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dimanche 23 mars 2025

Dublin l'inaccessible (3 de 3)


BALADE DANS LA GALERIE NATIONALE D'IRLANDE


Chapitre 3 : Les curiosités

À voir chapitre 1 : Avant-propos & Les peintres fameux.

À voir chapitre 2 : Les peintres qui méritent mieux.



Domenicus van Wijnen (dit Ascanius) : Tentations de saint Antoine (1680s, 70cm). Peintre étrange aux visions apocalyptiques dont on ne connait presque rien et 12 tableaux pratiquement invisibles, rarement et mal reproduits. Les seules images acceptables sont une délicieuse scène de sorcellerie autour d’un chat (en vente chez Sotheby's en 2016), et ce tableau de Dublin. Un polyptyque de la création du monde de van Wijnen, digne des délires d’un Salvador Dalí trois siècles auparavant, est parait-il conservé au palais Pavlovsk, près de Saint Pétersbourg, mais n’est connu sur internet que par une image frustrante.


Suiveur de Jérôme Bosch : Descente dans les limbes (c.1560, 36cm). Serait une copie d’époque d’un original de Bosch documenté par van Mander en 1604. Le Christ fait une tournée électorale en enfer à l'abri dans une capsule spatio-temporelle.


Pedro del Valle : Jael et Sisera (c.1620, 134cm). Une jeune dame explique à un vieillard emprunté dans une armure rutilante comment on utilise un marteau et quel est l’emplacement idéal pour planter un clou. Futée, elle avait probablement lu le révoltant et indispensable "Femmes invisibles" de C. Criado Perez.


Rembrandt : Scène d'intérieur (c.1628, 27cm). On ne sait pas clairement ce que représente cette scène de genre : longtemps titrée "Jeu de la main chaude" elle représenterait plutôt une querelle. Œuvre des débuts du peintre à Leyde, le tableau n’a été attribué "définitivement" à Rembrandt qu’en 2001.


Wolfgang Heimbach Repas du soir (c.1637, 38cm). Peintre spécialisé dans les effets de lumière curieux - l'ombre du gobelet sur le visage de l'homme - et les scènes originales : cette jeune fille au turban ou cette superbe nature morte observée du musée de Kassel. Notez qu'il y a un 4ème personnage dans le tableau de Dublin.


Gainsborough : Paysage du Suffolk (c.1746, 61cm). Le peintre est surtout renommé à Dublin pour son beau portrait maniéré de la duchesse de Cumberland. On peut lui préférer la simplicité de ce paysage, œuvre de jeunesse inspirée par l'esprit des peintres hollandais qu'il copiait et restaurait alors.

***

Terminons cette balade irlandaise par quelques vues du paysage autour de Lucan house, peintes par Thomas Roberts, aimable et talentueux peintre irlandais. Cette petite portion de l'Irlande d'à peine 30 hectares à 18km seulement de la National Gallery de Dublin, aujourd'hui entourée de lotissements, fait son possible depuis 250 ans pour ressembler à son idéal de 1774. Pour combien de temps encore ?




 (descriptions : Vue 1vue 2vue 3)

mercredi 19 mars 2025

Dublin l'inaccessible (2 de 3)


BALADE DANS LA GALERIE NATIONALE D'IRLANDE


Chapitre 2 : Les peintres qui méritent mieux

À voir chapitre 1 : Avant-propos & Les peintres fameux.

À voir chapitre 3 : Les curiosités.



James Arthur O'connor : Les braconniers (1835, 71cm)L’effet de clair de lune à la limite des nuages est assez réussi. Le musée héberge une série d’autres paysages d’O’connor, entre romantisme et sobriété. Ont peut aimer.


Mattia Preti : La décollation de Jean-Baptiste (vers 1640, 135cm). Tableau exceptionnel par la force expressive de la scène comparée au peu de moyens utilisés. Un fond brun uni et quelques coups de pinceau noir dessinent le portrait à gauche et le soldat. Héritier de Caravage, le ténébrisme de Preti est souvent trop ténébreux, mais il lui arrive de dépasser son maitre souvent trop emphatique, comme ici dans cette scène dépouillée qui décrit l’instant d’avant l’évènement. Il se rattrapera dans un beau festin d’Hérode et Salomé moins original, cette fois après l’évènement, aujourd'hui au musée de Toledo USA.


Adam de Coster : Homme chantant à la bougie (vers 1630, 124cm). Étonnant peintre anversois de scènes à la bougie, plutôt traditionnelles au 17ème siècle, mais dont les portraits sont toujours finement expressifs et les visages raffinés (ici, ici et ). Il y a longtemps que Ce Blog aurait dû lui consacrer une chronique.


Jan de Bray : Portrait de deux garçons (vers 1652, 36cm). Portraitiste remarquable. Qu'ajouter ? Rien, sinon que certains de ses portraits sont exceptionnels, comme celui-ci.


Raeburn, Henry : Portrait of Sir John and Lady Clerk of Penicuik (1791, 206cm). Très grand portraitiste, parfois très original, Raeburn n’est pas méconnu, c’est même un des plus renommés des grands portraitistes anglais, mais ce tableau de Dublin, peut-être le plus touchant de ses portraits, n’est quasiment jamais proposé par les moteurs de recherche.


Gale, Martin : Over and above © Martin Gale (2017, 110cm). Peintre contemporain né en 1949, consacré essentiellement au paysage qui l'entoure, irlandais donc.

dimanche 16 mars 2025

Dublin l’inaccessible (1 de 3)


AVANT-PROPOS : 

Les Irlandais ne sont pas rancuniers. Ils exposent à Dublin, dans le plus grand de leurs musées, la National Gallery of Ireland, un tableau représentant le soldat Cromwell s’appropriant les pouvoirs du roi Charles 1er, qu’il fera bientôt raccourcir, sur plus de 4 mètres carrés. Quelques mois après cette scène (peinte près de deux siècles plus tard par l’irlandais Daniel Maclise), le nouveau patron de l’Angleterre, un peu rigoriste et désireux d’embêter quelques catholiques irlandais, éliminait par mégarde, et par les armes, entre un quart et un tiers de la population de l’Irlande, plus efficace que la peste dans ses meilleures années. L’image ne flatte pas le soudard, c’est entendu, mais des portraits de Staline trônent-ils encore dans les musées des capitales soumises par l’ancienne Union soviétique ? Après tout, peut-être.

Le musée irlandais expose incontestablement beaucoup d’autres choses passionnantes, des œuvres des peintres européens les plus fameux, Velázquez, Rembrandt, Vermeer, Goya, Caravage, et nombre de curiosités méconnues, de raretés.  
Sur le site du musée, le catalogue des 13 481 objets conservés est bien fait, les fonctions de recherche riches et les filtres simples d’emploi. Tout serait parfait s’il n’y avait le problème des images : beaucoup sont manquantes, ou en noir et blanc, ou médiocres, ou datées ; la fonction de zoom est déficiente sur la majorité des reproductions ; enfin, même quand le site est en ligne, la base de donnée des collections est fréquemment, quasi quotidiennement, inaccessible ! 
Sinon tout va bien.
Ah si, aucun téléchargement n’est autorisé. C’est d’autant plus frustrant que le site contient des reproductions (masquées) de qualité très acceptable (3000 pixels) mais qu’il n’est pas capable d'afficher correctement et que seules certaines extensions pour navigateurs sur internet [Download all images], ou certains sites dédiés [Image Extractor], sont capables de télécharger. Mais leur mode d’emploi est laborieux.

Aussi exposerons-nous ici-même, dans de bien meilleures conditions que sur le site du musée, dans une balade à Dublin en trois épisodes, un florilège de quelques tableaux parmi les plus intéressants et originaux de la National Gallery of Ireland (et cette série reposera un peu la rédaction du blog, et le lectorat)Chaque image sera légèrement commentée et un lien conduira au descriptif détaillé sur le site du musée (ce lien pourra parfois faillir, vu l’administration erratique du site irlandais). 

 ***

BALADE DANS LA GALERIE NATIONALE D'IRLANDE


Chapitre 1 : Les peintres fameux

À voir Chapitre 2 : Les peintres qui méritent mieux. 

À voir Chapitre 3 : Les curiosités.



Georges de La Tour : Découverte du corps de saint Alexis (vers 1650, 143cm). Serait une bonne copie d’un (merveilleux) original perdu de La Tour, peut-être de la main de son fils Étienne. Une autre belle copie connue est au musée de Nancy, fermé pour travaux, donc invisible pour des années (et dont les reproductions disponibles ont toujours été lamentables).


VelázquezServante en cuisine (1618, 118cm). L’Art Institute de Chicago détient une copie quasiment conforme de ce tableau, également attribuée à Velázquez, mais sans la fenêtre avec la scène du Christ et des apôtres, à gauche, découverte et restaurée en 1933 sur la version de Dublin. Chicago dans sa description, très informée, souligne que la servante est une esclave africaine et précise que le peintre était esclavagiste (enslaver), comme tout Séville à l’époque.


Goya : Le songe (vers 1800, 76cm). Encore un tableau troublant de Goya. Il est vrai que c’était un peu sa spécialité.


Caillebotte : Canal près de Naples (vers 1872, 60cm). Il y a quelques années Caillebotte aurait été dans la catégorie des peintres "qui méritent mieux". On l’a redécouvert depuis, même au musée d’Orsay, au point de le servir maintenant à toutes les sauces. C'est entre le banal et l’inopiné qu'il excellait.


Vermeer : Femme rédigeant une lettre (1670, 71cm). Dans ses scènes de genre, Vermeer semble tenter de nous raconter une histoire, mais rarement jusqu'au bout. Ici une servante attend qu'une lettre soit rédigée, on ne sait pas pourquoi le matériel à cacheter est au sol, en évidence. Et à côté, est-ce une lettre froissée ? On n'oubliera pas sa liseuse du musée de Dresde dont le nettoyage récent a gâché définitivement tout le mystère en révélant au mur un gros angelot gonflable censé personnifier l’amour. 
Le musée de Dublin avait prêté ce Vermeer et ses deux splendides Gabriel Metsu pour l’exposition "Vermeer et la peinture de genre", au Louvre, puis à Dublin et Washington, en 2017
.


Caravage : Arrestation du Christ (1602, 170cm). Tableau découvert en 1990 à Dublin à 3 minutes de la National Gallery. C'est peut-être l’original. Quelques copies étaient connues, dont une volée au musée d'Odessa en Ukraine en 2008, revendiquée comme l'originale, et actuellement à Berlin pour restauration et affaire judiciaire. La plupart des photos sur internet, dont celle du musée, sont catastrophiques.

mercredi 15 mars 2023

C’est le printemps, allons à Cleveland (1 de 2)

Philipp Hackert, vue du golfe de Pozzuoli et de l’ile d’Ischia sur la côte napolitaine en 1803 (Cleveland museum of art).

À l’imitation des riches qui, au Moyen Âge, rachetaient au clergé catholique leurs fautes et leur salut en monnayant des charretées d’indulgences, et financèrent ainsi les cathédrales gothiques, les millionnaires  américains de l’ère industrielle, qui éprouvaient aussi un soupçon de culpabilité à se vautrer dans le luxe sous les yeux de leurs ouvriers, ont inventé la donation d’œuvres d’art et la création des musées, qu’ils pilotaient par le moyen de fondations, et où l’ouvrier allait s’instruire en découvrant émerveillé les inclinations artistiques de ses patrons. 
Et comme ils eurent la bonne idée de faire inclure d’importants dégrèvements fiscaux dans la réglementation de ces donations, ils soulageaient ainsi en même temps leur conscience et une bonne part du fardeau de l’impôt.

C’est toujours le statut de la plupart des musées étasuniens aujourd’hui. Et comme le prétexte est humanitaire, l’entrée du musée est en principe gratuite, comme le sont la consultation et le téléchargement des reproductions en haute qualité de la collection. C’est ainsi que fonctionne le Museum of art de Cleveland, dans l’Ohio au bord du lac Érié. 

Sur son site internet, 30 000 des 60 000 œuvres qu’il conserve sont consultables et téléchargeables en très haute qualité (sauf droits d’auteur, bien entendu).
Un peu comme à Chicago, l’ergonomie du site n’est pas faite pour la flânerie. Chaque recherche affichera l’ensemble de ses résultats, progressivement, sur une seule page, laborieusement quand les résultats dépasseront quelques centaines de vignettes. Mais on peut éviter ces désagréments en utilisant les critères de recherche avancée (bouton Advanced search) et ajoutant des filtres, par exemple en visitant le musée par département (Department), ou par date, par type d’objet… Dans les menus déroulants de ces filtres, le nombre de résultats est recalculé à côté de chaque critère.

Quelques précautions :
▶︎ Comme vous devez en avoir maintenant pris l’habitude, dès qu’une page affiche un grand nombre de vignettes, ne cliquez jamais directement sur une vignette mais arrangez-vous pour ouvrir le lien dans un nouvel onglet, afin que la poussive page de résultats ne soit pas fermée. Pour cela les méthodes dépendent des navigateurs (appui long, bouton droit de la souris, touches de fonction…)
▶︎ Attention, à droite de l’image sous le texte "DOWNLOAD AND SHARE" le bouton de téléchargement est disponible sur les principaux navigateurs mais pas sur Chrome !?
▶︎ Les téléchargements sont disponibles en qualité bonne (JPG de 3000 pixels en moyenne) ou très haute (TIFF jusqu’à 15000 pixels dont le poids - non précisé à l’avance - peut être considérable - par exemple l’incendie du parlement de Turner fait 500Mo)

Après ce préambule rébarbatif, profitons du printemps et promenons-nous parmi ces riches collections, les 2600 sculptures, dont une centaine peuvent être manipulées dans 3 dimensions et une remarquable série africaine, les milliers de peintures et gravures japonaises (ukiyo-e), les merveilles de la peinture européenne, ancienne et moderne, la peinture américaine, 7000 photographies, 5000 dessins

Admirons aujourd’hui quelques beautés venues d’Europe, bientôt nous visiterons d’autres continents, et peut-être les départements des dessins et gravures.

01. Turner, l’incendie du parlement
02. Schönfeld, l’enlèvement des Sabines,
03. Rosa Salvator, scène de sorcellerie,
04. Velazquez, portrait de Calabazas,
05. Reynolds, portrait de Ladies Amabel et Mary,
06. Maitre des jeux, danse d’enfants,
07. Cuyp, voyageurs dans un paysage vallonné,
08. Van Hulsdonck, nature morte variée,
09. Coorte, groseilles à maquereau,
10. Pils Isidore, étude de nu féminin,
11. Zurbaran, le Christ et la Vierge.

Il y a bien d’autres trésors en peinture européenne à Cleveland, notamment de Juan de Flandes, Del Sarto, Corneille de Lyon, Greco, Caravage, Honthorst, Strozzi, Wtewael, Ter Borch, Ruisdael, De Hooch, Siberechts, De la Tour, Oudry, jusqu'à Corot et Renoir.

lundi 17 juin 2013

Du bruit qui pense

Anges musiciens, détail de la porte centrale de la cathédrale de Florence, bronze d'Augusto Passaglia (vers 1899-1903)


Par les pluvieux après-midis de printemps, quand le temps s'étire sans fin, quand l'ennui s'insinue jusque sous la peau, quoi de plus doux, de plus réconfortant, que d'écouter un peu de musique classique dont les grands auteurs disent qu'elle calme même les douleurs les plus sourdes.

Mais tout le monde n'a pas été initié à la culture classique. Aussi pour révéler à chacun cet univers si raffiné, les grandes entreprises de la culture ont-elles déployé les puissants moyens de l'Internet. Rendez-vous par exemple dans le magasin en ligne de la firme à la pomme, qui a vendu 25 milliards de morceaux de musique.
Il est accessible de n'importe quel ordinateur ou téléphone moderne. Il faut ouvrir le logiciel gratuit iThunes (tout un programme) puis dans le choix des Genres opter pour Classique, enfin appuyer sur Classement. Vous êtes transportés sur la page Classement Albums classiques, classée par défaut dans l'ordre des meilleures ventes. Les plus grands chefs d’œuvre classiques de l'humanité dégoulinent alors sur la page.
Et vous pouvez écouter quelques secondes, voire une minute de chaque, sans payer !
Pour l'édification des nouveaux-venus dans cet univers de consolation et de joie, voici quelques albums choisis parmi les premiers de la liste (le classement peut avoir changé depuis la réalisation de cette chronique).

Le premier album, « Getz/Gilberto » , est un mélange de jazz et de bossa-nova où le saxophoniste Stan Getz et Joao Gilberto interprètent Carlos Jobim. Splendide album qui n'est pas vraiment de la musique classique, mais sans conteste un classique de la musique. Qu'importe, l'excellence se joue des catégories.

Le quatrième album, après les nocturnes pour piano de Chopin par Arthur Rubinstein, est « Les essentiels de Ludovico Einaudi ». Einaudi est un musicien contemporain, pianiste minimaliste, très apprécié dans le monde du cinéma et de la publicité. La grande force de sa musique est qu'à la première écoute l'auditeur a l'impression de la connaitre déjà et de l'avoir beaucoup entendue.

Le huitième album est le « Requiem » soi-disant de Mozart. Musique obèse, très peu de Mozart qui est mort pendant sa composition, achevée par quelques élèves zélés, notamment le médiocre Sussmayr.

Le quinzième album s'intitule « Je n'aime pas le classique, mais ça j'aime bien ! » Il compile 45 des piliers de la musique classique, en commençant par les pièces favorites des mélomanes nazis (Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, Carmina Burana de Carl Orff et la chevauchée des walkyries de Richard Wagner), suivies de 42 tubes bien connus des amateurs de publicités. Étrangement, aucune musique de Beethoven dans ces merveilles de pesanteur. Mais signalons que devant le succès de l'objet l'éditeur a réitéré avec « Je n'aime toujours pas le classique, mais ça j'aime bien ! », placé en quatre-vingtième position. Beethoven y fait une entrée remarquée avec trois pièces.

Le vingt-cinquième album est « Héros Legio patria Nostra », recueil de chansons et chœurs de la Légion étrangère. Là encore, ce n'est pas réellement de la musique classique, mais on y trouvera les grands classiques du bon goût (le boudin, un dur un vrai un tatoué, le chant de l'oignon, une reprise du boudin, Lili marleen) et la Marseillaise, hymne de tous les amateurs de la musique qui en a.

Arrêtons-là ce panorama (1). On comprend pourquoi certains l'appellent la Grande Musique. Victor Hugo, grand aussi, aurait déclaré de la musique que c'est du bruit qui pense. On ne saurait mieux dire.

***
(1) Le mélomane pointilleux qui aura remarqué quelque anomalie dans les choix de la firme à la pomme se repliera vers des magasins en ligne plus sérieux, Qobuz par exemple.

samedi 13 juin 2009

Chronique de quelques petites libertés

La loi, digne d'une république bananière, avait été fignolée «aux petits ognons». Jugez-en. Ça se passe sur internet.
Les marchands de culture (disques et films, surtout) prétendent que leurs médiocres résultats sont dus aux téléchargements illicites, sur les réseaux de partage, des œuvres dont ils détiennent les droits. Alors ils ont obtenu une loi qui devait les autoriser à se connecter sur ces réseaux, simuler la recherche d'œuvres protégées, noter soigneusement l'adresse électronique des internautes qui les téléchargent (donc les partagent), et en transmettre la liste à un organisme d'enregistrement appelé Hadopi. Cette entité administrative, sans la moindre vérification, demandait alors aux fournisseurs d'accès, à la première récidive, de couper la connexion internet des contrevenants, de leur interdire pendant un an la souscription d'un autre abonnement, et de continuer cependant à percevoir le montant de l'abonnement suspendu. Tout ceci était entièrement automatisé pour répondre à des impératifs de performance (1000 abonnements suspendus par jour), sans moyen sérieux de défense ou de protection contre les usurpations d'identité, parait-il aisées.
Tout était vraiment bien ficelé. Le Conseil d'état, l'Assemblée nationale et le Sénat n'avaient rien trouvé à redire et les premiers milliers de lettres recommandées étaient prêts à partir quand a été connu l'avis du Conseil constitutionnel (décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009). Il remettait en cause toutes les avancées démocratiques de la loi : la présomption de culpabilité, l'absence de droit à la défense, la suspension d'une liberté fondamentale par une autorité non judiciaire. Quand on sait comment sont nommés les membres du Conseil constitutionnel, on frémit devant une telle ingratitude, ou une telle mesquinerie. Néanmoins le gouvernement a promulgué la loi sans attendre, le 12 juin, en supprimant les phrases et articles censurés par le Conseil constitutionnel, certainement pour les replacer bientôt après rafistolage.

Et il parait qu'en matière de libertés Hadopi n'est rien à côté de la loi Loppsi qui va passer cet été, pendant le mois d'aout, quand tout le monde fera la sieste. Comme en Chine, c'est le gouvernement qui interdira désormais sans contradiction possible les sites qui ne lui conviennent pas, et un tas d'autres plaisanteries dans le même esprit.

Au Louvre, ce qu'il reste de la douce main de la liberté parvient encore à apaiser la croupe fougueuse de l'abus de pouvoir devant les yeux absents de la République.Profitons de cette réjouissante chronique des libertés pour nous inquiéter de l'article 33. Rappelons qu'il instaurait une interdiction progressive de photographier les œuvres appartenant au domaine public exposées dans le musée du Louvre et qu'un article bancal du site du musée contredisait le règlement de visite et prétendait l'article 33 modifié et la photographie tolérée. Aujourd'hui, plus d'un an après, le règlement n'a pas changé et reste en contradiction avec les propos du site.
Alors Ce Glob Est Plat, fidèle à l'actualité la plus brûlante, a envoyé un reporter téméraire et chevronné constater la situation. Il en est revenu entier, avec quelques centaines de photograpies autorisées et une sentence de grand journaliste : « Ce qu'il reste de la douce main de la liberté parvient encore à apaiser la croupe fougueuse de l'abus de pouvoir devant les yeux absents de la République ».