Ce monde est disparu (17)
Louis Émile Pinel de Grandchamp, aspirant à être artiste, placé comme secrétaire à 30 ans auprès d’un haut fonctionnaire de l’empire ottoman - on ne sait par quelle mondanité - fera entre 1850 et 1865, sans génie mais avec un certain succès, le portrait peint des sultans, vice-rois, beys, personnalités et monuments des grandes cours orientales, de Constantinople au Caire en passant par Tunis.
De retour en France il épuisera le reste de sa notoriété jusqu’en 1894 à remâcher ses souvenirs et les enjoliver dans le style plat et commun de la plupart de ces peintres qui ont séjourné en Orient encouragés par l’Empire et l’attrait de l’exotisme, et qu’on qualifie d'orientalistes.
Parfois, rarement, se présente sur le marché de l’art quelque tableau que Pinel a manifestement soigné plus particulièrement que sa production courante.
C’était le cas chez De Baecque, le 22 janvier dernier, de ce portrait grandeur nature de femme orientale au chasse-mouche, aux lignes délicates et à l’éclairage raffiné, disparu contre 6 fois l’estimation moyenne, environ 70 000$ mérités, frais compris (notre illustration).
C’était le joyau du contenu (par ailleurs médiocre) d’un appartement de l’avenue Foch, déclarait la maison de vente pour tenter de faire mousser l’ensemble (30% des lots restèrent invendus).
Le portrait faisait l’affiche du catalogue. Son titre, "Odalisque à l’éventail", au relents d’esclavage et de harem, ne peux pas être dû au peintre, qui savait distinguer un éventail d’un chasse-mouche.
L’histoire n’aurait pas grand intérêt s’il ne rôdait autour de ce tableau un double fantomatique.
Le 29 janvier 2021 était passé en vente publique, sous le même nom d’Odalisque à l’éventail, un portrait de femme orientale au chasse-mouche signé Pinel de Grandchamp, petit tableau de 35,5 par 27 centimètres, avenant mais au style assez banal et sans relief.
Il réapparaissait fin 2024 (ou peut-être avant), rebaptisé "La Belle Orientale" sur le site de la galerie Segoura Fine Art, antiquaire reconnu du marché Biron, aux puces de Saint-Ouen.