lundi 16 juin 2025

Et le triptyque de Moulins, dans tout ça ?

La sacristie, sur le flanc nord de la cathédrale de Moulins, point de départ et destination finale du périple du triptyque.
Comme on le lira plus loin, il faudra encore quelques mois de patience avant d’espérer voir des reproductions correctes du tableau de Jean Hey, et comprendre peut-être enfin pourquoi Ce Blog parle tant de ces trois malheureux bouts de bois. En attendant remémorons-nous la manière du peintre avec cette belle reproduction d'une Annonciation conservée à Chicago par l’Art Institute.
 
 

On ne lit pas assez le journalisme de préfecture, les quotidiens régionaux. On soupçonne qu’il ne s’y passe que des débuts d’incendie, des refus de priorité, parfois un ministre qui inaugure une charcuterie. C’est vrai, mais c’est aussi dans La Montagne de Clermont-Ferrand qu’ont été publiées, chaque mardi pendant plus de 18 ans, près de 900 chroniques du plus savoureux des écrivains du siècle dernier, Alexandre Vialatte.

Et c’est justement ce même quotidien régional, dans l’édition de Moulins, qui rappelle régulièrement à ses abonnés qu’il n’a pas oublié ce jour glacial, sans doute, de novembre 2022, quand les plus hautes autorités culturelles du pays emportèrent, vers la capitale et vers un futur hasardeux, la merveille de la ville, les trois fragiles panneaux peints du triptyque du Maitre de Moulins, dans un fourgon blindé.  


Les amateurs de drame historique peuvent reconstituer cette épopée en lisant dans l’ordre les chroniques de Ce Blog consacrées au tableau (2300 mots, 15 minutes de lecture) :

2015, octobre : une lamentation (Le maitre de Moulins) 

2021, janvier : des inquiétudes (Inactualité du triptyque de Moulins)

2022, juin : l’enlèvement (Moulins encore)

2025, juin : les atermoiements (la présente chronique)


Sans oublier les articles du quotidien La Montagne (édition de Moulins), parfois en accès libre, qui veille sur son patrimoine en marquant le triptyque à la culotte :  

2022, 3 novembre : départ de Moulins et agenda de restauration du tableau (réservé aux abonnés)

2023, 20 février : arrivée à Paris, la radiographie (réservé aux abonnés)

2024, 9 juin : un article bien illustré en accès libre, rappelle aux auvergnats inquiets pourquoi le tableau est aujourd'hui au Louvre et remplacé à Moulins par un facsimilé.

2024, 12 juin : en complément, un copieux diaporama en accès libre d’une visite à l’atelier de restauration du Louvre. Un vrai travail de touriste amateur, 76 photos, en réalité toujours à peu près la même, mais au moins un témoignage probant pris sur le vif.

2025, 18 mars : la restauration est bientôt terminée. Reste le halo qui entoure la Vierge qu'on hésite à décaper. L’agenda du triptyque se précise (réservé aux abonnés)


Notons que le 21 mars 2025, la direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes (DRAC), ne voulant pas être en reste, mettait en ligne un dossier sur la restauration, en 8 parties décousues (voir le sommaire à gauche) et finalement assez creuses. 


L’agenda des prochaines années


Wikipedia croit La Croix, quotidien catholique, et relaie que le triptyque sera exposé cet été au Louvre ; l’été sera là dans quelques jours ; rien n’est annoncé au Louvre. Le propre de la croyance est de ne surtout pas vouloir vérifier ce qu’on vous affirme.


De son côté La Montagne, fidèle gardienne du triptyque, annonce qu’avant son retour dans le futur écrin sécurisé de la sacristie en hiver 2027-2028 (!), la merveille sera exposée au Louvre en hiver 2025-2026, puis à Bourg-en-Bresse et enfin au musée de Moulins. Cette dernière exposition, durant un an à 100 mètres seulement de la cathédrale où elle devrait reposer pour l’éternité prochaine, étonne.


Tout s’éclaircit avec la révélation de RCF (Radio Chrétienne Francophone), plus affirmative, dans un article du 20 décembre 2024 (oui, 3 mois avant l’article de La Montagne, mais Ce Blog va rarement chercher des informations concrètes dans ces sphères qu’illumine plutôt l’esprit saint réservé aux abonnés). Elle y affirme, sans nommer la source de sa révélation, que la suite vient d’être dévoilée, et que le triptyque sera exposé :


fin 2025 jusqu'au printemps 2026, au Louvre de Paris

de l'automne 2026 à début 2027, au monastère royal de Brou, à Bourg-en-Bresse

 de début 2027 à début 2028, au musée des beaux-arts Anne de Beaujeu de Moulins (début 2028 est l'estimation de fin des travaux de réalisation de l’écrin d’exposition dans la sacristie et des aménagements techniques dans la cathédrale, qui devraient commencer en 2026).


Ainsi, il reste encore des étapes, sensibles aux aléas économiques et politiques, avant le retour de la merveille. Mais on peut se fier aux Auvergnats, La Montagne ne lâchera pas l’affaire. 

Rappelons toutefois, pour prévenir toute désillusion, que la cathédrale de Moulins est l’une des 87 dont l’État est propriétaire, mobilier et trésor compris, qu’il en finance les travaux, et qu’à ce titre il peut faire ce qu’il veut du triptyque et pourrait même ne laisser à Moulins qu’une photocopie couleur. 


mardi 10 juin 2025

La vie des cimetières (117)

Quelques champs de la bataille de Loos, cultivés, et un mur du mémorial. 


À l'automne 1915, dans les plaines du nord de Lens, autour de Loos-en-Gohelle, l'armée britannique vint soutenir l’armée française pour empêcher que les autochtones ne parlent dorénavant la langue de Friedrich Nietzsche et Richard Wagner, et éviter que cet idiome barbare et laborieux devienne l’espéranto mondial à la place de la langue de George 5 et Queen Mary, si simple, si universelle.

Comme toute armée évidemment, elle n’était aucunement préparée et les munitions manquèrent aussitôt. On testa alors un gaz toxique, mais un peu comme dans ce film si drôle des frères Lumière en 1895, l’arroseur arrosé, le vent renvoya les effluves mortels sur l’émetteur. Puis l’ennemi tira avec succès sur les bonbonnes de gaz encore pleines, qu’on n’avait hélas pas utilisées parce que les clés fournies par les services logistiques étaient les mauvaises. Enfin les masques à gaz, mal conçus, instantanément embués, se révélèrent inutilisables.
Résultat de la campagne, en quelques semaines, 60 000 soldats anglais étaient éparpillés dans les champs avec seulement la boue pour sépulture. Par chance ils étaient tous volontaires, mais c’étaient les derniers, car il fallut dès janvier 1916, par manque de candidats, inviter avec moins de courtoisie leurs remplaçants destinés aux insectes nécrophages des tranchées. (Cette histoire n’est pas une caricature par un pacifiste qui aurait reconnu là le modèle des méthodes actuelles de nos maitres pour gérer les conflits, mais la vérité historique, au moins celle de l’Encyclopédie Wikipedia en anglais).

Globalement l’affaire était un échec. Sur le terrain, quand on n’a pas le temps ou le moyen de récupérer les restes des soldats, on parle de "sépulture inconnue" et on construit dans les environs, une fois le calme revenu, un monument cénotaphe pour y inscrire la seule chose qui reste désormais identifiable, leur nom, qu’on trouve sur la liste des conscrits.

Ce sera fait 15 ans plus tard, à 9 ans seulement de la guerre suivante. Un architecte anglais édifiera un cimetière d’un demi-hectare au bord de la route de Lens à Béthune. 20 600 noms de disparus seront gravés sur les murs d’enceinte, classés par régiment et par ordre alphabétique, constituant le Mémorial de Loos. Les quelques restes suffisamment homogènes de soldats conservés jusqu'alors, pas toujours identifiés, étaient répartis dans 1800 tombes "individuelles" alignées dans l'enceinte, constituant le cimetière britannique de Dud corner. 
Le "General The Rt Hon Sir Cecil Frederick Nevil Macready, Bt, GCMG, KCB", administrateur des troupes anglaises en France en 1915 (Adjutant-General) et pour cela hautement récompensé, inaugurera le mémorial le 4 aout 1930. 
Au même moment, sans rapport avec la cérémonie, se réunissaient à Oxford les participants au 22ème congrès mondial d'espéranto.


Le major-general Richard Hilton, officier britannique d'observation avancée, écrira plus tard :
"On a beaucoup écrit sur la bataille de Loos. La véritable tragédie de cette bataille résidait dans sa quasi victoire".
Aucun des participants ne le contredira.



samedi 31 mai 2025

Ce monde est disparu (19)

Katsushika Hokusai, le mont Fuji vu d'Ejiri dans la province de Suruga, estampe 38 cm, 1831, vente Sotheby's 07.2023, 34k$.

Hokusai (Katsushika), mort en 1849 à 88 ans, est le plus admiré sans doute des dessinateurs, peintres et graveurs au Japon. 

Il aura dessiné des centaines de fois le mont Fuji, volcan explosif à la retraite depuis janvier 1708, le plus haut sommet du pays, que 2 à 3 millions de pèlerins gravissent chaque année, montagne sacrée pour les Japonais comme le camembert pour les Français. 


La plus fameuse série d’estampes réalisée vers 1830 par Hokusai comprend 46 vues gravées, regroupées sous le nom très approximatif de 36 vues du mont Fuji(voir ici la méthode de gravure sur bois)

Plusieurs centaines (voire milliers) d’exemplaires des vues les plus célèbres ont été imprimées. Les grands musées en possèdent parfois plusieurs versions. Chacune est unique. Le site ukiyo-e.org compare l'état et les couleurs de certaines, comme la "Vue d'Ejiri, province de Suruga".

On la trouve régulièrement dans les salles de ventes, comme en juillet 2023 chez Sotheby’s à Londres, où elle est partie contre 34 000$, un prix bas comparé aux 410 000$ de la célébrissime Vague lors de la même vacationpeut-être dû a son état de conservation (illustration ci-dessus). 


Elle reste l’une des images les plus originales parmi les milliers réalisées par Hokusai. 

On lui préfèrera peut-être la version verte de la Bibliothèque nationale de France (illustration ci-dessous), ou l’une des impressions bleu de Prusse conservées au British museum de Londres, en meilleur état et plus lisible (illustration plus bas).


Katsushika Hokusai, le mont Fuji vu d'Ejiri dans la province de Suruga, estampe 38 cm, 1831, Bibliothèque Nationale de France.

Katsushika Hokusai, le mont Fuji vu d'Ejiri dans la province de Suruga, estampe 38 cm, 1831, British museum.

mercredi 21 mai 2025

Pauvres Danois

Jørgen Sonne, la veille du Solstice d’été (148cm) Ribe Kunstmuseum

Le peuple danois fête la saint-Jean, le solstice d’été, vers 1860. Insouciant, il ne sait pas encore ce qui le menace.


On a souvent parlé du bonheur du peuple danois et de l’Âge d’or de sa peinture.

Hélas les choses ne s’arrangent guère, comme partout sur la planète. Les Danois sont entourés sans issue par la Mer du Nord et la Baltique, la plus empoisonnée des régions maritimes du globe (ne lisez pas empoissonnée), et avec l’accélération de la montée du niveau des mers, leurs terres émergées qui s’élèvent - si l’on peut dire - aujourd'hui en moyenne à 30 mètres, ne tarderont pas à sérieusement rétrécir.

Tout cela risque de gâter leur félicité. Les œuvres des peintres de l’Âge d’or suffiront-elles à leur consolation ? 


C’est alors que vient s’incruster dans cette histoire déjà navrante Aspergillus restrictus, un organisme minuscule, un vilain champignon, osons le mot, une moisissure. Elle manifeste depuis quelques mois une affection exclusive pour le patrimoine culturel, précise dans le Guardian la responsable de la conservation dans les musées danois, et semble particulièrement attirée par les peintures de l’Âge d’or. En réalité, elle se reproduit dans les atmosphères sèches, or les collections les mieux protégées des méfaits de l’humidité sont fatalement celles qui font la fierté du Danemark. L’envahisseuse a été jusqu’à présent repérée dans 12 musées danois, dont les plus importants, le Musée National de l'art du Danemark (SMK) et le Musée de Skagen.


La chose se manifeste par des taches de mousse blanche à l’aspect duveteux. Le champignon n’endommage pas que les matériaux sur lesquels il se pose, il peut être dangereux pour l’être humain, si les spores sont inhalées. On ne s’en débarrasserait qu’à partir d’un certain degré d’humidité, qu’on ne connait pas encore, et dont on ne sait pas s’il serait viable dans un musée.  


La conservatrice pense que l'attaque est planétaire et qu’avec des méthodes de détection adéquates on le constaterait partout. Le très récent épisode fongique entrainant la fermeture complète du musée des beaux-arts de Brest en France, pour au moins 5 ans, semble lui donner raison. Le champignon breton (décrit dans cette vidéo 1’40" de FR3 Bretagne) ressemble beaucoup à l’assaillant danois mais là, à l’inverse, c’est l’augmentation de la pluviométrie et du degré d’humidité qui sont supposés responsables. Il y a pourtant fort à parier qu'il s'agit de la même bestiole*.

Attendons que la science, qui commence seulement à l’étudier, donne son point de vue. Pour l’instant on ferme les salles contaminées, on isole les objets atteints, par milliers, et on suspecte l’emballement climatique.


Le sale virus planétaire qui en 2020, rappelez-vous, n’aimait pas la peinture danoise, la considérait comme une activité "non essentielle", au point de tout faire pour que la plus belle exposition parisienne depuis des années ne soit vue que par quelques milliers de privilégiés masqués, cette petite bestiole* immonde, aura donc transmis son aversion à un organisme parasite, une autre bestiole* profiteuse, nettement plus grosse, qui s’en prend aussi à la culture, en commençant par ruiner, comme par hasard, le meilleur de la peinture danoise, propageant ses sinistres méfaits à travers l’air des musées qu’elle infecte, en apôtre du virus. 


* Ne protestez pas, toute personne informée sait que ni les virus ni les champignons ne sont actuellement classés dans le règne animal, mais si la question flotte encore dans certains esprits moins avertis, c’est bien que les conséquences de leur mode de reproduction paraissent intentionnelles, en étant nuisibles aussi bien à l’être humain qu’à la peinture danoise, et peut-être même à la peinture bretonne.


jeudi 15 mai 2025

Célébrons un bicentenaire (2 de 2)

La Vierge et l'Enfant avec les saints Louis et Marguerite (peintre inconnu néerlandais ou français)
Constituée de 31 mégapixels (pour 15 mégaoctets), l’image peut demander quelques secondes de chargement. Le panneau original est large de 106 cm, la reproduction fait 163 cm, donc affichez l’image à 65% pour visualiser le panneau dans ses dimensions réelles.


Tout ce que nous pensions découvrir sur les célébrations du bicentenaire de la National Gallery de Londres grâce à la tenace perspicacité des médias (on comprend qu’ils demandent une cotisation pour ça) était en réalité décrit en détail, mot pour mot, et directement accessible sur le site du musée, sous un petit lien perdu en bas de page, parmi les communiqués de presse. 

Pareillement, nous avions apprécié la discrétion du musée sur l’invité(e) tiré(e) au sort qui passerait la nuit dans le musée et ferait gratuitement la publicité de la literie des magasins Marks & Spencer et des croissants du chef étoilé. Eh bien un autre communiqué de presse nous décrivait déjà sa biographie : conférencière, gérante d'associations caritatives et surtout artiste, mère et grand-mère de 10 enfants, élue parmi 22 000 admissibles et souriante (photo à l’appui).   
Les images de son réveil au cœur du musée couverte de miettes de croissant dans son lit fastueux de marque M&S ne sont pas encore publiques. Espérons qu’on lui aura fourni un peigne et une brosse à dents avant la conférence de presse du soir.

Quasi seule dans la nouvelle salle 54 du musée, la bienheureuse aura tout de même rencontré la Vierge, avec l’Enfant et les saints, Louis, roi de France, et Marguerite, sur ce panneau étrange, anonyme, ayant appartenu à une famille anglaise du Dorset, convoité depuis des décennies par la National Gallery, négocié en vente privée début 2025 par Sotheby’s au prix spécial, insiste le musée, de 22 millions de dollars (après conversion), et décrit dans un autre communiqué de presse

Aucune expertise n’a jusqu’à présent réussi à l’attribuer à un peintre connu. Il faut dire qu’il n’a pas été exposé depuis 65 ans et qu’il est pour la première fois publié en couleurs. Documenté dès 1602 à Gand, en Belgique, il est peint à l’huile sur des planches d’un chêne de la Baltique abattu en 1483. Les spécialistes le datent entre 1500 et 1510 et lui trouvent des ressemblances de style avec Jan Gossaert (Mabuse) et Jean Hey (Maitre de Moulins). On pourrait leur objecter qu’aucun des deux n’a jamais succombé, comme ce peintre anonyme le fait ici sur les visages de la sainte, de l’ange à droite et surtout de l’Enfant, à la difficulté qu’éprouvent même de bons dessinateurs à placer correctement et aligner les yeux sur des visages vus de trois-quarts. 
Erreurs de dessin qui s'effacent devant les qualités de rendu et de présence des matières, la bizarrerie singulière, voire unique, et humoristique de l’iconographie, et l’atmosphère étrange pour une scène religieuse. 

Quelques excentricités notables

✵  l’Enfant torture un chardonneret, 
✵  le trône de la Vierge repose sur des planches brutes clouées,
✵  la posture douloureuse du dragon bavant, et ses oreilles en forme de nageoires, 
✵  l’ange de gauche joue de la guimbarde (instrument qui produit le son d’un ressort métallique quand il se détend), 
✵  toutes les figurines sculptées sur les chapiteaux des pilastres et jusqu’au sceptre du roi sont nues, parfois dans des attitudes curieuses, comme celles qui s’enlacent aux pieds d'un singe, ou cette autre, un angelot peut-être, qui exhibe un anus ostentatoire.

dimanche 11 mai 2025

Célébrons un bicentenaire (1 de 2)


La National Gallery de Londres, le plus important musée de peintures d’Angleterre, commémore ses 200 ans d’existence, NG200. Sur l’accueil de son site, elle diffuse un slogan percutant : "rassembler les gens et les peintures" (d’accord, ça n’est que la bête définition du rôle d’un musée de peintures). Elle y met en avant la gratuité de la visite de ses collections, et en profite pour solliciter des dons. Enfin le slogan est accompagné de quelques animations banales ; hier, c’était le défilement de détails d’une nature morte aux fleurs de Ruysch.


Mais c’est à partir d'autres sources, curieusement, qu’on apprend que le musée a rouvert, depuis hier 10 mai, une aile fermée depuis deux ans où se situe désormais l'entrée de la National Gallery, qu’il a totalement réorganisé le parcours de visite et les conditions de présentation et d'éclairage d’un millier de tableaux, qu’il a choisi au hasard un de ses adhérents qui a dormi parmi les chef-d’œuvres le 9 mai au soir, a été réveillé par le petit déjeuner d’un chef étoilé, a ensuite déambulé dans un musée à l'accrochage inédit et vide de visiteurs (qui attendaient dehors l’ouverture de l'évènement, à 10h), et en a profité pour découvrir en exclusivité le fameux panneau d’un peintre inconnu acquis récemment contre 20 millions de dollars (ce dernier n’était pas vraiment un mystère, le tableau est reproduit un peu partout, mais son iconographie est réellement déconcertante et Ce Glob en publiera prochainement une version en haute définition, téléchargeable of course).


Sur internet le musée est resté discret, sinon muet, sur tout cela. Il existe bien une page, qu'on ne trouve qu'en connaissant son adresse précise, où il survole le programme des évènements de cette année anniversaire, mais vous n'y verrez que les flagorneries et les complaisances habituelles du marketing le moins subtil : "le musée est à vous... c'est vous qui avez l'imagination et le talent... 1000 tableaux rien que pour vous..."    


En attendant d’aller admirer sur place les merveilles de Van Eyck, Mabuse, Léonard et les autres dans ces nouvelles conditions, notamment de lumière, fêtons ici ces furtives festivités avec une reproduction de 2.3 fois les dimensions originales (36 x 46cm) de cette nature morte de Ruysch, distinguée sur la page d'accueil du musée (et téléchargeable ici-même, puisque la National Gallery l’interdit).


Rachel Ruysch était une des peintres de fleurs (et un peu de fruits) les plus célèbres de son temps, achetée autant que Rembrandt l’avait été dans ses années prospères, et à des tarifs comparables. Le Rijksmuseum d'Amsterdam en conserve 4.

À Londres, avec 3 tableaux exposés, elle est la reine de la salle 28 de la National Gallery consacrée aux natures mortes flamandes et hollandaises. Ce bouquet de 1716 en illustration, silencieusement explosif, est un de ses plus beaux.


Les natures mortes de fleurs, très prisées dans le nord de l’Europe aux 17ème et 18ème siècles, jugées artificielles et passées de mode aujourd'hui, gardent cependant un peu de la sympathie du grand public, qui reste confondu devant la minutie de la réalisation et la générosité des couleurs. 

Bientôt, quand la plupart des espèces de fleurs de la planète auront disparu après l’extinction des insectes et oiseaux pollinisateurs, ces tableaux que les anglais et les hollandais appellent "vies immobiles ou tranquilles" justifieront leur nom français de "natures mortes" et seront certainement de nouveau appréciés et reconnus à l'égal des tableaux des peintres de ruines.