Une «
Vanité », en peinture, est la représentation d’objets réunis sur une toile de manière à évoquer symboliquement, par leurs propriétés, la fugacité, la
fragilité de la vie, à signifier «
les plaisirs ne mènent à rien, ils sont aussitôt oubliés, et les désirs se renouvellent indéfiniment, et seront finalement insatisfaits, par la mort, qui est inévitable ».
Une âme éprise de métaphores dénichera toujours dans un coin de n’importe quel tableau figuratif une chose qui lui rappellera ces évidences. Elle en déduira, selon ses penchants, une incitation à profiter des tous les instants, même les plus futiles, sans arrière-pensée
(*), ou au contraire à fuir les divertissements car ils la détournent de mystérieux commandements reçus d’un autre monde où une bienveillante entité doit la submerger de félicité.
Mis à part la bougie et le
crâne, qui éclairent et dramatisent opportunément nombre de scènes de vanité, les objets représentés
varient indéfiniment, en raison des modes, des époques et des pays : fleurs,
papillons, bulles de savon,
fruits avariés ou non, gaufrettes, verres de cristal, coquillages,
sabliers, journaux, feuilles d’automne, nuages…

Sébastien Stoskopff, Nautile et boite en copeaux, c.1625-30, New York Metropolitan museum (depuis 2001).
On sait peu de la vie de Sébastien Stoskopff né à Strasbourg en 1597.
Un voyage en Italie, de longs séjours et un succès vraisemblable à Paris. La rigueur et le dépouillement qu’il partage, comme
certains des objets qu’il représente, avec les peintres de nature morte de l’époque,
Lubin Baugin, Louise Moillon, Jacques Linard, témoignent de probables rencontres.
Enfin une réussite certaine dans l’est, à Strasbourg et Idstein, où il
meurt étrangement, en 1657, saoulé à l’eau-de-vie et enterré furtivement par un logeur aubergiste, lavé de l’accusation de meurtre mais qui sera, 20 ans plus tard, brulé dans un des derniers grands procès en sorcellerie.
Et 70 tableaux retrouvés dont la moitié
signés, et sur lesquels il peignit principalement des verres (par paniers entiers parfois), des livres, des poissons et des coquillages.
Oublié pendant trois siècles comme son confrère lorrain Georges de La Tour, il renait discrètement en public au même moment, dans la
grande exposition des «
peintres de la réalité au 17ème siècle », pendant l’hiver 1934-35, à l’Orangerie des Tuileries de Paris.
Mais l’austérité des sujets, des mises en scène et des couleurs le destinaient sans doute à rester dans l’ombre. On l’en extrait quelquefois, pour un temps, comme lors de la grande rétrospective Stoskopff à Strasbourg et Aix-la-Chapelle en 1997.
Aujourd’hui, le musée de l’Œuvre Notre-Dame de Strasbourg, qui avait tant fait alors pour la reconnaissance du peintre, n’en expose plus qu’un seul tableau, une «
Grande vanité », et ne prend même pas la peine de signaler à l’avance que l’étage où sont exposés
(on le suppose) les 7 autres chefs-d’œuvre qu’il détient, est fermé, ni pour combien de temps.
Sébastien Stoskopff, Corbeille de verres et pâté, c.1630-40, Strasbourg musée de l’Œuvre Notre-Dame (non exposé).
On se fera une certaine idée de ce que l’on perd en consultant la petite soixantaine de tableaux reproduits
(en basse qualité) sur le site
The Athenaeum,
ou ici, et quelques rares belles reproductions sur les sites du Metropolitan museum de New York
(« Nautile et boite en copeaux » acheté en 2001), du
musée Boijmans de Rotterdam et de Google Arts & Culture pour les
deux tableaux du musée du Havre.
Il reste à espérer que le musée de l’Œuvre Notre-Dame de Strasbourg, qui pèche par une humilité démesurée, se ravisera un jour et exposera orgueilleusement au public, qu’elle aura copieusement averti, sa collection complète de
vanités de Stoskopff, qui est unique au monde.
Sébastien Stoskopff, Corbeille de verres, 1644, Strasbourg musée de l’Œuvre Notre-Dame (non exposé).
(*) C’est la morale des locutions « Carpe Diem (Cueille aujourd’hui) », « Hic et nunc (ici et maintenant) », « Memento mori (n’oublie pas que tu meurs) ». Rappelons cependant aux êtres avides de plaisirs et tentés par l’épicurisme (ou l'hédonisme) que ces doctrines n’enseignent pas de se gaver de tout ce qui passe à la portée des sens, mais de tout faire pour se préserver des souffrances et des peines de l'existence.