Affichage des articles dont le libellé est Arcueil. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Arcueil. Afficher tous les articles

samedi 1 février 2020

Examinons les musées parisiens

Détail d’une photo du château de Mme de Provigny à Arcueil, photographes Séeberger frères en 1907, musée Carnavalet PH39154.


Enfin ! Depuis peu, les collections des musées de la ville de Paris sont visibles sur internet, sur un site gratuit ouvert à tous !

Ne vous attendez pas à y trouver les collections du Louvre, du musée d’Orsay ou du centre Pompidou, mais seulement celles des musées de la ville de Paris, c'est à dire du Petit Palais (qui se fait appeler musée des Beaux-Arts, avec des majuscules partout), des musées Carnavalet, Cernuschi, d’Art moderne, Cognacq-Jay et quelques autres. Ce qui est déjà pas mal. 320 817 objets aujourd’hui en ligne.

Malgré des affèteries d’affichage et des animations compulsives qui perturbent un peu la visite, erreurs de jeunesse, les informations disponibles sur chaque œuvre sont particulièrement riches, et l’outil de recherche est très bien conçu, qui place en tête des résultats ceux qui contiennent tous les mots d’une requête multimot, ce qui est plutôt rare.
On y trouve même l’anecdotique, approximatif et ridicule, mais très à la mode, critère de recherche par les couleurs, qui peuvent être combinées.

Outil idéal pour l’étudiant, le chercheur ou le scientifique, il le sera moins pour le voyageur immobile qui aime à se perdre dans l’admiration des détails d’un tableau ou d’une gravure, car le site souffre d’un défaut dû, peut-être, à une limitation volontaire, par économie : l’affichage des reproductions ne se fait pas, à l’écran, dans la meilleure résolution disponible, même usant du zoom, et quand, un peu désappointé, on décide tout de même de télécharger la reproduction libre de droits, on constate que le dossier obtenu contient, avec le texte détaillé du cartel, toutes les ressources visuelles et notamment des reproductions de haute qualité, jusqu’à 6000 pixels.

En dépit de cette petite contrariété, il convient de s’installer au fond d’un bon fauteuil pour courir voir l’exposition des 320 817 objets de la collection des musées de la ville de Paris, et d’en faire une promotion enthousiaste, car c’est un modèle pour les musées français, et un camouflet à la mesquinerie des grands musées nationaux, Orsay, le Louvre, Beaubourg, qui s’attribuent toujours des droits d’auteur illégaux sur les médiocres reproductions de leur collection.

Et si, bien entendu, la consultation d’une reproduction sur internet ne peut pas remplacer la contemplation de l’original, elle est bien souvent moins décevante et plus enrichissante, notamment quand l’œuvre réelle est exposée dans de mauvaises conditions de lumière, chose courante, ou quand elle n’est même pas montrée au public et s’empoussière dans des réserves, ce qui est le cas de la majorité des collections des musées, sans parler des dessins, aquarelles, gravures, jugés fragiles et qu’on aère seulement quelques jours tous les 10 ou 20 ans, dans la pénombre d’une exposition confidentielle.


Hubert Robert, Chapelle de la Sorbonne avec la voute de la nef effondrée, après 1800, huile sur toile 104 cm x 137 cm. Musée Carnavalet. Le site des musées de la ville de Paris ne précise pas, pour Carnavalet, si les œuvres sont actuellement exposées ou en réserve. La reproduction du site, manifestement anémique, a été un peu améliorée. Cliquer sur l'image l'affichera avec Google Photos et permettra de l'agrandir jusqu'à la dimension disponible de 5000 pixels.

jeudi 2 juin 2016

Améliorons les chefs-d'œuvre (10)

Voyant les dessins de Jean-Baptiste Oudry exposés au Louvre dans cette succulente exposition sur les jardins d’Arcueil, il est difficile d’imaginer qu’ils étaient tous réalisés sur du papier bleu. Le catalogue de l'exposition l'affirme.

Les feuilles sont aujourd’hui bistre, sépia, ocre, jaunes, orange, et pour les moins décolorées ou oxydées, d’un gris glauque.
Quelle teinte était utilisée il y a 250 ans ? L’indigo comme pour les maitres italiens ? Il est difficile de restituer la couleur d’origine sans l’analyse chimique des pigments.

Risquons la reconstitution imaginaire d’un des plus beaux dessins de la série, conservé au musée Paul Getty de Los Angeles.
Le bistre d’aujourd’hui était peut-être alors un pâle clair de lune.

 

Jean-Baptiste Oudry, Arcueil, passage du grand parterre de la Faisanderie à la terrasse supérieure (musée Paul Getty, Los Angeles). Comme pour la musique baroque recréée aujourd'hui avec des instruments d'époque, procédé en vogue, la couleur bleue originale du papier a été simulée artificiellement.

dimanche 29 mai 2016

Souvenirs d'Arcueil (de J.B. Oudry)

Jean-Baptiste Oudry, Arcueil, le grand escalier menant aux jardins en terrasses, dessin daté de 1744 (musée du domaine de Sceaux). Les personnages ont été ajoutés plus de 60 ans après par L.L. Boilly.


En ces temps-là, au domaine d'Arcueil, se donnaient des réjouissances et des promenades. On y hébergeait des célébrités, peintres officiels, écrivains dissidents. Voltaire y faisait de longs séjours, y écrivait des pièces de théâtre, y plaçait de l’argent.

L'aqueduc gallo-romain en ruine (à l'origine du nom d'Arcueil) qui croisait la Bièvre et avait été reconstruit dans les années 1630 conduisait une eau pure et abondante des sources vers Paris.
Entre 1720 et 1730 un prince de Guise avait composé là, en empruntant beaucoup d'argent, un domaine de 20 hectares dont 12 de jardins, comme un petit Versailles. La pente déclinait de 12 degrés et les jardins opulents se succédaient en cascades aux berges de la rivière et du canal latéral dans une suite de bosquets et de terrasses, d'escaliers, de bassins et de fontaines.

À la mort du prince, endetté, en 1739, le domaine commencera doucement à se décomposer mais restera quelques années encore fréquenté par les peintres, particulièrement Jean-Baptiste Oudry, jusqu’à son démembrement en 1752, sous la pression des créanciers.
Il disparaitra définitivement au milieu du 19ème siècle avec l’arrivée des manufactures.

Pas de plan détaillé, pas de ruine mémorable, il ne reste quasiment rien aujourd’hui du domaine d’Arcueil, que l’aqueduc, surélevé de façon imposante dans les années 1860, et une soixantaine de dessins, essentiellement de Jean-Baptiste Oudry.
Oudry était peintre ordinaire du roi, logé au Louvre, couvert d'honneurs et de responsabilités prestigieuses, spécialisé dans les scènes de chasse et les natures mortes de gibier.
Attiré par les jardins ombragés et délaissés du domaine d’Arcueil, il loua une maison voisine et les fréquenta longuement entre 1744 et 1747 au point d’en laisser une cinquantaine de dessins. Il y entrainait parfois d’autres peintres, Boucher, Natoire…  
 
Jean-Baptiste Oudry, Arcueil, la terrasse de l'Orangerie vue depuis le sud, dessin daté de 1744 (Chicago Art Institute).


Ses dessins étaient faits à la pierre noire, craie et gouache blanche sur papier bleu. Avec le temps la teinte bleue s’est décolorée. Le papier a jauni.
Contrairement aux autres artistes Oudry représentait les jardins déserts, les allées vides de tout personnage et la végétation parasite commençant à envahir les treillages et la pierre. 
Puis étrangement, certains de ses paysages se sont peuplés de personnages, sans doute tracés par d’autres mains qui furent un temps en possession des dessins. On parle d’Hubert Robert, de Louis-Léopold Boilly dont on reconnait le style des figures et les habits qu’elles portaient à la mode du début du 19ème siècle, quand Oudry était mort depuis 50 ans.

C’est essentiellement à partir de cette série de dessins (pas toujours fidèles, Oudry modifiait parfois une perspective pour la rendre plus pittoresque) que le conservateur et archéologue du patrimoine de la ville d'Arcueil, Gérard Vergison-Rozier, à reconstitué la carte du domaine disparu et fourni la matière de l’exposition « À l'ombre des frondaisons d'Arcueil » actuellement au Louvre et pour 3 semaines encore.
On y retrouvera avec le plan des jardins l’emplacement précis et la direction du regard du peintre pour chacune des 68 œuvres exposées.

Oudry ne semble pas avoir conçu ces dessins comme des esquisses préparatoires pour des peintures à venir mais plutôt comme un moyen d’enregistrer beaucoup de points de vue d’un monde qui allait disparaitre et qu’il avait aimé.
Le beau catalogue de l’exposition qui reproduit, indexe et commente tous ces points de vue, en perpétuera un peu plus longtemps le souvenir.

Mise à jour le 5.05.2020 : Le Musée national de Stockholm vient d'acquérir en vente publique deux dessins des jardins d'Arcueil par Oudry et qui étaient absents de l'exposition du Louvre.

 
Jean-Baptiste Oudry, quelques détails des dessins exécutés dans le domaine d'Arcueil entre 1744 et 1747.