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samedi 22 janvier 2022

Assise

Assise en Ombrie, pointe nord-ouest de la ville fortifiée, basilique Saint-François et couvent, entre novembre 2021 et janvier 2022.
N’oubliez pas de zoomer, chaque image fait 1000  pixels.


En ces temps de précarité climatique, sanitaire, politique, quand l’incertitude ne porte plus sur la direction que prennent les choses mais sur le temps qu’elles mettront à se rendre à destination, il est prudent de prendre du recul, et apaisant de s’asseoir et de regarder passer indéfiniment le présent. Et il reste sur la planète quelques caméras pointées sur des sites autour desquels c’est encore le monde qui tourne, n’en déplaise aux messieurs Képler, Copernic ou Aristarque de Samos. 

Telle est la monumentale basilique de Saint-François à Assise, au cœur de l’Italie, sur un promontoire qui surplombe la plaine d’Ombrie. Construite alors que François était à peine froid mais déjà saint, afin d’abriter ses restes magnifiquement, sans respecter le dépouillement qu’il venait d'enseigner, et en taxant lourdement les populations, matant brutalement les oppositions locales et vendant des indulgences par tombereaux. C'était vers 1230.  

François était un saint des plus communs, comme on en a connu une pléthore depuis le Bouddha, né dans une très riche famille, abusant précocement de tous les plaisirs, envahi un jour, après une mauvaise digestion, un lendemain de cuite, ou le dérèglement des sens, par une profonde sensation de dégout (on a tous connu ça), et imaginant alors que l’abstinence lui rendrait l’envie de vivre, en abusant pareillement, tentant pour s’en persuader de l’enseigner aux autres. Avec les privations arrivent alors les hallucinations, on entend des voix, on commence à parler aux oiseaux, et ça devient une idée fixe. Rien de plus banal. 
De là à en faire une doctrine, un ordre religieux, des monastères, des sites de pèlerinage touristique…

Le 26 septembre 1997, un séisme, monumental également, éparpillait des fresques et une partie de la voute, ensevelissant quatre vies. 
En 2000, après restauration, l’UNESCO s’empressait de déclarer le lieu Patrimoine mondial de l’humanité. 

Tout cela méritait bien une webcam idéalement placée (et sonore, fait rare). Probablement cette caméra à 10 mètres au-dessus du sol, installée en 2016, surplombant la caméra de surveillance et sous la corniche, à l’angle de l’hôtel Subasio.

Comme pour le site d’Hellesylt, installez-vous en terrasse avec une boisson chaude, demandez votre musique préférée ou passez des chants d’oiseau, puis laissez faire le temps, ou actionnez le curseur rouge et faites défiler les nuages des 12 heures précédentes. De temps à autre faites une copie d’écran, vous êtes touriste après tout.

Si vous voyez parfois s’animer de versatiles petits animalcules, c’est qu’il y reste un peu de vie. Gardez l’espoir.


mardi 7 mai 2013

Comment échouer dignement

Pentidattilo en Calabre, depuis le séisme de 1783

Le 12 janvier 2010 à 16h53 un tremblement de terre détruisait en deux minutes une partie de Port-au-Prince, capitale de la république d’Haïti. 230 000 morts, 300 000 blessés, plus d'un million de personnes sans abri (10 à 15% de la population du pays).

Immédiatement la planète s'émouvait. Personnalités en vue, organismes internationaux, gouvernementaux ou non, religieux, promettaient aide et dons. On annonçait des milliards de dollars comme s'il en pleuvait. Un ancien président des États-Unis déclarait « Nous allons construire l'avenir ».
Le généreux élan de la politique humanitaire se mettait en marche.

Mais il n'était pas question d'abandonner tout cet argent à un peuple désorganisé et notoirement corrompu. Le pays appartenait désormais à la communauté internationale qui souhaitait avant tout construire des choses philanthropiques et prestigieuses aux endroits de son choix.
Et comme on ne pouvait pas construire sans avoir auparavant enlevé les gravats, mais qu'il n'était pas question non plus de financer des opérations qui ne permettraient pas d'apposer dessus une belle plaque commémorative à la gloire du bailleur de fonds, on a tranquillement attendu que les autochtones aient déblayé eux-mêmes les terrains.
En attendant on a palabré. Longuement, car mine de rien, c'est très long de nettoyer vingt millions de mètres cubes de débris de béton à mains nues.
Puis on s'est lassés. D'autres causes humanitaires urgentes attendaient un financement. Il fallait faire fonctionner la « Pompe à Phynances », que chacun en profite au passage.

Finalement la population haïtienne s'est débrouillée presque seule, et elle se retrouve plus pauvre qu'avant, plus mal logée, dans des maisons rafistolées encore plus fragiles, ou dans des camps insalubres, et cerise sur le gâteau, avec 8000 morts d'une épidémie de choléra apporté par des soldats de l'ONU.

Pauvre parmi les pauvres, Haïti est déshérité depuis toujours. Depuis l'arrivée de Christophe Colomb en 1492, l'extermination des indigènes, leur remplacement par des esclaves importés d'Afrique, leur révolte en 1793 abolissant l'esclavage, puis en 1804 l'échec de Napoléon qui tentait de le rétablir, suivi d'un siècle et demi d'instabilité et de 30 ans de dictature, avec les Duvalier et leurs fameux tontons macoutes meurtriers, sans compter les ouragans annuels, les pluies diluviennes, et enfin l'aide internationale.

La République Haïtienne survivra-t-elle à cette aide internationale ? C'est la question que pose sans rire le film de Raoul Peck, « Assistance mortelle », amer, explicite et sensible, récemment diffusé sur la chaine Arte.
Vous y verrez des centaines de bonnes volontés échouer tristement (la touchante Priscilla Phelps par exemple), et vous ne manquerez pas, vers la fin, la cérémonie de commémoration du deuxième anniversaire de la catastrophe, où face au cimetière minable et désolé, la tribune officielle réunit l'ancien président des États-Unis (celui du début), le nouveau président d'Haïti fraichement élu, et l'ancien dictateur sanguinaire (le fils) exilé en France pendant 25 ans, de retour après le séisme, et accusé de vol, corruption, abus de pouvoir par la justice haïtienne.

Ce qui présage un avenir radieux.


Mise à jour du 18 aout 2016 : Sous la pression des avocats internationaux de Port-au-Prince, de la presse, devant la preuve que la souche du foyer de contamination provenait bien du Népal et face à l’inefficacité des moyens actuels de lutte contre la bactérie, l’ONU vient de vaguement reconnaitre sa responsabilité et a décidé de « faire beaucoup plus ».