Stoskopff !
Une âme éprise de métaphores dénichera toujours dans un coin de n’importe quel tableau figuratif une chose qui lui rappellera ces évidences. Elle en déduira, selon ses penchants, une incitation à profiter des tous les instants, même les plus futiles, sans arrière-pensée (*), ou au contraire à fuir les divertissements car ils la détournent de mystérieux commandements reçus d’un autre monde où une bienveillante entité doit la submerger de félicité.
Mis à part la bougie et le crâne, qui éclairent et dramatisent opportunément nombre de scènes de vanité, les objets représentés varient indéfiniment, en raison des modes, des époques et des pays : fleurs, papillons, bulles de savon, fruits avariés ou non, gaufrettes, verres de cristal, coquillages, sabliers, journaux, feuilles d’automne, nuages…
Un voyage en Italie, de longs séjours et un succès vraisemblable à Paris. La rigueur et le dépouillement qu’il partage, comme certains des objets qu’il représente, avec les peintres de nature morte de l’époque, Lubin Baugin, Louise Moillon, Jacques Linard, témoignent de probables rencontres.
Enfin une réussite certaine dans l’est, à Strasbourg et Idstein, où il meurt étrangement, en 1657, saoulé à l’eau-de-vie et enterré furtivement par un logeur aubergiste, lavé de l’accusation de meurtre mais qui sera, 20 ans plus tard, brulé dans un des derniers grands procès en sorcellerie.
Et 70 tableaux retrouvés dont la moitié signés, et sur lesquels il peignit principalement des verres (par paniers entiers parfois), des livres, des poissons et des coquillages.
Oublié pendant trois siècles comme son confrère lorrain Georges de La Tour, il renait discrètement en public au même moment, dans la grande exposition des « peintres de la réalité au 17ème siècle », pendant l’hiver 1934-35, à l’Orangerie des Tuileries de Paris.
Mais l’austérité des sujets, des mises en scène et des couleurs le destinaient sans doute à rester dans l’ombre. On l’en extrait quelquefois, pour un temps, comme lors de la grande rétrospective Stoskopff à Strasbourg et Aix-la-Chapelle en 1997.
Aujourd’hui, le musée de l’Œuvre Notre-Dame de Strasbourg, qui avait tant fait alors pour la reconnaissance du peintre, n’en expose plus qu’un seul tableau, une « Grande vanité », et ne prend même pas la peine de signaler à l’avance que l’étage où sont exposés (on le suppose) les 7 autres chefs-d’œuvre qu’il détient, est fermé, ni pour combien de temps.
On se fera une certaine idée de ce que l’on perd en consultant la petite soixantaine de tableaux reproduits (en basse qualité) sur le site The Athenaeum, ou ici, et quelques rares belles reproductions sur les sites du Metropolitan museum de New York (« Nautile et boite en copeaux » acheté en 2001), du musée Boijmans de Rotterdam et de Google Arts & Culture pour les deux tableaux du musée du Havre.
Il reste à espérer que le musée de l’Œuvre Notre-Dame de Strasbourg, qui pèche par une humilité démesurée, se ravisera un jour et exposera orgueilleusement au public, qu’elle aura copieusement averti, sa collection complète de vanités de Stoskopff, qui est unique au monde.