Les milliardaires et la crise du logement
Du trop méconnu Wallerant Vaillant, détail d’un Autoportrait au Turban, vers 1670. (Clark Art Institute, Williamstown, donation Tavitian 2024)
Avertissement de dernière minute : Le jour où un vieux milliardaire hystérique, financé par des confrères mégalomanes et soutenu par près de 150 millions de malheureux humains, vient de reprendre le pouvoir sur le pays le plus puissant de la planète et va accélérer son mouvement inévitable vers le chaos, la publication de cette chronique désolée sur la vie des milliardaires n'était peut-être pas appropriée, direz-vous... Mais l'information n'attend pas.
Il arrive hélas qu’en ces temps troublés, notamment de crise du logement, les milliardaires n’aient plus assez de place chez eux pour héberger les vastes collections d’objets d’art qu’ils ont accumulées. Ils choisissent alors leur exposition publique, qui les protège des intempéries et couvre les frais d'entretien par la vente des billets d'entrée.
En France le gouvernement, charitable, leur abandonne d’ordinaire pour les sortir de l’embarras un monument historique classé, ou un jardin public, et finance par l’impôt une bonne part de l’opération.
Aux États-Unis, c’est plutôt la débrouille, l’entraide. Les milliardaires, qui sont presque 1000 aujourd’hui, se sont mijoté une réglementation fiscale aux petits ognons par le moyen des fondations, qui leur permettent les fantaisies les plus profitables dans la gestion de leurs collections.
Ainsi le Clark Art Institute de Williamstown, grand musée de l’est des États-Unis, a été construit en 1955, approvisionné en chefs-d’œuvre et administré depuis par des milliardaires, dont le pauvre Aso O. Tavitian qui est mort en 2020.
C’était un des principaux donateurs. Il le reste à travers sa fondation. Elle, donc il, vient d’effectuer une donation de 132 peintures, 130 sculptures et quelques babioles hors de prix au Clark Institute, assaisonnées d’un chèque de 45 millions de dollars pour construire dans le musée une aile supplémentaire destinée à exposer et entretenir sa collection et sa mémoire (le dossier de presse, le catalogue détaillé de la donation et quelques reproductions en haute qualité sont accessibles sur les deux liens situés en haut de page entre la date et le titre).
C’était un des principaux donateurs. Il le reste à travers sa fondation. Elle, donc il, vient d’effectuer une donation de 132 peintures, 130 sculptures et quelques babioles hors de prix au Clark Institute, assaisonnées d’un chèque de 45 millions de dollars pour construire dans le musée une aile supplémentaire destinée à exposer et entretenir sa collection et sa mémoire (le dossier de presse, le catalogue détaillé de la donation et quelques reproductions en haute qualité sont accessibles sur les deux liens situés en haut de page entre la date et le titre).
Et il ne s’est pas moqué de ses donataires, le bienfaiteur.
Une extraordinaire série quasi exclusivement de portraits, des rares Sweerts, Rotari, Sassoferrato, Corneille de Lyon, Pontormo, aux plus communs Van Dyck, David, Cranach, et 33 tableaux de la suite des innombrables petits portraits-minute de Boilly… et quelques autres merveilles, dont celle qui fera la une des médias spécialisés, le seul tableau connu de Van Eyck (de son atelier disent les experts) en mains privées, inestimable, une Vierge à la fontaine de 21 centimètres *.
* Il y aura ici une petite énigme à résoudre. Le site de référence CloserToVanEyck reconnait deux versions de ce panneau, une version originale de 24.9 par 18 cm., signée et datée de 1439 par Van Eyck, au Musée royal des beaux-arts d’Anvers depuis 1841, et une version jugée copie d'époque du précédent, de 21.2 par 17.1 cm., moins subtile, d’attribution incertaine, dans une collection privée à New York. On en déduit sans hésiter que la seconde est la version de Tavitian. Or la reproduction fournie à la presse par le Clark Institute et la fondation Tavitian est celle de la version originale (jusqu’au plus fin réseau de craquelures) mais créditée des dimensions de la copie d’époque (21.3 par 17.2cm. dans le dossier de presse). Une blague ou une faiqueniouze de l’intelligence artificielle ?
Et on apprend en même temps que Sotheby’s soumettra aux enchères, en février 2025, le reste de la collection Tavitian en 4 ventes qui videront ses deux grandes propriétés de Manhattan et du Massachusetts et aideront à financer les libéralités de la fondation, à hauteur de 15 à 20 millions de dollars estime la maison de ventes.
Un jour prochain, quand la collection Tavitian aura été intégralement photographiée et reproduite au niveau de qualité (presque excessif) du reste de la collection du Clark Institute - déjà richement dotée d'œuvres de Turner, Sargent, Homer, Boilly, Vernet, Pierro della Francesca, Gérôme, Pissarro… - nous irons faire un tour virtuel - sans payer de billet d'entrée - de cette superbe collection dont l’heureuse réunion n’aurait jamais eu lieu sans l'horrible crise qui frappe sans distinction les milliardaires, jusqu'aux plus philanthropes.