jeudi 24 août 2023

Jérôme Bosch contre l'entropie

Compilation des beaux visages du panneau central du Jardin des délices de Bosch. Certains, très personnalisés, sont sans doute des portraits, ce qui étaierait la thèse de la commande du tableau à l’occasion d’un mariage princier. Tous sont jeunes et nus, mais la morale est sauve quand on sait ce qui les attend sur le panneau de droite, pour avoir abusé de langueur et de fruits.

On s’en souvient peut-être, les 470 000 bienheureux qui s’étaient transportés en 2016, pour la grande rétrospective de Bois-le-Duc, dans cette petite ville du centre des Pays-Bas où le peintre était né et mort 500 ans plus tôt, furent frustrés.
Car le musée du Prado de Madrid, seconde étape de la même exposition et détenteur du plus grandiose des tableaux du peintre flamand, le "Jardin des délices", n’avait pas souhaité l'acheminer si loin, au septentrion, sur plus de 1100 kilomètres ; les trois panneaux de chêne, déjà fragiles, n'auraient pas supporté le voyage.
Résultat, c'était comme une rétrospective Léonard de Vinci sans la Joconde ! Ah non, mauvais exemple, le cinq-centenaire de Léonard au Louvre en 2019 s'est justement fait sans elle.

Plus tard, pendant 17 semaines, les 580 000 bienheureux suivants qui se transportèrent à Madrid où le tableau était donc demeuré, réussirent à apercevoir le fameux triptyque. Certains le prétendent. 
Le Prado affirme qu'il a recueilli le regard admiratif d’environ 5000 visiteurs par jour, nombre qu’on pourra juger ridicule comparé aux 25 000 dans le même temps devant la Joconde à Paris. 
Mais ce serait oublier que la dame italienne est seule sur son balcon, et que le spectateur n’y va que pour vérifier les reproductions et prouver sur son réseau social que l'original existe. 10 secondes lui suffisent pour cela.
Alors qu’à lui seul, le panneau central du triptyque de Bosch héberge 554 humains ou humanoïdes, plusieurs dizaines de portraits, et près de 1000 personnages en incluant les autres espèces. 
Savez-vous combien de temps vous serait nécessaire pour identifier l’expression ou l’activité de chacune des figures de ce panneau de 4,3 mètres carrés ? Ne réfléchissez pas trop longtemps, 5000 touristes attendent derrière vous… Et vous avez déjà dépassé le délai autorisé qui n’était que de 7 secondes en privé devant le triptyque.  

Or rappelez-vous 2009, 7 ans avant cette ruée vers Bosch, Google et le Prado offraient sur internet une reproduction gigantesque du Jardin des délices, 156 547 par 89 116 pixels, soit 14 milliards de pixels, qui disparaissaient lors de l’exposition de 2016, pour renaitre 10 jours plus tard sur un site néerlandais.
En parallèle, de 2013 à 2016, le Projet Bosch (Bosch Project dans l’idiome dominant) partageait en ligne le résultat de ses travaux de préparation du cinq-centenaire avec des reproductions également colossales de toutes les œuvres du peintre (décidément, encore un projet hollandais, il n'y a que le nord de l'Europe, les Hollandais et les Anglo-saxons, pour respecter les principes du domaine public et le diffuser au monde entier sans contrepartie).

Eh bien par miracle, au mépris de la 2ème loi de la thermodynamique sur internet, ces deux sites sont toujours accessibles (pour le Projet Bosch il faudra passer outre un message d’alerte imbécile).
Leur manipulation aisée et fluide est un plaisir et les conditions de visite idéales. Bosch lui-même n’aura jamais vu autant de détails. Restez-y des heures, fouillez le moindre recoin, copiez ce que vous pouvez par tout moyen, licite ou non.

Qui sait combien de temps ces merveilles incomparables peintes voilà cinq siècles seront encore visibles ?

Les adresses, pour mémoire :
▷ Le jardin des délices de 2009 (choisissez Free explore, enlevez les Markers dans le menu en haut à droite et coupez éventuellement le son),
▷ L'œuvre complet de Bosch (par le projet Bosch, également en mégapixels et en infrarouge, rayons X et autres indiscrétions).

Petite astuce, si, devant un détail d’un tableau du Projet Bosch, vous souhaitez exprimer votre humeur sur les réseaux sociaux, vous pouvez transmettre un lien direct qui pointe exactement sur le détail devant vos yeux en copiant et envoyant le contenu de la barre d’adresse.

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