dimanche 7 février 2021

Luthy, l’art de l’épargne

Au premier regard, les sous-bois et les jardins peints à l’encre noire par Jean-François Luthy éblouissent par leur luminosité, et on croit voir des photographies délibérément surexposées
En s’approchant on réalise que la lumière vient du papier blanc épargné ou à peine voilé, par transparence, comme dans toute peinture délayée à l’eau, l'aquarelle par exemple. Et comme cette technique n’autorise pas le repentir car chaque coup de pinceau dépose une ombre définitive, les taches de lumière et les feuilles ne sont pas jetées au hasard. Elles sont dessinées une à une, d’une main sereine et réfléchie.

Et quand la page contient des milliers de détails, l’impossibilité de remonter le temps devient vite un casse-tête.
Cette technique et sa manière de la pratiquer semblent toutefois être pour l’artiste une discipline de vie, une ascèse. Il le montre par des photographies sur son site, où on le voit peignant sur le motif, parfois au mépris des températures négatives. 
Et il donne l'exemple d'une série de 8 photos prises probablement à la fin de 8 séances d’une journée, en septembre 2004. La feuille de papier mesure 70 centimètres par 50.  


Mais une telle rigueur atteint certainement rapidement des limites matérielles.
On voit bien, sur notre montage animé en illustration, qu’une tache de lumière épargnée au début du processus aura dans la réalité, c'est à dire dans les heures et les jours qui suivent, tout le temps de se déplacer et de disparaitre. Sans compter que cet exemple est une pochade comparée à d’autres dessins au format démesuré ou au feuillage innombrable qui exigent sans doute des semaines de travail. Et telle Lisière, qui mesure 172 centimètres par 98, serait difficilement transportable sur le vélo du peintre.
Dans ce cas Luthy travaille sans doute d'après des photographies, comme tout le monde.

Une exposition personnelle actuelle prend fin dans deux semaines dans une galerie de Genève. Mais qui peut se rendre dans une galerie genevoise actuellement ? Les Genevoix, et encore !
Le site internet est parfait, agréable, complet. Il présente une cinquantaine de peintures en grand format. N’allez pas lire les textes, commentaires creux, concepts fumeux, verbiage inutile, ils ne sont pas de l’artiste. Allez directement au menu Portfolio.

Regardez attentivement, comme l’a fait Luthy. Si possible sur un grand écran. Un peu de la sérénité du peintre vous touchera certainement.  
  

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