Comptes de faits (5)

Fâché de n’avoir pas trouvé l’instrument universel, Foucault se mit immédiatement à la conception d'un dispositif basé sur un principe similaire mais qui serait indépendant de sa position sur Terre. Et comme il était génial il pensa à la toupie et inventa dès 1852 le gyroscope, sorte de pendule qui tourne très vite et qui a la propriété de ne jamais dévier de son axe, même cul par dessus tête, où qu’il se trouve sur Terre. Désormais équipé de cet instrument, l’explorateur ne pouvait plus se perdre et retrouverait sa boussole même au Gabon.
Alors, direz-vous, pourquoi avoir déclaré, au premier épisode, que Foucault avait menti ?
Mais parce qu’il ne nous a pas conté, dans cette histoire de pendule enchanté, la partie réellement merveilleuse, la fin (enfin, disons la suite), qu’il ne connaissait pas.
Car à mesure qu'étaient perfectionnés les instruments, ils indiquèrent que le pendule (ou le gyroscope), qui se balançait déjà au pôle comme si la Terre n’existait pas, se moquait également du Soleil. Lancé précisément dans sa direction, il en dérivait après quelques semaines pour aller voir ailleurs. Il n’avait pas plus de respect pour les étoiles proches dont il s’éloignait au bout de quelques années, et s’il parait finalement s’aligner sur les galaxies les plus lointaines, c’est peut-être dû aux limites des instruments de mesure. Autour de lui, non seulement la Terre, le système solaire, mais l’univers entier semble tourner sans qu'il s'en soucie.
En 1981, l’astrophysicien Hubert Reeves terminait son livre « Patience dans l’azur, l’évolution cosmique » par le rapprochement de trois énigmes, trois phénomènes naturels actuellement inexpliqués :
- Le paradoxe EPR ou la non-localité, quand des particules qui ont interagi restent corrélées quel que soit leur éloignement, comme si elles étaient en contact permanent hors de toute causalité, en dépit de la limite de la vitesse de la matière.
- Et enfin le pendule de Foucault, qui ignore les influences locales et s’aligne superbement sur « la quasi-totalité de l’univers observable ».
Espérons la découverte ou l’expérience qui viendra un jour élucider cette intuition. Ou l’invalider.
On trouvera des approches un peu originales chez Villemin, Les idées froides, l’université de Nantes (manipulations), et dans l'Encyclopédie Imago Mundi.