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vendredi 4 juillet 2025

Vomir au Louvre avec LVMH

Cette chronique ne faisant que conseiller de lire l’article d’un autre auteur, il lui fallait une illustration évocatrice. L'image ci-dessus a peu à voir avec le sujet, mais son commentaire contient le mot "vomi", en deux langues.
En 1799, Francisco Goya publiait une série de 80 gravures raillant le comportement des humains en société : les Caprices. 2000 à 3000 exemplaires de la série ont été imprimés depuis. La suite complète, dans les premières éditions, se vend aujourd'hui de 50 à 250 000$ (2023), les impressions du 19ème siècle autour de 30 000$, et celles du 20ème siècle, réalisées à partir des plaques fatiguées, ne se vendent sans doute que quelques milliers de dollars. C’est probablement une de ces dernières, que les frères provocateurs Jake et Dino Chapman, en 2005, se sont amusés à colorier, détourner et modifier à la gouache directement sur les originaux. La série, ainsi retravaillée et améliorée dit le commentaire de la collection Pinault, est intitulée "Like a dog returns to its vomit twice (
Comme un chien revient deux fois à son vomi)". 
N’ayant pas trouvé de reproductions correctes, nous proposons ce montage de 25 des 80 gravures, chacune en regard de la gravure originale de Goya.


Cela fait, revenons à notre chronique d’aujourd’hui.

Le site LouvrePourTous, plutôt militant dans les années 2006-2014, dénonçait les malversations et autres opérations malhonnêtes pratiquées dans l’administration du musée du Louvre par le pouvoir politique. L’auteur du site, M. Hasquenoph, signalait régulièrement les détournements du musée au profit des marques de luxe, LVMH y était omniprésent (voir Publi-expositions, ou dégueulis de luxe au Louvre). L'auteur avait notamment été vers 2014 un enquêteur actif dans l’affaire Ahae, une histoire de prévarication par la direction du Louvre et d’autres grands établissements publics.

Édulcoré depuis, le site s’appelle aujourd'hui Louvre pour Tou·te·s et publie quelquefois des dossiers encore militants. Il vient de mettre en ligne, inspiré par le mémoire d’Eliette Reisacher Les défilés de mode au musée du Louvre 1982 – 2019, un dossier en 2 parties intitulées Comment la mode s’est imposée au Louvre et LVMH au Louvre, le dévoiement du mécénat de Vuitton à Dior.

Il y raconte l’histoire, depuis les années 1980, des relations entre la présidence du musée et le pouvoir politique, les présidents et ministres de la République successifs, les entreprises du luxe et les milliardaires de la mode. On y piétine dans les froufrous les règles de protection du patrimoine, on y détourne joyeusement les principes du mécénat, on vend la soupe des grandes marques et on privatise les lieux publics durant des mois, dans une farandole d’abus de pouvoir et de corruptions variées. 

Vous objecterez que cette privatisation du bien public pour enrichir les grandes fortunes n’est pas un procédé nouveau. C’est exact, on n’est plus étonné de voir un service public se dégradant lentement par manque de soutien de l’État, être finalement abandonné à des entreprises privées, c’est même le mode normal de gestion dans des domaines bien plus essentiels que la culture et le divertissement. 
Mais lisez tout de même le dossier de M. Hasquenoph. En 50 000 caractères et 30 minutes de lecture, luxe, anecdotes politiques, sacs à main et panier de fraises, on en sort avec une envie roborative de révolution. 
Emporté par l’urgence du sentiment, on se précipite plutôt vers les toilettes.


jeudi 27 avril 2023

Achetez des Basquiat

On peut prédire le succès parisien - plus d’un million de visiteurs, certainement - que va remporter l’association de ces trois noms, symboles du luxe et de la décoration d’intérieur, que sont Vuitton (LVMH), marchand de sacs à main et de parfums, organisateur dans son musée privatisé de l'exposition des œuvres que réalisèrent en commun les deux autres noms, Basquiat et Warhol, vers 1985. Cette réunion un peu forcée avait été organisée juste à temps par un des marchands de Warhol déclinant et de Basquiat au succès croissant (avec un troisième, Francesco Clemente). Les deux premiers artistes allaient mourir quelques mois plus tard. 
 
Au même moment - on parle ici du succès mondain actuel chez Vuitton - le marchand d’art de Los Angeles qui avait vendu les 25 tableaux de Basquiat exposés en grandes pompes au musée floridien d’Orlando en été 2022, et tous confisqués par le FBI avant la fin de l’exposition (l’histoire était relatée là), ce marchand donc vient de reconnaitre qu’il avait commandé en 2012 à un certain J.F. une trentaine de Basquiat, que l’artisan les avait fabriqués en un tournemain (5 à 30 minutes par peinture, déclare-t-il) et qu'il les avait aussitôt mis en vente sur eBay, fameux site de vente d’occasions, avec de faux papiers de provenance.
On suppose qu’il y a moyen, sur ce site, de réserver discrètement un objet pour un acheteur complice, puisque les propriétaires de ces Basquiat confisqués étaient bien connus des services du FBI. 


D’ailleurs une recherche sur eBay démontre qu’il y a toujours un certain nombre de Basquiat "authentiques et signés" disponibles, tout à fait présentables et à des prix d’ami, certes disparates, parfois un peu élevés, mais toujours largement inférieurs aux enchères des salles de ventes, qui se chiffrent maintenant en millions de dollars. L’œuvre de notre illustration par exemple, une acrylique de bonne facture (hauteur 65cm) qui conviendrait à un salon à l’ameublement plutôt moderne et aéré, est proposée à partir de 3500$, une misère, et bénéficie des facilités de paiement d’eBay, par exemple un crédit de 6,94% sur 2 ans (l'expert aura reconnu là une bonne copie du célèbre "Warrior" vendu 42 millions de dollars en 2021 par Christie's).

Alors n’hésitez pas, avec le succès de l’exposition les prix vont grimper, forcément. Il y a déjà 26 personnes à le convoiter, et il ne reste plus que 254 Basquiat originaux soldés, nous préviens le site.

samedi 27 novembre 2021

Répine l'inattendu

Cette chronique sera courte. On a déjà parlé ici-même du peintre russe Ilya Répine, en 2013, et ça suffisait bien.
Mais voilà que la Russie, qui prête rarement les tableaux des peintres russes (*), qui sont donc pour cette raison quasiment inconnus à l’ouest, vient de faire traverser les vestiges du rideau de fer à une centaine de toiles de Répine.

Répine Ilya, L’inattendu, retour inespéré d’un activiste politique dans sa famille, 1888, Galerie Tretyakov, Moscou (détail). Wikipedia raconte en détail l’histoire anecdotique de ce tableau qui est à paris jusqu’à la fin de l’année 2021.

Répine était un peintre naturaliste, vériste disent certains, bref un peu sinistre. Pas question d’arrangements avec la réalité, rien ne devait paraitre fabriqué, pas de poses affectées, ou alors il ratait, comme quand il s’essayait à peindre des fééries. Somme toute une sorte de Courbet en moins pâteux, mais avec des dispositions pour le portrait. On l’a dit, Lénine l’estimait « fondateur du réalisme soviétique ».

Ainsi la Russie le prête jusqu’à la fin de l’année au musée du Petit palais de Paris, qui est une institution sérieuse. D’ailleurs l’annonce de l’exposition (on ne peut pas vraiment parler de promotion) est lugubre, notamment cette vidéo de 40 secondes, chef-d’œuvre de dissuasion. 

Peut-être serez-vous découragés par cette chronique déprimée, alors avant de vous jeter du premier pont venu, promenez-vous dans cette galerie monumentale, gratuite et sans laissez-passer, où vous verrez non pas 100 comme au Petit palais, non pas 200, pas le double, mais 518 œuvres de Répine, téléchargeables et de qualité convenable (n'oubliez pas la suite en bas de la page des vignettes)

À vous de voir...


(*) C'est la malédiction des peintres russes. L’étranger qui visite la Russie préfère aller voir les peintres italiens ou français qu’il connait déjà, à l’Ermitage ou au musée Pouchkine, plutôt que de découvrir la peinture russe au Musée Russe ou la galerie Tretyakov. Et dans l’autre sens, les Russes prêtent facilement à l'étranger, mais seulement leurs tableaux européens, à des vendeurs de sacs à main, les mêmes qui, acoquinés avec le pouvoir, privatisent des lieux publics pour y construire des musées extravagants à coups d’avantages fiscaux, puis rameutent la presse, et font payer, pour la deuxième fois, le brave contribuable qui fait la queue pendant des heures pour revoir des tableaux figurant des lieux familiers, par des peintres qu’il connait par cœur.