Les ambassadeurs, un documentaire réussi
Les films documentaires sur les peintres et les tableaux sont généralement insupportables, y compris sur les chaines ou les sites dits culturels. On y voit essentiellement des gros plans sur les visages, boutons, pellicules, squames et autres psoriasis des responsables de musées importants, qui affirment que l’artiste est le plus grand de son temps et que le tableau qu’ils possèdent est le plus grand de son œuvre. Parfois ils nous racontent, avec un léger sourire entendu, une anecdote que tout le monde sait fausse mais qui restitue un peu d’humanité à cet être hors du commun qui aura peint trois pommes sur un coin de table. Il n’est pas rare qu’ils donnent également un avis personnel sur la chance insigne qu’ils ont, par leur métier, de contempler en vrai cette merveille tous les jours de la semaine, simplement en allant au bureau. Et on ne s'appesantira pas sur les grotesques reconstitutions filmées et les tableaux animés par un relief factice.
Le documentaire "Les ambassadeurs, la face cachée du monde" (de Jacques Loeuille), diffusé actuellement sur le site d’Arte jusqu’au 5 avril 2026, qui décrit et illustre l’histoire de ce tableau incomparable de Hans Holbein le fils, conservé à la National Gallery de Londres, ne tombe qu’assez modestement dans les travers du genre. Bien sûr on aimerait que les éclaircissements apportés sur le fatras d’instruments minutieusement peints pour illustrer soi-disant la discorde, la confusion de l’Église, soient un peu plus étayés et probants (avouez que vous pensiez que ça n'était qu'un vide grenier dans la haute société), et on nous conte l’histoire du mariage de Henri 8 et des guerres de religion à l’aide de reconstitutions filmées, avec humour et d’antiques films qui tremblotent en noir et blanc. Mais ne nous plaignons pas, l’intrigue est prenante, l’histoire est belle, et on finit par y croire parce qu’elle est triste, et que s’y produisent des décapitations, des massacres, des guerres de religion, la peste, en bref les tracas de tous les jours.
Pour qui ne s’intéresse pas à l’histoire mais à la peinture, le documentaire est laconique sur les aspects picturaux, à l’exception de l’incroyable anamorphose du crâne qui traverse le centre du tableau et dont il nous montre le fonctionnement. Il n’a pas le temps de nous dire que le spectateur devait découvrir le sens de cette énorme tache en sortant par une porte perpendiculaire à la droite du tableau et en se retournant - ce qui était naguère le cas à la National Gallery.
Il ne nous dira pas que lors de la restauration du tableau en 1996, l'expert, soutenu par le musée, s’est jugé plus malin que le peintre, a modifié la forme et des détails du crâne, prolongé la mâchoire sur le bord du tapis, et changé le motif de la tapisserie sous la main pendante d’un personnage. Ces présomptueuses pratiques ne sont pas si rares.
Et il ne vous dira pas, si vous souhaitez vérifier de près ses affirmations et les prouesses du peintre, que vous pourrez, sans avoir à vous rendre à Londres et à déclencher l’alarme du musée, vous promener comme une mouche sur les 4 mètres carrés de l'œuvre, en mode Gigapixel, en vous rendant à cette adresse, en n’oubliant pas une fois sur place de sélectionner, dans le coin haut-droit du tableau, l’icône de la double flèche, et en piquant sur les détails au moyen de clics de souris et de la touche majuscule.





















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