Améliorons les chefs-d’œuvre (22)
L’actualité d’aujourd’hui n’apportant rien de bien surprenant, nous évoquerons une petite anecdote de restauration au musée de Picardie à Amiens.
En 1435, Leon Battista Alberti, érudit à tout faire dont on dit qu’on lui doit la révolution de la perspective et peut-être même toute la Renaissance italienne, écrivait dans un petit traité sur la peinture "Mon premier acte, quand je veux peindre une superficie, est de tracer un rectangle, de la grandeur qui me convient, en guise de fenêtre ouverte par où je puisse voir le sujet."
Avec des idées pareilles il arrive fatalement, après des siècles, que le sujet se déplace un peu derrière cette fenêtre, histoire de se dégourdir les jambes, et ne soit plus parfaitement cadré à son retour.
Le visiteur qui découvrira cette fillette peinte dans le style de Pontormo (notre illustration), à l’angle d’une salle du musée d’Amiens, sourira devant l’imagination plutôt moderne de ce Francesco Traballesi, peintre né en 1544 (ou 1541 selon d’autres sources), à Florence.
Cependant Traballesi n’était pas un peintre original, ni mémorable, et il n’est pour rien dans l’amusante étrangeté de cette scène.
On lui a commandé un portrait d’une mère et sa fille, qu’il aurait réalisé en 1550 dit le cartel du musée (ce qui est impossible, le peintre n’avait alors que 6 ou 9 ans - mais la question n’est pas là).
Et suite à un évènement familial inconnu, on lui aura demandé d’effacer la fillette et de rétablir l’équilibre du tableau avec la mère seule. Ce qui fut fait, vraisemblablement en sciant une trentaine de centimètres du bas du panneau et une dizaine de chaque côté. La moitié supérieure de la tête de la fillette fut alors repeinte de la couleur de la robe sombre de la mère.
4 commentaires :
"Suite à un événement familial inconnu" ? Quelle bizarre hypothèse...
Pourquoi ne pas penser plutôt que le tableau avait été abîmé dans sa partie basse (brûlé, sans doute), ou, plus simplement, que son format ne convenait pas au nouveau détenteur, bien longtemps après que l'identité des modèles s'était perdue. Les œuvres redimensionnées pour cette raison ne sont pas rares, me semble-t-il.
Quoi qu'il en soit, l'effet est saisissant et l'on se prend à regretter que pareil cadrage soit a priori exclu.
Merci encore pour cette trouvaille !
pi
Nous avons donc 3 hypothèses :
1. Une bougie trop proche et le cadre du panneau commence à bruler et entamer la couche peinte. L'incident est arrêté à temps mais 15 ou 20 centimètres en bas du tableau sont très abimés. On demande à un peintre (ou un menuisier) assez bon techniquement pour maquiller suffisamment proprement la catastrophe, mais pas suffisamment bon peintre pour reconstituer le peu qui a disparu (alors que le visage est manifestement en grande partie intact).
2. On a hérité d'un lointain oncle un tableau qui mesure 30 centimètres de trop dans les deux dimensions pour décorer la petite portion de mur au fond des toilettes, mais on le trouve tout de même très attachant, alors on décide de sacrifier la petite fille (et c'est trop bête, on s'en aperçoit trop tard, mais on aurait pu en faire deux portraits séparés, ce qui restait alors possible)
3. Un évènement familial, une mésentente, un mésalliance, a fait qu'on ne supporte plus la vue des deux personnes ensemble et qu'on a chargé un (ou le) peintre de concrétiser la rupture en limitant les dégâts, Traballesi était probablement très cher à l'époque. Ce sont des choses qui arrivent aussi fréquemment que les recadrages pour manque de place.
Eh bien permettez-moi de penser que je persiste à ne pas trouver mon hypothèse plus extravagante que les deux vôtres et à penser qu'elle répond peut-être mieux à certains aspects techniques.
Évidemment seule une étude scientifique poussée et très chère comme les laboratoires savent en faire aujourd'hui apporterait des indices qui aideraient à éliminer ou orienter les hypothèses.
Peut-être a-t-elle été faite en 1965. En bon scientifique je corrigerai alors mon scénario avec plaisir, si nécessaire.
D'accord. Et en attendant vous écrirez donc : "Pour une raison inconnue..." :-)
Ah non, ma rigueur me l'interdit ! Et puis un peu de pathétique, même hypothétique, apportera sans doute un succès populaire mérité à ce blog qui en a bien besoin ! :-)
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