stèle dédiée à sa famille dans le cimetière du Montparnasse, et en profitait pour y faire graver quelques informations personnelles, ses civilités et notamment le lieu de son décès, Paris.
Toutefois il ne faisait pas inscrire la date prémonitoire correspondante, comme on le voit parfois, au moins pour le millénaire et le siècle, suivis de deux espaces blanches pour signifier que la décennie et l’année ne sont pas encore connues.
Il faisait bien. Né en 1908 et mort en 2010, il aurait alors commis une erreur sur le siècle et sur le millénaire, impair délicat à corriger sur du marbre ou du granite, et hors de prix.
Mais il s’est éteint à Nogent-sur-Marne ; il s’était trompé sur le lieu.
Pourquoi graver ces informations incertaines quand la mort n’a pas encore fait son office ?
Pour claironner qu’on n’est pas naïf, qu’on sait bien que tout a une fin ? Pour être sûr de ne pas se faire chaparder la place ? Certains prétendent que c’est par mesure d’économie, pour bénéficier d’un effet d’échelle. Mais les prix se calculent à la lettre, et à raison de 5 à 15 euros l’unité, la cagnotte serait maigre.
Invoquons des sentiments plus nobles, et supposons que c’est plutôt pour se persuader, au plus fort de la douleur, qu’on rejoindra bientôt l’être disparu. Une forme d'autosuggestion.
Toutefois il ne faisait pas inscrire la date prémonitoire correspondante, comme on le voit parfois, au moins pour le millénaire et le siècle, suivis de deux espaces blanches pour signifier que la décennie et l’année ne sont pas encore connues.
Il faisait bien. Né en 1908 et mort en 2010, il aurait alors commis une erreur sur le siècle et sur le millénaire, impair délicat à corriger sur du marbre ou du granite, et hors de prix.
Mais il s’est éteint à Nogent-sur-Marne ; il s’était trompé sur le lieu.
Pourquoi graver ces informations incertaines quand la mort n’a pas encore fait son office ?
Pour claironner qu’on n’est pas naïf, qu’on sait bien que tout a une fin ? Pour être sûr de ne pas se faire chaparder la place ? Certains prétendent que c’est par mesure d’économie, pour bénéficier d’un effet d’échelle. Mais les prix se calculent à la lettre, et à raison de 5 à 15 euros l’unité, la cagnotte serait maigre.
Invoquons des sentiments plus nobles, et supposons que c’est plutôt pour se persuader, au plus fort de la douleur, qu’on rejoindra bientôt l’être disparu. Une forme d'autosuggestion.
Et l’actualité vient de nous rappeler, il y a quelques jours, que Lucie Almansor, mue par le profond sentiment qui l’attachait à son mari Louis-Ferdinand Céline, avait fait inscrire à l’avance sur leur pierre tombale commune au cimetière de Meudon, à la mort de l’écrivain en 1961, le millénaire et le siècle de sa propre disparition, « 1912 • 19 »
En 2018 à 106 ans, n’ayant plus les moyens de payer ses aides médicales (malgré les droits d’auteur des millions d’exemplaires vendus ?), elle cédait en viager leur maison décrépite de Meudon.
Lucie Almansor est morte le 8 novembre 2019.
Ainsi les deux chiffres présumés sur la pierre tombale étaient les bons, mais pas à la bonne position. Une simulation (notre illustration), montre qu’il serait possible, pour limiter les frais de gravure, sans avoir à refaire la dalle, d’inscrire le millénaire et le siècle à la gauche du 19 providentiel. Le résultat serait légèrement déséquilibré mais parfaitement lisible.
En 2018 à 106 ans, n’ayant plus les moyens de payer ses aides médicales (malgré les droits d’auteur des millions d’exemplaires vendus ?), elle cédait en viager leur maison décrépite de Meudon.
Lucie Almansor est morte le 8 novembre 2019.
Ainsi les deux chiffres présumés sur la pierre tombale étaient les bons, mais pas à la bonne position. Une simulation (notre illustration), montre qu’il serait possible, pour limiter les frais de gravure, sans avoir à refaire la dalle, d’inscrire le millénaire et le siècle à la gauche du 19 providentiel. Le résultat serait légèrement déséquilibré mais parfaitement lisible.
2 commentaires :
"Le journal de 20 heures" ?!
En réponse à Anonyme,
Avertissement :
Le titre d'un tableau est une obligation qui est apparue rapidement, les spectateurs le réclamaient, ayant semble-t-il besoin d'être orientés. Je trouvai immédiatement l'occasion de m'amuser en orientant tout en désorientant, et d'inventer des titres déroutants, mais conservant en principe un lien, même ténu, avec le sujet. C'est devenu une habitude nécessaire, comme une couche de peinture supplémentaire, parfois laborieuse parce que j'estime que généralement les titres sont inutiles.
D'ailleurs les spectateurs qui ont tort de comparer mes modestes travaux à ceux de rené Magritte (sur le fond ils sont fondamentalement opposés, mais je m'en suis déjà expliqué dans un autre commentaire), ont au moins raison sur l'invention des titres, car je suis persuadé d'utiliser la même méthode et pour les mêmes raisons, que Magritte.
Explication du Journal de 20 heures :
Ici il m'est apparu évident que la scène représentait très exactement le rituel du journal télévisé (qui commençait à 20h à l'époque où j'avais une télévision - peut-être devrais-je changer et dire plutôt 21h, vous me le direz, mais il me semble que l'expression "journal de 20 heures" est toujours évocatrice).
Sur l'écran de la télévision (le triptyque doré) on nous présente une réalité magnifiée, coloriée, rendu digeste, des informations qu'on a soigneusement écrémées qui n'ont plus grand chose de la vérité.
En face dans la pénombre de la pièce, des spectateurs livides, alignés et identiques, des fantômes tant leur personnalité est inexistante, assistent religieusement à ce rituel (je ne suis pas le premier à comparer ça à une messe), et croient toutes les balivernes diffusées.
Après on pourrait encore trouver une justification des pierres tombales et d'autres éléments de la scène, mais il me semble que le titre est déjà largement justifié.
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