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mardi 20 avril 2021

Histoire sans paroles (39)


« Il s'enfonce donc dans la mer, au nord-ouest de l'Islande, et découvre une région qu'il décrira comme la plus étrange et inquiétante du monde. Ce n'est plus de la terre, ni de l'eau, ni de l'air, c'est du brouillard, de la neige fondue, on y trouve des îles flottantes, blanches et bleues. L'Artemis avance entre les icebergs et Pythéas s'engage dans ce qu'il appelle le poumon marin, un mélange impalpable de terre, d'eau et d'air […] Il poursuit sa progression, jusqu'à ce que l'Artemis heurte une ile de glace. Alors, le savant et courageux Pythéas n'ose aller plus avant. »
Alain Bombard, Les grands navigateurs
(sur Pythéas le massaliote, vers 325 avant notre ère)
 

dimanche 5 mai 2019

La vie des cimetières (86)


Panneau signalant un point de rassemblement dans le cimetière du Père-Lachaise, à Paris.

Comment exprimer plus sobrement l’universelle destinée, cette fatalité qui a tourmenté tant de sculpteurs, inspiré tant de danses macabres, de natures mortes, et qui a fait noircir tant de pages à tant de théologiens convaincus, de philosophes égarés, de poètes torturés ?

Il suffisait d’un panneau anodin au cœur d’un cimetière, et on n’en parlait plus.

lundi 15 janvier 2018

Histoire sans paroles (26)


Un jour d’octobre 2008, le passage du légendaire Don Quichotte accompagné de Sancho Panza était signalé exactement ici. Croisant la mairie de Marsillargues, il venait certainement de la rue Karl marx et disparaissait dans la rue Maximilien Robespierre, ou inversement, dans l’autre direction. Mais le souvenir est en train de s’effacer.

dimanche 19 février 2017

L'éclipse totale de Châteaudun


Quelques minutes avant l’éclipse totale.

Châteaudun est une ville du département de l’Eure-et-Loir dotée d’un héritage culturel digne des blogs les plus exigeants et les plus éclectiques.

On y verra un singulier monument aux morts où un soldat devenu fou pointe son fusil sur la population (nous en reparlerons un jour), un cimetière fantastique où des centaines d’avions militaires démembrés agonisent en rouillant (nous y reviendrons un jour), sans parler des immémoriales grottes du Foulon qui minent les fondations de la ville et du centre pénitentiaire dont l’air purifié est très apprécié dit-on des visiteurs originaires de la région parisienne.

Et cependant la charmante petite ville est abandonnée par les médias. Aucun journal local, en effet, n’aura dit mot de la récente éclipse totale qui passait au bout du grand cimetière de la rue du Champdé, sur la façade solitaire de Notre-dame-du-Champdé, construite en 1519 et détruite en 1878, par la foudre.


Le moment émouvant de l’éclipse totale.

lundi 16 janvier 2017

La vie des cimetières (73)

Chapelle dédiée à l'archange saint Michel sur le rocher d'Aiguilhe.

Au sommet du rocher d’Aiguilhe, au milieu du dixième siècle, fut édifiée une chapelle dédiée à l’archange saint Michel.
On raconte qu’une jeune vierge sous la bienveillance de l’archange, sa pureté mise en doute, voulut prouver sa chasteté en se précipitant du haut du pic. L’archange amortit sa chute.
Revigorée par l’expérience elle fit une deuxième tentative qui suscita le même miracle.
La troisième fois, elle fit la promotion du spectacle et comptait bien en recueillir quelque prestige. Le peuple afflua. Le miracle ne se répéta pas.

Mystérieux pictogramme au sommet du rocher d'Aiguilhe.

Depuis sur le mur de la coursive qui encercle la chapelle, un panneau au mystérieux pictogramme stigmatise tout excès de vanité en interdisant de se jeter plus d’une fois du haut du roc.

Cimetière nord du Puy-en-Velay aux pieds du rocher d'Aiguilhe.

En contrebas pourtant, prêt à loger les désespérés, s’étale sur le coteau parmi les sapins les mélèzes et les épicéas le grand cimetière nord du Puy-en-Velay avec son point de vue pittoresque sur le rocher.

dimanche 15 décembre 2013

Magritte en Bretagne



Y a-t-il frisson plus délicieux que de contempler le spectacle d'une nature dont les lois sont transgressées ?

Le peintre belge René Magritte s'en était fait une spécialité.
Sur ses toiles, d'une figuration sobre et distante, on peut voir la nuit s'étendre sur des villes dont le ciel reste parfaitement diurne, on peut voir des nuages prendre la forme d'instruments sophistiqués, des déchirures dans un paysage champêtre épousant des silhouettes d'hommes à chapeau melon, et toutes sortes de choses pesantes qui flottent sans gravité dans des ciels où moutonnent des cumulus épars, comme dans ce « Château des Pyrénées » peint en 1959.

Ça s'appelle le Surréalisme. La raison fait semblant de perdre le contrôle et c'est la conscience d'un décalage avec la réalité qui procure un vertige. On sait bien que ça n'est pas vrai.
Jusqu'au jour où flânant le long d'un quelconque littoral, le badaud découvre des panneaux énigmatiques mettant en garde contre une menace dont la nature n'est pas précisée « Danger, nombreuses victimes ».
Par exemple à Saint-Guénolé dans le Finistère (illustration ci-dessous), on dit que c'est ici l'endroit exact choisi par Magritte en 1959 pour peindre le Château des Pyrénées (la géographie n'était pas son point fort).

Mais depuis lors, l'influence du courant surréaliste faiblissant, l'énorme rocher a fini par s'effondrer ensevelissant un important groupe de touristes qui piqueniquaient au bord de l'eau.
Les Bigoudens racontent qu'ils entendent encore, quand le vent s'insinue entre les débris du rocher, des hurlements plaintifs.

samedi 16 juin 2012

Divagations municipales

Le panneau ci-dessus établit qu'il est interdit à toute chose qui ressemblerait vaguement au chien en peluche de Tintin, idole des adolescents, d'errer sur la plage de la Grève Blanche près de Trégastel en Bretagne. 
En revanche les rochers ont le droit de s'y échouer pour peu qu'ils s'alignent approximativement, histoire de laisser la plage aux algues tueuses, à qui elle n'est pas prohibée.
Et ce du 15 juin au 15 septembre. L'année n'est pas précisée.

vendredi 17 juin 2011

Tout augmente

Au ministère des accidents de la circulation routière :

- Avez-vous remarqué, Monsieur le Ministre, cette soudaine flambée des accidents mortels depuis le début de l'année, et surtout en avril ?

- Oui, c'est l'occasion idéale. voilà 40 ans que le nombre d'accidents chute inexorablement, il est devenu de plus en plus difficile de trouver un prétexte pour gonfler les recettes. Alors ces chiffres sont inespérés. Nous avons d'urgence décidé, avec nos actionnaires et mon collègue du budget, de supprimer toute information publique sur l'emplacement des radars de contrôle de vitesse.

- Mais les usagers verront bien qu'il n'y a pas de lien entre les contrôles de vitesse et l'augmentation soudaine des accidents !

- Ne vous en faites pas, ils seront tellement affolés qu'ils perdront tout sens critique. Et puis vous savez bien qu'il n'y a jamais eu de lien direct probant entre nos mesures répressives et la baisse des accidents. La raison vraisemblable de cette hausse a été la météo du printemps propice aux départs en weekend, mais on ne va quand même pas se remettre à falsifier les bulletins météorologiques ?

Le modèle 3D des vautours est de Ken Gilliland.

mercredi 8 juin 2011

Écriteaux et écrivains

Un panneau ne se trompe jamais. Pendant que les plus grands philosophes ergotent sur l'origine de l'Univers, on sait depuis des lustres dans l'Administration de l'Équipement et de la Voirie qu'un lieu n'existe pas tant qu'il n'est pas nommé sur une plaque d'aluminium convenablement galvanisé et laqué (voire électro-zingué).
Y, Yz, Fa, Bû, Eu, Oö, Py, Ur, improbables villages français, existeraient-ils si le touriste égaré n'y était guidé par une route d'asphalte et reçu par un glorieux panneau indicateur ? Et on ne dira jamais assez le rôle bienfaiteur pour la littérature de ces panneaux de signalisation routière. Qui lirait encore Marcel Proust si le décor de son enfance, le village d'Illiers, devenu en hommage Illiers-Combray en 1971, ne lui faisait une publicité permanente ? (voir l'illustration ci-dessous)


Mais il y a une douloureuse contrepartie. Serait-il génial, un artiste restera méconnu si les cartes et les guides l'ignorent. Et c'est le sort d'Alexandre Vialatte. Le panneau d'entrée de Magnac-Laval, son village natal (voir l'illustration plus bas), est muet sur celui qui fut le plus jubilatoire des écrivains de son siècle (1).
Est-ce afin de palier les lacunes de la signalétique et de la cartographie, et peut-être de rentabiliser un placement, que le quotidien La Montagne, dans lequel Vialatte avait publié une grande part de son œuvre de 1952 à 1971 (900 chroniques sur 1128), a décidé de faire de 2011 l'année Vialatte et d'y employer quelques moyens ?
Ainsi, 110 ans après sa naissance et 40 après sa mort, le créateur du sinistre Monsieur Panado et de la plupart des proverbes bantous se trouve affublé localement d'une année Vialatte, d'un Prix littéraire Alexandre Vialatte annuel, et d'un site internet temporaire farci d'hommages insipides, de quelques rares chroniques en version intégrale, et de courtes citations mal documentées (3).
Et pour couronner l'ensemble, alors que la discrète Association des Amis d'Alexandre Vialatte vient de publier son 36ème cahier annuel (2), se créé le très médiatique Club des Vialattiens, garni de petits fours et de gens célèbres et bruyants.

Le véritable amateur de mots choisis et rangés dans un ordre agréable et significatif voit ces débordements d'un œil amusé. Il imagine ce que Vialatte en aurait dit.


***
1. Avec Vladimir Nabokov, peut-être.
2. 230 pages d'articles de Vialatte journaliste parus dans Le Petit Dauphinois de 1932 à 1944.
3. Par exemple celle où Alain Rey (le dictionnaire Le Robert, c'est lui), amoureux de Vialatte, est cité dans une citation qu'il fait de Vialatte dans son «Dictionnaire des amoureux des dictionnaires» (c'est clair ?). La citation manque de précision : deux lignes de Vialatte, suivies des mots «Alexandre Vialatte, chronique à La Montagne». C'est un peu court. Quelle chronique parmi les 900 ?
Alors faisons un peu de taxinomie chronique. Ladite chronique s'intitule « Des mots et des choses » et se trouve être la 70ème de Vialatte, publiée originellement dans La Montagne du 22 décembre 1953, reprise en recueil par Julliard en 1979 dans «Et c'est ainsi qu'Allah est grand», et rééditée en 2000 chez Laffont dans la collection Bouquins, numérotée 54.
Et citons-en quelques extraits moins parcimonieux :

«L'actualité nous écrase d'écrits. Je recommanderai plus spécialement les dictionnaires. Les dictionnaires sont de bien belles choses. Ils contiennent tout. C'est l'univers en pièces détachées. Dieu lui-même, qu'est-ce, au fond, qu'un Larousse plus complet ?
(...)
C'est ainsi que Jules Vallès faisait du dictionnaire. Comme c'est une chose très peu payée, il faut aller très vite pour s'y retrouver un peu. On n'a pas le temps d'aller chercher des références dans les sous-sols de lointaines bibliothèques qui ruinent leur homme en autobus. Ce martyr du vocabulaire signait donc Aristote ou même Napoléon des exemples adroitement choisis pour expliquer l'emploi des mots : «Il pleut», ou «Les raisins sont mûrs». Généralement, Vallès signait de Marmontel des exemples forgés tant que le fer était chaud qui autorisaient les opinions les plus hardies. Cet homme obscur lui permettait de trancher plus vite. Son éditeur en était enchanté. «Ce que j'aime surtout avec vous, disait-il, c'est la richesse de vos échantillons, la pertinence, l'érudition de vos références. On ne lit plus assez les classiques. On devrait relire ce Marmontel.»
«Il contient tout». répondait Vallès modestement.
(...)
On est effrayé du désordre qui régnerait dans la nature sans les planches en couleurs du Larousse illustré et le Catalogue de la Manufacture d'armes et cycles de Saint-Etienne à couverture de faux marbre ornée de chiens. Elle s'abandonnerait à elle-même. Elle se répandrait au hasard.
(...)
Relisons donc les dictionnaires qui endiguent les fureurs brutales de la nature et ses illogiques luxuriances pour la ranger, au grand complet, dans leur écrin comme un service de petites cuillères. Et ne demandons pas aux choses de ressembler servilement à leur portrait.
Il y a les mots, il y a les choses.»
Alexandre Vialatte, 1953.