C’est trop injuste
Quatre tableaux rouges, bruns et noirs de Mark Rothko. L'exactitude des couleurs n'est pas garantie, les bonnes reproductions sont rares sur internet.
Un tableau rouge, brun et noir de Philippe de Champaigne, peint en 1664 et vendu chez sotheby’s le 10 novembre 2021.
Philippe de Champaigne, « bon peintre et bon chrétien », à l’art rigoureux et dépouillé comme celui de Rothko, avec les mêmes couleurs, aurait peint 11 portraits du cardinal de Richelieu, d’après Wikipedia. Sa manière n’a pas sensiblement changé au long de sa vie. Il est mort renommé à 72 ans.
Au 17ème siècle, peindre était un artisanat. Il exigeait un long apprentissage. Après 350 à 400 ans les tableaux de Champaigne sont intacts. On n’en dira peut-être pas autant des toiles de Rothko dans trois siècles.
Le portrait de Jérôme Bignon reproduit ci-dessus, peint en 1664 par Champaigne, vient d’être acquis aux enchères chez Sotheby’s pour l’équivalent de 65 000 dollars, dans la fourchette de l’estimation. Ça n’est pas un record pour le peintre, mais un bon indicateur.
La moindre toile de Mark Rothko sur le marché ne s’enlève pas à moins d’un million de dollars, et on trouve 5 fois le nom du peintre dans le palmarès des œuvres de plus de 50 millions de dollars, à l’égal de Van Gogh, et pas loin de Picasso.
En résumé, pour le prix d’un tableau de Rothko, on en achètera environ 1000 de Philippe de Champaigne (c’est une hyperbole, bien entendu, Champaigne n’a jamais peint tout ça).
Comment les œuvres de ces deux artistes, à qui on reconnait autant de talent et qui mirent le même raffinement à peindre d’austères formes colorées sur des toiles tendues, peuvent-elles avoir aujourd’hui des valeurs si éloignées ?
On nous répondra que les cotes et les prix sont le reflet des désirs du moment, qui dépendent des inclinations d’une société, des engouements de la mode, et qui sont injustes puisqu’ils font des choix.
Soit.
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