mardi 19 octobre 2021

La vie des cimetières (101)



Rochefourchat est de ces localités qui font les bouche-trous et la joie de la presse régionale tant il n’y a rien à en dire

Le village a perdu méthodiquement un habitant par an depuis 1800, quand ils étaient 200. Depuis 1999 ils ne sont plus qu’un. C’est un pluriel de majesté. Le maire, lui, habite Paris, à 7 heures de route.

Sur 407 mètres carrés, le cimetière compte une quinzaine de tombes éparpillées. Quoiqu'entretenu, on devine qu’il n’en a plus pour bien longtemps. La population est partie mourir ailleurs. Reste la cabine téléphonique et l'église désaffectées, et quelques corps de bâtiment. 

Un artiste conceptuel pourtant, que personne n’a oublié parce qu'il n'a jamais été connu, avait apposé à Rochefourchat, avec beaucoup de cérémonie et peut-être un peu de dérision, en septembre 2006, une plaque inaugurant un Centre d’art contemporain fantôme. Ça n’a pas ressuscité le village.


Copie d'écran d'une page de consultation du cimetière de Rochefourchat sur le site de Geneanet.
 
Cependant on a pu voir, à l’occasion, un généalogiste égaré photographiant les inscriptions sur quelques tombes, et se laissant aller à en immortaliser de moins lisibles mais pittoresques. Ce qui ne fait pas les affaires du site Geneanet, qui veut bien mettre des moyens de diffusion à la disposition des taphophiles obsessionnels, mais il lui faut en échange des noms et des dates. 
Sur Geneanet on ne fait pas d'esthétisme, pas de photos d’ambiance, pas de flou artistique. On doit dénoncer les morts, les identifier par tombereaux. Le soldat inconnu au pied de l’Arc de triomphe les laisse de marbre. 

Ils auraient indexé plus de 30 000 cimetières dont 24 000 en France, et pas loin de 20 millions de noms, gravés sur tombe ou monument aux morts. 
Ils appellent cette collecte un projet collaboratif. C’est très bien organisé, et leur chaine Geneanet sur Youtube est dynamique et pédagogique, accommodée de musique guillerette. S’il faut croire le bandeau en fronton, les personnes qui cherchent leurs ancêtres morts sont plutôt jeunes et jolies, avec la peau claire.

Enfin, ils sont inévitablement passés à l’ère désoxyribonucléique. Vous aurez préalablement, contre 150 euros, craché dans une enveloppe envoyée ensuite à un site internet illégal implanté à l’étranger.
À réception du résultat, vous envoyez le fichier ADN à Geneanet

Ils reconstituent alors automatiquement votre généalogie complète, vous retrouvent de la famille en Nouvelle-Écosse, en Papouasie, en passant par Darwin, ou par Neandertal, remontant par Toumaï, puis Adam, et enfin… On conseillera d’arrêter là et d’éviter les dernières pages, dès que vous verrez les mots écailles ou tentacules.

Et quand vous réaliserez ébahis que tant de science permet à Geneanet de satisfaire cette interrogation essentielle « Suis-je cousin d’un médaillé olympique ? », réservée toutefois au profil Premium abonné à renouvellement automatique résiliable à tout moment, vous vous poserez peut-être la question « ces recherches ont-elles un sens, une utilité ? »

Vous y répondrez sans doute.

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