Il existe des artistes pour qui la création est un soulagement.
On les rencontre dans la Halle Saint Pierre, 2 rue Ronsard, à Montmartre, où les créateurs de la 
revue d’art HEY! exposent pour la 
4ème fois après 
2011, 
2013 et 2015, une trentaine de ces artistes inclassables affublés de qualificatifs qui ne les définissent pas, mais les excluent : en marge, outsiders, contre-culture, figuratifs hors-norme, art brut populaire.
Leur point commun est de fabriquer leur œuvre dans un état obsessionnel qu’ils ne savent pas contenir, et souvent avec un humour 
(un peu funèbre) qu’on pressent au bord de la crise d'angoisse.
Cette année, et jusqu’au 2 aout encore, voisinent rue Ronsard, les dessins macabres et pointilleux de 
Lizz Lopez, les troublants masques taxidermistes du duo 
Mothmeister, les délires en bandes dessinées du québécois 
Henriette Valium, et surtout trois immenses dessins à la plume de mad meg ; mad meg 
(les minuscules sont délibérées), 
Dülle Griet en néerlandais, Margot la folle 
(référence au tableau de Brueghel), est un peu une 
Laurie Lipton à la française.
Comme Lipton, fascinée par les miniaturistes flamands, Bosch, Brueghel, Van Eyck, elle besogne des mois durant, parfois des années, sur de 
gigantesques dessins satiriques.  

Quand Lipton couvre, pour 
chaque dessin, plusieurs 
mètres carrés de fins traits de crayon noir (plus ou moins denses pour faire des gris, mais jamais estompés), mad meg les remplit de petits traits d’encre noire, plus ou moins courts ou rapprochés, avec une plume 
Sergent-Major.
Quand Lipton invente des architectures 
grouillantes de fils électriques, de curseurs et de boutons, au service d’êtres humains rendus à l’état de 
squelette ou de 
spectre, mad meg caricature les 
grandes œuvres de l’art occidental qu’elle fait pulluler de scènes qui parodient toutes les outrances de notre civilisation, 
patriarcale (*), 
inhumaine et 
suicidaire.
Leurs idées se rejoignent dans un dessin de 2 mètres intitulé 
Zuckerberk réalisé par mad meg en 2017.
Toutes deux dessinent de la main gauche. 
Féministe militante, mad meg a commencé, vers 2001, en traçant sur des petits carnets de minutieux 
squelettes d’animaux du Muséum d’histoire naturelle de Paris, et des scènes 
goyesques tourmentées par ses indignations politiques.
Et comme ses protestations étaient inaudibles, elle a peu à peu agrandi ses formats jusqu’à la démesure. Aujourd’hui elle crie, sur 20 mètres carrés dans la Halle Saint Pierre.
En est-elle plus écoutée ? Au moins ses cris la soulagent-ils sans doute un peu.
Dans sa spectaculaire parodie de la Cène de Léonard de Vinci et ses insectes en costume de banquier, 
apothéose de l’exposition qui mesure presque 9 mètres, plus intense que l’original, le fin motif de la nappe est fait de la 
recopie manuscrite de plus de la moitié du 
Talon de fer, roman révolutionnaire de Jack London.
Et pour que ses sortilèges vous poursuivent longtemps après la visite de l’exposition, le 
site de mad meg est un des plus beaux d’internet, un délice de navigation, un modèle d’interface. Tout mad meg s’y révèle, au moyen seulement de la souris, les détails les plus infimes des dessins, les textes, les références 
(sauf la reproduction intégrale de ses carnets de dessin, hélas en petit format).
Les voyageurs immobiles y passeront des jours d'investigation et de vagabondage.
***
(*) Les Patriarches est une série depuis 2004 de 20 grands dessins de personnages en pied. 
« Les patriarches ne sont pas des hommes déguisés en insectes, ce sont des insectes qui essayent de se faire passer pour des hommes. Ils n’ont pas de nom, ils n’ont qu’un numéro et un titre. Ils ont abdiqué toute humanité afin de servir la fonction que leur confère le système patriarcal. Ils sont leur carrière, leur situation, leur rôle… […] Leur ministère est d’anéantir. Leur vocation est de faire de nous de la viande, du profit, de la productivité, de la statistique. Ce sont des thanatocrates. Des psychopompes qui fauchent la vie… »
mad meg (citée dans le catalogue HEY! #4)
mad meg, Le phoque mort - détail (dessin à la plume, 2014).