Louis ixe-vé-hihihi
La numération romaine […] est si pénible, si embarrassante, si éloignée de la perfection de celle des Arabes […] qu’il faut la laisser aux Trissotins et déterreurs de médailles et faiseurs d’inscriptions […]
Les chiffres romains, si absurdes, n’en restent pas moins usités […] C’est un abus peu grave pour les inscriptions et médailles, à qui un air d’hiéroglyphe ne messied pas, mais bien plus sérieux pour les livres […] destinés à être lus et compris. »
Et, à la façon des fièvres polémiques qui réveillent épisodiquement quelque académicien sénescent ou un vieil écrivain vicieux quand une réforme menace de simplifier l’orthographe du français, les grands médias italiens viennent de faire une poussée de température parce que le musée Carnavalet, musée de l’histoire de la ville de Paris, a décidé d’écrire le numéro ordinal des siècles en chiffres arabes (d’origine indienne) afin d’être compris de tous les visiteurs, notamment étrangers.
Que les nostalgiques du calcul avec les doigts se rassurent, les monarques seront encore numérotés avec des bâtons, s’est empressé de répondre le musée.
Voyez-vous Monsieur Larousse, rien n’a changé, c’est toujours l’élite bien éduquée qui définit ce qu’est la culture populaire.
Cette élite ignore peut-être que depuis une vingtaine d’années, avec la disparition du papier, notre nouveau monde informatique, certes volatil mais essentiellement anglo-saxon (même en Asie), ignore impérialement les numérations exotiques.
Les logiciels chargés de trier les données, feuilles de calcul et traitements de texte, qui savent classer par ordre alphabétique ou numérique, rangent les chapitres et les dates romaines comme des lettres, donc dans un ordre numérique fantasque (1, 2, 3, 4, 9, 5, 6, 7…), et les logiciels de lecture vocale de texte ou les assistants pour malvoyants prononcent l’index des monarques avec la même fantaisie, Louis XVIII (18) devenant Louis ixe-vé-hihihi, à la manière du sketch du trio Les inconnus, en 1989, quand ils guillotinaient Louis croix-vé-bâton.
Alors, comme le préconisait le grand Pierre Larousse, laissons les hiéroglyphes aux égyptologues, et considérons ce faux proverbe congolais « Si tu veux bavarder avec tes voisins, utilise déjà les mêmes mots ».