Comment échouer dignement
Pentidattilo en Calabre, depuis le séisme de 1783
Le 12 janvier 2010 à 16h53 un tremblement de terre détruisait en deux minutes une partie de Port-au-Prince, capitale de la république d’Haïti. 230 000 morts, 300 000 blessés, plus d'un million de personnes sans abri (10 à 15% de la population du pays).
Immédiatement la planète s'émouvait. Personnalités en vue, organismes internationaux, gouvernementaux ou non, religieux, promettaient aide et dons. On annonçait des milliards de dollars comme s'il en pleuvait. Un ancien président des États-Unis déclarait « Nous allons construire l'avenir ».
Le généreux élan de la politique humanitaire se mettait en marche.
Mais il n'était pas question d'abandonner tout cet argent à un peuple désorganisé et notoirement corrompu. Le pays appartenait désormais à la communauté internationale qui souhaitait avant tout construire des choses philanthropiques et prestigieuses aux endroits de son choix.
Et comme on ne pouvait pas construire sans avoir auparavant enlevé les gravats, mais qu'il n'était pas question non plus de financer des opérations qui ne permettraient pas d'apposer dessus une belle plaque commémorative à la gloire du bailleur de fonds, on a tranquillement attendu que les autochtones aient déblayé eux-mêmes les terrains.
En attendant on a palabré. Longuement, car mine de rien, c'est très long de nettoyer vingt millions de mètres cubes de débris de béton à mains nues.
Puis on s'est lassés. D'autres causes humanitaires urgentes attendaient un financement. Il fallait faire fonctionner la « Pompe à Phynances », que chacun en profite au passage.
Finalement la population haïtienne s'est débrouillée presque seule, et elle se retrouve plus pauvre qu'avant, plus mal logée, dans des maisons rafistolées encore plus fragiles, ou dans des camps insalubres, et cerise sur le gâteau, avec 8000 morts d'une épidémie de choléra apporté par des soldats de l'ONU.
Pauvre parmi les pauvres, Haïti est déshérité depuis toujours. Depuis l'arrivée de Christophe Colomb en 1492, l'extermination des indigènes, leur remplacement par des esclaves importés d'Afrique, leur révolte en 1793 abolissant l'esclavage, puis en 1804 l'échec de Napoléon qui tentait de le rétablir, suivi d'un siècle et demi d'instabilité et de 30 ans de dictature, avec les Duvalier et leurs fameux tontons macoutes meurtriers, sans compter les ouragans annuels, les pluies diluviennes, et enfin l'aide internationale.
La République Haïtienne survivra-t-elle à cette aide internationale ? C'est la question que pose sans rire le film de Raoul Peck, « Assistance mortelle », amer, explicite et sensible, récemment diffusé sur la chaine Arte.
Vous y verrez des centaines de bonnes volontés échouer tristement (la touchante Priscilla Phelps par exemple), et vous ne manquerez pas, vers la fin, la cérémonie de commémoration du deuxième anniversaire de la catastrophe, où face au cimetière minable et désolé, la tribune officielle réunit l'ancien président des États-Unis (celui du début), le nouveau président d'Haïti fraichement élu, et l'ancien dictateur sanguinaire (le fils) exilé en France pendant 25 ans, de retour après le séisme, et accusé de vol, corruption, abus de pouvoir par la justice haïtienne.
Ce qui présage un avenir radieux.
Mise à jour du 18 aout 2016 : Sous la pression des avocats internationaux de Port-au-Prince, de la presse, devant la preuve que la souche du foyer de contamination provenait bien du Népal et face à l’inefficacité des moyens actuels de lutte contre la bactérie, l’ONU vient de vaguement reconnaitre sa responsabilité et a décidé de « faire beaucoup plus ».
1 commentaire :
Après le séisme le FMI de DSK se disait prêt à débloquer quelques millions et dans le même temps exigeait le remboursement intégral de la dette . Alors que notre ministre des affaires étrangères Kouchner s'inquiétait pour la propriété privée :« il faut préserver l’ordre, arrêter les pillages, garantir les propriétés »
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