Dans le coffre-fort du musée de Bâle (1 de ?)
Notre flâneur se dirige vers le site du musée des arts de Bâle (Basel Kunstmuseum), établissement réputé en Suisse, dans l’encoignure de l’Allemagne et la France.
On le voit pousser une porte, et son visage ébauche une grimace ; il se trouve dans un vaste hall accueillant, moderne, fantaisiste, mais incompréhensible, constellé de choses clignotant pour attirer son attention, alors qu'il ne souhaite que se balader paisiblement dans les pages d'exposition de la collection de peintures du musée, dont on lui a dit le plus grand bien.
Pour ne pas perdre trop de temps nous tairons le laborieux épisode de sa recherche du mot Collection (Sammlung). Il aura surtout rencontré, presque à chaque page, des panneaux publicitaires au sigle d'UBS (première banque de gestion de fortune au monde, trempée dans les grandes fraudes bancaires du siècle, mais épongée par des amies), et il aura finalement trouvé la fameuse collection après d’infinis détours ; elle était exactement ici.
Mais sur la page, pas d'image ; une sinistre ligne des lettres de l’alphabet suivie d’une liste nue des 25 noms de peintres qui commencent par A jusqu’à AG…, et un petit compteur ironique qui sous-entend que la présente page est suivie de 142 autres, qu’il faudra faire défiler au moyen d’une petite flèche insaisissable.
Notre promeneur est déçu, mais ne renonce pas ; il sait que le musée possède une riche série de tableaux de Hans Holbein le jeune ; alors il appuie hardiment sur la lettre H et fait défiler 6 pages pour atteindre les noms en Ho…
La première page (sur un total de 20) des œuvres de Holbein fils affiche alors 25 vignettes lilliputiennes de 120 pixels, illisibles. Téméraire, notre explorateur appuie sur la minuscule vignette plate du fameux Christ mort (Der Tote Christus). La page qui s’affiche alors apporte des informations sur l’œuvre et s’orne cette fois d’une petite vignette de 250 pixels. On progresse, se dit notre aventurier, optimiste.
Il pressent que sa quête sera bientôt récompensée, et presse avec fougue la petite vignette. Une fenêtre surgit qui agrandit nettement l'image du tableau ; elle mesure maintenant 600 pixels, à peine. À ce taux d'expansion - se dit notre héros - il faudra 10 ou 15 étapes avant d’obtenir une reproduction acceptable, comme dans les poupées russes.
Alors las il renonce, tourne le dos, sort du musée, constate que sa façade, dans la réalité, est celle d’un coffre-fort, s’assoit sur un banc au bord du Rhin tout proche, et médite sur la malédiction des musées suisses, qui ne peuvent s'empêcher de dissimuler leurs richesses.
Notre promeneur n'était qu'un philosophe. Nous aurions plutôt dû suivre un malfaiteur. Dégourdi, il aurait cherché à passer par les caves de l’établissement. Il aurait remarqué au fond de la page descriptive de chaque œuvre une flèche, comme une indication pour y descendre, et aurait découvert au fond d’une page décourageante, après avoir résolu deux énigmes enfantines (les solutions sont "original" et "download for other usage"), le trésor tant convoité : une magnifique reproduction, d’une dimension insensée (24166 × 3596 pixels et 45 mégaoctets), téléchargée automatiquement dans sa musette. Un butin certes un peu lourd mais aisément monnayable sur n’importe quel site sans moralité, comme Ce Blog est Plat.
Ainsi la chronique d’aujourd’hui présente ci-dessous quelques curiosités, raretés dénichées un peu au hasard dans les souterrains du musée par notre gredin hypothétique. D’autres livraisons suivront, dans quelque temps pour ne pas attirer l’attention des autorités.
Pour d’obscures motifs de secret des affaires les liens vers les pages de chaque tableau ne fonctionnent pas. Pour consulter leur fiche et télécharger une reproduction de qualité il vous faudra remonter à la liste des peintres et exécuter toute la procédure décrite plus haut, ou plus simplement copier le numéro d’inventaire "entre guillemets" et le coller dans la dernière case (Inventar Nr.) de cette page mystérieuse (Suche).
Liste des œuvres reproduites ci-dessus :
Scholz, Georges - Petite ville allemande la nuit, 1923, 100x75cm "G 2010.11"
Steenwyck, Harmen, Nature morte au crâne couvert avec une flute entre les dents, Huile sur bois de chêne, 20x26cm "1373"
Birmann, Samuel - Cascade en montagne, 1829, Crayon, stylo, aquarelle, 53,7x43,5cm "Bi.504.17". Que fait le minuscule personnage au centre ?
Giron, Charles, Jeunes filles valaisannes avant l’église, 1897, 159x89cm "248"
Stükelberg, Ernst, La tombe, 1891, 86x100cm "602". Hommage discret et original peint à la mort de la sœur du peintre. Le commentaire précise que sa plaque funéraire (donc sa tombe) est en réalité sur le mur du cimetière, au fond, près de la plaque de leur mère.
2 commentaires :
Heureusement que de valeureux explorateurs audacieux nous aident à rendre visible à leurs contemporains les zones encore inexplorées des terras incognitas du vaste Glob, et je dois dire sans ambage que vous êtes de ceux là et de cette trempe !
Qui aurait osé franchir le seuil de ce musée qui revêt notre pointeur d'un suaire glaçant ?
Vous le fîtes et vous allâtes au delà ! Bravo !
Je suis loin d'être un pleutre et j'ai du temps à perdre mais là, je l'avoue, j'ai abandonné tout espoir (comme disait l'autre avant d'y entrer), et j'attendrai avec impatience vos retours d'expéditions pour apprécier le fruit de vos découvertes.
Un autre endroit où il ne ferait pas bon traîner ses guêtres que cette ville de nuit de ce cher Herr Scholz ! On lui connait une représentation diurne à peine plus rassurante, on en frémit d'horreur bien au chaud au coin de nos ordinateurs.
À peine plus chaude, la cascade de Birmann, a le mérite de nous intriguer par son traité hybride.
On a effectivement envie d'y chercher dans les replis l'interlocuteur du minuscule Caspar David Friedrich en balade, et tout autant de deviner l'issue de la chasse en cours non loin.
Bien sûr, il ne manque pas à votre itinéraire un petit passage au cimetière , "hic transit gloria mundi", la formule n'est pas habituelle, mais n'étant pas latiniste…
J'aime bien ces déambulations que vous nous offrez, mais faîtes tout de même attention à vous, vous risqueriez de vous perdre un jour dans ces méandres tant ils sont mal balisés.
Vous êtes aimable de vous préoccuper de mon sort, d'autant que les lieux sont très mal fréquentés, mais il faut bien que quelqu’un se dévoue et dévoile ces merveilles dont le monde connaissait à peine l'existence, et puis mes risques sont calculés, je n'y envoie que des avatars que je pilote à distance quand je savoure flegmatiquement un sirop de menthe derrière mon VPN.
Quant à la petite ville diurne de Scholz, elle souligne encore une fois l'importance de ma mission. Il a hélas été acheté en 2016 par le Chicago Art Institute, qui s'est aussitôt empressé de le reproduire médiocrement sur son site (Scholz est mort en 1945). Mais Ce Glob veille. Il est prêt à tout pour informer le monde sur les plus grandes réalisations de l'humanité. Aussi vous trouverez à l'adresse suivante, pour vous remercier de votre fidélité, une belle et claire reproduction du tableau, accompagnée de son étude préparatoire à la gouache :
https://www.dropbox.com/scl/fo/o53659ukfpjb8pe6b4xe2/AMnoSyR33TWo1KQ-7oQ79Nc?rlkey=wx3g9ny1r2r52mctpn9sbxxew&dl=0
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