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samedi 22 avril 2023

Les chimères de Beauvais

Beauvais, détail du portail sud de la cathédrale.

On retient généralement de la cathédrale de Beauvais sa destinée fatale, son ambition et sa voute démesurées, son incomplétude et son infirmité, et cette fin de vie sous surveillance permanente maintenue par de gigantesques prothèses
Si on a accepté d'y débourser quelques euros, on aura peut-être aussi retenu le fabuleux spectacle de l’horloge astronomique, bénie en 1876, sommet du fétichisme kitch où Jésus nimbé d’or combat le vice avec une parfaite ponctualité, et signale le cas échéant certains évènements astronomiques qu’il aura mitonnés pour notre plus grande admiration et sa gloire éternelle (notons cependant que le mécanisme doit être fréquemment réglé voire restauré par des ouvriers spécialisés).   

Mais on ne parle jamais de toutes les bestioles maléfiques qui nous y attendent, sur la façade de l’entrée principale. Elles ont déjà dévoré toutes les saintes figures qui ornaient les innombrables niches des voussures autour du portail sud, et même le tympan. 
Leur calcaire tendre a bravement supporté les intempéries picardes depuis 500 ans. Pourtant la très officielle Association Beauvais Cathédrale, qui décrit en détail les décors végétaux du portail, la vigne, le chêne et la bryone, ne dit pas un mot de ce bestiaire en haut-relief, alors qu'on peut parier qu'il survivra à notre civilisation qui se précipite. 
Rien non plus sur la page très complète du site Patrimoine-Histoire. On y apprend cependant que ces prétendus monstres ne sont pas coupables de la disparition des personnages bibliques qui couvraient la façade. Ceux-ci auraient brusquement quitté leur piédestal au moment de la Révolution, en 1793 précise l'inventaire de la région.


Cathédrale de Beauvais, monstres et grotesques autour du portail sud en 2022. On notera que l’inspiration du bestiaire figurant le mal, assemblage chimérique de morceaux d'animaux désagréables, n'a pas vraiment évolué au long des siècles ; toujours les mêmes peurs ancestrales.

samedi 22 janvier 2022

Assise

Assise en Ombrie, pointe nord-ouest de la ville fortifiée, basilique Saint-François et couvent, entre novembre 2021 et janvier 2022.
N’oubliez pas de zoomer, chaque image fait 1000  pixels.


En ces temps de précarité climatique, sanitaire, politique, quand l’incertitude ne porte plus sur la direction que prennent les choses mais sur le temps qu’elles mettront à se rendre à destination, il est prudent de prendre du recul, et apaisant de s’asseoir et de regarder passer indéfiniment le présent. Et il reste sur la planète quelques caméras pointées sur des sites autour desquels c’est encore le monde qui tourne, n’en déplaise aux messieurs Képler, Copernic ou Aristarque de Samos. 

Telle est la monumentale basilique de Saint-François à Assise, au cœur de l’Italie, sur un promontoire qui surplombe la plaine d’Ombrie. Construite alors que François était à peine froid mais déjà saint, afin d’abriter ses restes magnifiquement, sans respecter le dépouillement qu’il venait d'enseigner, et en taxant lourdement les populations, matant brutalement les oppositions locales et vendant des indulgences par tombereaux. C'était vers 1230.  

François était un saint des plus communs, comme on en a connu une pléthore depuis le Bouddha, né dans une très riche famille, abusant précocement de tous les plaisirs, envahi un jour, après une mauvaise digestion, un lendemain de cuite, ou le dérèglement des sens, par une profonde sensation de dégout (on a tous connu ça), et imaginant alors que l’abstinence lui rendrait l’envie de vivre, en abusant pareillement, tentant pour s’en persuader de l’enseigner aux autres. Avec les privations arrivent alors les hallucinations, on entend des voix, on commence à parler aux oiseaux, et ça devient une idée fixe. Rien de plus banal. 
De là à en faire une doctrine, un ordre religieux, des monastères, des sites de pèlerinage touristique…

Le 26 septembre 1997, un séisme, monumental également, éparpillait des fresques et une partie de la voute, ensevelissant quatre vies. 
En 2000, après restauration, l’UNESCO s’empressait de déclarer le lieu Patrimoine mondial de l’humanité. 

Tout cela méritait bien une webcam idéalement placée (et sonore, fait rare). Probablement cette caméra à 10 mètres au-dessus du sol, installée en 2016, surplombant la caméra de surveillance et sous la corniche, à l’angle de l’hôtel Subasio.

Comme pour le site d’Hellesylt, installez-vous en terrasse avec une boisson chaude, demandez votre musique préférée ou passez des chants d’oiseau, puis laissez faire le temps, ou actionnez le curseur rouge et faites défiler les nuages des 12 heures précédentes. De temps à autre faites une copie d’écran, vous êtes touriste après tout.

Si vous voyez parfois s’animer de versatiles petits animalcules, c’est qu’il y reste un peu de vie. Gardez l’espoir.


mardi 19 septembre 2017

La Bible d'Amiens (1 de 2)

La cathédrale d’Amiens en Picardie est une des plus renommées de l’art gothique, pour ses dimensions (la plus vaste de France, 7 700 mètres carrés habitables loi Carrez, 42 mètres sous plafond, prévoir travaux), pour ses stalles de chêne gigantesques historiées de scènes où plusieurs milliers de personnages rejouent les plus fameux tableaux bibliques, et surtout parce qu’elle est un des sept ou huit édifices religieux (d’après Wikipedia) à revendiquer la détention du crâne (complet ou non) de saint Jean Baptiste, cet autre prophète du christianisme, concurrent malheureux de Jésus, décapité par l’envahisseur romain.
Et c’est bien la ferveur lucrative des foules de pèlerins, attirés par la relique depuis 1206, qui a permis le financement de la plus grande et la plus voyante des cathédrales de toute la chrétienté, en remplacement de l’ancienne devenue trop petite et détruite par les flammes en 1218.

Pour ces raisons, et un tas d’autres, la cathédrale d’Amiens est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1981, ce qui signifie que c’est un monument exceptionnel dont la perte, en cas de mauvais entretien, de guerre, ou d’anéantissement de la planète, occasionnerait une grande affliction pour la communauté internationale qui ne manquerait pas d’en admonester les responsables.

On dit que la relative rapidité d’édification de la cathédrale lui donne, malgré les interventions mégalomaniaques de Viollet-le-Duc au 19ème siècle, une grande unité stylistique. En tout cas, les personnages, par centaines, des trois portails de la façade qui regarde le couchant sont d’origine, c’est à dire sculptés entre 1220 et 1230.
On le remarque à la fraicheur candide des expressions et la simplicité arrondie des formes.
La scène du tympan du portail central figure pourtant un jugement dernier, avec ses morts qui sortent des tombes et qui sont aiguillés vers les délices de l’enfer ou l’ennui du paradis, mais l'indolence des attitudes évoque plutôt une file d’attente devant chez le boulanger, un dimanche matin.
Tout est calme, les prophètes sont sereins et les anges souriants et bienveillants. Jésus au centre, sur le trône, semble dire qu’il préfèrerait ne pas se mêler de tout cela.

Illustrations : portails ouest de la cathédrale d'Amiens, l'aristocratie (prophètes, saints, anges et dieux). Le peuple sera illustré dans la chronique à suivre.

Anges et prophètes (cathédrale d'Amiens, portail ouest-septentrional)

Ange et martyrs (détail du précédent)

Prophète (détail du premier)

Ange et Vierge (cathédrale d'Amiens, portail ouest-méridional)

Jésus et saints (cathédrale d'Amiens, portail ouest-central)