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vendredi 27 mai 2022

Améliorons les chefs-d’œuvre (22)



L’actualité d’aujourd’hui n’apportant rien de bien surprenant, nous évoquerons une petite anecdote de restauration au musée de Picardie à Amiens.

En 1435, Leon Battista Alberti, érudit à tout faire dont on dit qu’on lui doit la révolution de la perspective et peut-être même toute la Renaissance italienne, écrivait dans un petit traité sur la peinture "Mon premier acte, quand je veux peindre une superficie, est de tracer un rectangle, de la grandeur qui me convient, en guise de fenêtre ouverte par où je puisse voir le sujet."
Avec des idées pareilles il arrive fatalement, après des siècles, que le sujet se déplace un peu derrière cette fenêtre, histoire de se dégourdir les jambes, et ne soit plus parfaitement cadré à son retour.

Le visiteur qui découvrira cette fillette peinte dans le style de Pontormo (notre illustration), à l’angle d’une salle du musée d’Amiens, sourira devant l’imagination plutôt moderne de ce Francesco Traballesi, peintre né en 1544 (ou 1541 selon d’autres sources), à Florence.
Cependant Traballesi n’était pas un peintre original, ni mémorable, et il n’est pour rien dans l’amusante étrangeté de cette scène. 

On lui a commandé un portrait d’une mère et sa fille, qu’il aurait réalisé en 1550 dit le cartel du musée (ce qui est impossible, le peintre n’avait alors que 6 ou 9 ans - mais la question n’est pas là). 
Et suite à un évènement familial inconnu, on lui aura demandé d’effacer la fillette et de rétablir l’équilibre du tableau avec la mère seule. Ce qui fut fait, vraisemblablement en sciant une trentaine de centimètres du bas du panneau et une dizaine de chaque côté. La moitié supérieure de la tête de la fillette fut alors repeinte de la couleur de la robe sombre de la mère.

En 1965 un restaurateur pointilleux découvrait la demi-tête masquée, et la faisait réapparaitre.


dimanche 12 septembre 2010

Des bienfaits de la lumière

Aux dires du très éclairé Didier Rykner dans sa Tribune de l'Art, on a retrouvé un chef-d’œuvre de Bronzino dans un recoin sombre du musée des Beaux-Arts de Nice. Il y était exposé depuis plus d'un siècle, anonyme. Et ça n'est pas l'effet d'une révision des attributions, mais d'un hasard atmosphérique. Deux experts passaient devant le tableau oublié quand un rayon de soleil l'illumina.
Agnolo Bronzino était un peintre essentiellement florentin, fils adoptif de Pontormo qu'il assista notamment pour l'exécution des fresques de Galluzzo et de Santa Felicità. Il est apprécié pour ses portraits raffinés, froids et distants (certains diront inexpressifs et caoutchouteux) des puissantes familles de Florence.

Ne demandez pas à un visiteur du musée des Offices (Uffizi), à Florence, s'il y a admiré les magnifiques portraits de Bia, de Maria ou de Francesco de Médicis par Bronzino. À peine les aura-t-il entraperçus. Ils sont exposés, dans un petit cabinet qu'on visite à la file indienne en quelques secondes, pressés par le touriste suivant, et en tordant le cou pour les discerner vaguement, perchés très haut, mal éclairés.

À Florence, le moyen le plus sûr d'admirer les portraits de Bronzino est certainement de flâner dans les rues où d'immenses placards publicitaires vantent parfois le mécénat des modernes Médicis. Ici une firme italienne finance en partie la restauration du musée des Offices.

C'est un peu la spécialité de ce prestigieux musée que d'exposer les plus grands chefs-d'œuvre de la peinture dans des conditions désolantes. Les gardiens ferment les volets dès qu'un rai de soleil ose tracer un trait discret sur le parquet ou sur un mur, au point que rares sont ceux qui peuvent prétendre savoir ce qu'hébergent les grandes salles du premier étage. On suppose qu'il s'agit de toiles en clair-obscur, des scènes nocturnes hollandaises influencées par Le Caravage. Le touriste qui s'aventure à cet étage hésite à pénétrer dans l'enfilade des pièces. Il entend comme des ronflements. L'obscurité lui fait croire qu'il s'est égaré dans les réserves du musée et il rebrousse chemin. Peut-être y découvrira-t-on un jour, à la faveur d'un courant d'air, quelque gardien desséché ou un Caravage oublié.

À quelques centaines de mètres du musée, le Palais Pitti organise de septembre 2010 à janvier 2011 une rétrospective des œuvres de Bronzino. Souhaitons qu'elle permettra aux bienheureux qui iront à Florence de voir enfin, une fois dans leur vie, les portraits de Bronzino dans des conditions acceptables. Mais rien n'est garanti quand on connait, au palais Pitti, la déplorable disposition, entre autres, du plus beau des portraits de Titien.

Mise à jour du 29.10.2010 : C'est en fait au Palazzo Strozzi que sont exposés 54 tableaux de Bronzino, sur 70 connus actuellement, dont 26 proviennent du musée des Offices.

vendredi 25 juin 2010

Le visiteur à l'état fluide

Voilà. Dorénavant, entrant dans le musée d'Orsay (1) après avoir payé votre droit de visite et acheté une réserve de jetons d'un euro à la caisse idoine (2), vous pénétrez dans une immense galerie réaménagée et méconnaissable, baignée d'une reposante pénombre, ponctuée de petites oasis intermittentes de lumière. Les approchant, vous réalisez que ce sont les tableaux et sculptures du musée, momentanément éclairés par l'obole du visiteur précédent. Un jeton glissé dans une ingénieuse tirelire à minuterie donne droit à deux minutes d'éclairement par objet, comme cela se pratique depuis longtemps dans certaines églises richement dotées. Pour compléter le dispositif, un discret parcours lumineux au sol informe et oriente le touriste.

Florence, église Santa Felicità. Cette déposition de croix de Pontormo (ici un détail) considérée comme un de ses plus beaux tableaux, est enfermée au fond d'une petite chapelle latérale, dans le noir. Un euro versé dans une tirelire à minuterie éclaire la chapelle pour cinq minutes, mais n'ouvre pas les grilles.


Ne vous inquiétez pas, le système n'est encore qu'un projet. Ça n'est pour l'instant que l'ironique suggestion de F. P., professionnel déçu qui s'attriste dans le livre d'or du site du musée. Car une chose est en revanche certaine : les gestionnaires d'Orsay viennent soudainement d'interdire toute photographie à l'intérieur du musée, œuvres et architecture du site, sous le prétexte facilement réfutable de la fluidité du visiteur.

On ne reviendra pas sur l'illégalité du procédé, elle a largement été démontrée en 2005 lors de l'affaire de l'article 33 du règlement de visite du Louvre, où l'autorisation de photographier est encore aujourd'hui dans une situation incertaine. La photographie y est interdite mais tolérée, dans l'attente peut-être d'un incident qui justifierait alors l'application stricte du règlement.

Comme le ressent N.D. de B., un des nombreux scandalisés qui se soulagent sur le livre d'or, ne pas autoriser la photographie dans un musée, c'est comme demander au visiteur d'effacer ses souvenirs en sortant. Cette nouvelle manifestation de la longue série des petits abus de pouvoir et des détournements du bien public ne mérite que le mépris et évidemment l'irrespect.

Actualité du 05.12.2010 : Didier Rykner (La Tribune de l'Art) couvre une périlleuse manifestation pacifique dans le musée d'Orsay (15 participants) organisée avec le soutien de LouvrePourTous.fr, en protestation contre l'interdiction de photographier.
Six mois après sa publication au Journal Officiel le 22.06.2010 sous le numéro 81937, la question écrite au ministre de la Culture n'a toujours pas de réponse.
Actualité du 15.03.2011 : Le Sinistre de la culture vient de répondre à la question écrite 81937. On en parle ici, hélas !


***
(1) Célèbre établissement public parisien présentant des œuvres principalement françaises créées entre 1848 et 1914.
(2) Le maximum autorisé par visiteur est de 50 jetons, surnommés «photons» par le personnel du musée.

samedi 10 avril 2010

Irons-nous à Baltimore ?

Une poignée d'inoffensifs idéalistes prétend que les œuvres produites dans l'histoire de l'humanité appartiennent à tous, et que les établissements publics, les musées, qui les administrent grâce à l'impôt, doivent les entretenir, les protéger, et les mettre en valeur afin de faire fructifier intellectuellement ce patrimoine de l'espèce humaine.
D'autres, réalistes, considèrent ces biens comme leur propriété et s'organisent pour en tirer un profit matériel, parfois personnel. On les repère notamment à la pauvreté et la mesquinerie des reproductions qui illustrent leurs sites sur internet, malgré l'obscène opulence de leurs collections. Le sujet a déjà été évoqué ici-même.

Le badaud qui, un soir de déambulation, entre sur le site du Walters Art Museum de Baltimore sentira immédiatement, à l'émerveillement de chacun de ses pas, qu'il a découvert un pays de cocagne et qu'il y restera jusqu'à l'indigestion. Le musée et la collection ont été légués en 1931 à la ville de Baltimore, « au profit du public et pour son éducation », par Henry Walters, héritier et magnat des chemins de fer. Et après 80 ans, son vœu semble encore respecté à la lettre. 7500 objets du musée sont reproduits sur le site, en belles images qui peuvent être agrandies et même téléchargées. La collection est variée, des tablettes mésopotamiennes, des dizaines de scarabées égyptiens, une série de toiles des plus pompeuses de Jean-Léon Gérôme, un des plus beaux tableaux printaniers de Claude Monet, l'extraordinaire portrait de Maria et Giulia Salviati de Pontormo...


Les cases des illustrations représentent chacune un détail d'un objet du Walters Art Museum, qu'on retrouvera directement sur le site du musée dans la liste de liens qui suit (classée dans un ordre différent de celui des images) :

Achenbach Andreas, éclaircie côte de Sicile
Anguissola Sofonisba, portrait de Massimiliano Stampa
Anonyme, Allemagne renaissance, Memento mori
Anonyme, Égypte, tête de prêtre (gréco-romain)
Anonyme, Guatemala, urne avec jaguars et crânes
Anonyme, Japon 19ème, mante articulée
Anonyme, pendentif avec un moine et la mort
Anonyme, Pérou, lama
Anonyme, Renaissance, Madeleine pleurant
Anonyme, Renaissance, Saint Joseph
Anonyme, Rome, la muse Clio
Bigot Trophime, Judith coupe la tête d'Holoferne
Bloemaert Abraham, paysage et parabole
Bonnat Léon, Portrait de William T. Walters
Bonvin Léon, oiseaux dans un buisson
Church Frederick, matin tropical
Corente Giovanni, Saint Jean Baptiste dans un paysage
Corot, les saules de Marissel
Daumier, le wagon de seconde classe
Fortuny, un ecclésiastique
Gérôme Jean-Léon, marché romain aux esclaves
Gérôme Jean-Léon, la prière des martyrs chrétiens
Gérôme Jean-Léon, le duel
Giordano Luca, Ecce homo
Giovanni di Paolo, mise au tombeau
Greco, Saint François
Heade Martin Johnson, meules dans les marais de Newburyport
Ingres, odalisque et esclave
Lieferinxe Josse, Saint Sébastien prie pour les pestiférés
Maitre de la nativité de Castello, madone et enfant
Maitre des furies, 1650, figure tourmentée
Matsushige, Ashinaga et Tenaga prennent un poisson
Monet Claude, printemps au jardin
Nomé François de, Saint Paul prêchant
Pontormo, Maria et Giulia Salviati
Trouillebert, Paysage
Van Diest Willem, naufrage dans une tempête
Vernet Claude-Joseph, paysage avec chute d'eau
Veronese, portrait de Livia et Porzia
Woodville, Politique dans un bar à huitres

Chaque détail © Walters Art Museum, Baltimore

samedi 13 octobre 2007

Nuages (5)

En 1523, le peintre Pontormo (Jacopo Carucci) fuyait Florence envahie par la peste pour se réfugier dans la chartreuse de Galluzzo, 5 kilomètres au sud. Il y peignit alors 5 fresques représentant des scènes de la vie du Christ (ici devant Pilate) qu'il termina en 1525.

  Elles s'y trouvent encore aujourd'hui. Très abîmées, elles ont été fixées sur des panneaux de bois et semblent flotter sur les murs, fantomatiques, dans l'ombre fraîche de la pinacothèque du monastère.