Affichage des articles dont le libellé est Illustrations. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Illustrations. Afficher tous les articles

dimanche 4 avril 2021

Le Louvre fait sa révolution néolithique

Détail d’une Vierge de Domenico Ghirlandaio, ou de Sebastiano Mainardi (non exposé) : tel que reproduit dans la base Joconde (dans le petit encadré en haut à droite), le même détail dans la nouvelle base du Louvre (encadré intermédiaire), et l’image en haute qualité, comme on la trouverait sur le site des grands musée étasuniens ou hollandais.
  

La semaine dernière, le plus grand musée de l’Univers, le Louvre de Paris, a presque quitté la préhistoire, ou au moins effectué sa révolution néolithique. Il vient d’ouvrir un énième site présentant sur internet l’intégralité de la base de données de ses collections (480 000 œuvres).

Pourquoi en avoir fait un site séparé de celui du musée, qui vous demandera de saisir une deuxième fois votre requête si vous avez par étourderie, ignorants que vous êtes, pensé qu’il fallait chercher une œuvre du Louvre justement sur le site du musée du Louvre ? Allons, avec un peu d’habitude et avant la prochaine nouvelle version vous aurez trouvé, en petits caractères au fond de la page d’accueil du site du musée, le lien vers celui des collections.

Et une fois devant ce nouveau catalogue des collections, vous devrez admettre que le Louvre vient de franchir une étape considérable. La présentation des informations, les outils de recherche, les critères et filtres, tout y est limpide, épuré et efficace.
Les experts, naturellement, y trouveront à redire, comme M. Rykner qui y a déjà décelé des erreurs, des absences, des oublis, des régressions, mais aurait-on encore besoin d’experts si le monde était parfait ? (1)

Reste la délicate question des illustrations.

Beaucoup d’œuvres ne sont pas illustrées, sans qu’on puisse savoir dans quelle proportion puisque le critère de tri « œuvre illustrée » a été opportunément oublié. En revanche celles qui le sont le sont parfois richement, pour les plus importantes, et les images peuvent toutes être téléchargées, ce qui n’a l’air de rien mais constitue un bouleversement en France (2).

Évidemment la diffusion de ces reproductions n’est toujours pas libre de droits, ce qui n’est pas bien grave puisque c’est un copyright illégal (copyfraud), qu’on bafouerait avec joie, mais surtout parce que, malgré un saut qualitatif gigantesque depuis la précédente base Joconde (voir l'illustration), les images restent de petite dimension et de qualité trop moyenne pour qu’on ait envie de les propager à travers la planète.  

En l’état, le site des collections du Louvre est un outil de recherche et de déambulation agréable, et même divertissant. Bien entendu nous ne manquerions pas de prévenir notre maigre lectorat si un jour ce catalogue passait réellement de la préhistoire à l’Histoire.

***
(1) La catégorie « dessins et gravures » est vide alors que le département des arts graphiques affiche 250 000 résultats.
(2) Pour mémoire le musée d’Orsay interdit encore le téléchargement de ses médiocres clichés, que les droits d’auteurs soient prescrits ou non. Les musées de la ville de Paris ne sont sortis de cette préhistoire qu’au début de l’année 2020.

dimanche 6 mars 2016

Tableaux singuliers (3)

Gerard Terborch (ou Ter Borch), cavalier de dos, 1634 (Boston Museum of fine arts).

Au fil d’une vie assez mouvementée, de 1617 à 1681, le peintre hollandais Gerard Terborch pratiqua tous les genres de la peinture, mais en conservant toujours un style raffiné et austère fait de gris, de beiges et de rouges.
On trouve dans son œuvre des paysages animés, des soldats jouant aux cartes et buvant, puis des petits portraits délicats de bourgeois rigides, et de grandes assemblées avec des dizaines de diplomates entassés, en 1648 pour le traité de paix avec le suzerain espagnol.

En 1650 apparaissent de subtiles scènes d’intérieur au décor fondu dans une pénombre dont ne s’échappent que les couleurs adoucies de quelque étoffe et les reflets argentés de la lumière sur des soieries. Terborch est certainement l’inventeur de ces scènes familières où le personnage principal, souvent une femme en robe de satin, tourne le dos au spectateur et à la fenêtre, source unique de lumière (c'est pourquoi on n’y voit jamais de fenêtre).
Ainé d’une quinzaine d’années de Vermeer et Pieter de Hooch, Terborch était probablement à Delft au début des années 1650 (il est cité avec Vermeer sur un acte notarié de 1653) car ses scènes silencieuses et allusives les ont à l’évidence fortement inspirés, même s’ils les ont délivrées de leur confinement en peignant sur les leurs des portes, des enfilades de pièces, des fenêtres entrebâillées et l’air et la lumière qui circulent alors.

Après son mariage et son installation en 1654 à Deventer (dont il deviendra bourgmestre), et jusqu’à la fin de sa vie 27 ans plus tard, Terborch perpétuera les délicates scènes d’intérieur et les portraits puritains et rentables de la bourgeoisie hollandaise.

De sa jeunesse précoce se détache un tableau singulier, la silhouette fatiguée d’un cavalier en armure qui s’éloigne pesamment vers un fond juste esquissé, presque irréel.
À peine adulte Terborch semble déjà touché, comme plus tard dans ses tableaux intimistes, par l'impression mystérieuse que produit un personnage quand il tourne le dos à l’observateur.
On pense ici aux défaites d'un autre cavalier imaginaire aux illusions démesurées décrites par Miguel de Cervantes quelques années plus tôt, illustrées avec justesse par Gustave Doré en 1863.

Au sens propre ce petit panneau de bois peint à l'huile n’est pas si singulier puisque Terborch en a réalisé au moins trois connus, lors d’un voyage d’apprentissage à Londres vers 1634.

Gustave Doré, extrait d'une illustration pour le Don Quichotte de Cervantes, Tome 2 Ch.4, vers 1863, gravée par Pisan.

dimanche 13 décembre 2015

Illustration cherche auteur


Le pillage des illustrations de sites ou de blogs est devenu la règle sur internet, et les journaux et télévisions sont les premiers à se servir. C’est très bien. Plus une image est diffusée et vue plus elle fera connaitre son auteur.
Et il faut être particulièrement imbécile pour interdire, comme certains musées ou artistes, la reproduction (non commerciale, au moins) d’images de leurs œuvres. D’ailleurs l’interdiction ne sert à rien sur un internet planétaire aujourd’hui incontrôlable.

Mais il est désolant de constater que cette razzia se fait presque systématiquement en omettant de citer le nom de l’auteur de l’image.

Ainsi le dessin anonyme ci-dessus, astucieux, a été abondamment exploité sur internet pour illustrer les vertus de l’esprit critique et les manipulations des médias.
Les moteurs de recherche d’images en trouvent au moins 500 apparitions, Brésil, Turquie, Russie, Japon, dans les blogs, les réseaux sociaux. Mais aucune ne renseigne sur le nom de l’auteur. Il illustre même La couverture d’un livre, « Rethinking Srebrenica », dont l’éditeur new-yorkais avoue en page 3 avoir échoué à retrouver l’auteur du dessin.

La chasse est ouverte (et l’usurpation toujours possible).
 

lundi 30 janvier 2012

Andrew Wyeth

« Lorsqu'ils me rencontrent pour la première fois, les gens me disent généralement - Je ne savais pas que vous étiez encore vivant. » Andrew Wyeth interviewé par la NBC en 2006.
Mosaïque de détails de tableaux d'A. Wyeth

Mise à jour du 13.08.2024 : À la vitesse de la disparition des liens sur internet - un lien meurt en moyenne au bout de 2 à 3 ans - la plupart des reproductions de cette chronique ne sont plus disponibles et le renouvellement des liens est presque impossible car les bonnes reproductions des œuvres de Wyeth sont rares sur internet et le seront encore longtemps. Mort en 2009, la législation sur les droits d’auteurs évoluant constamment, il ne sera dans le domaine public, s’il y arrive un jour, que vers 2085, voire 2110. Il y aura probablement bien longtemps que la civilisation se sera effondrée. En attendant, tout le contenu des liens de cette page (illustrations, vidéos, textes) est sauvegardé et disponible à la demande en laissant un commentaire en bas de page.
________


Novembre 1966. Un tableau de Van Gogh disparait dans l'incendie de la niche du chien Snoopy. Charles Schulz, créateur de Peanuts, Charlie Brown et Snoopy, le remplace bientôt par un tableau d'Andrew Wyeth. Schulz était alors milliardaire, ses bandes dessinées publiées dans 2500 journaux du monde et lues par centaines de millions. Il déclarait pourtant qu'il n'était pas un artiste, comparé à Andrew Wyeth, qu'il admirait.

Andrew Wyeth (prononcez aine-drou ouaille-œuf) était le fils du plus célèbre des illustrateurs américains de livres d'aventure, N.C. Wyeth. Célèbre au point que les cinéastes américains en quête de crédibilité auprès du public s'obligèrent longtemps à reproduire à la lettre ses superbes illustrations, tant elles avaient, malgré leur vraisemblance très relative, impressionné l'imaginaire populaire.
Andrew réalisa l'exploit d'être encore plus renommé que son père, alors qu'il vécut en ermite durant 91 années, à peindre (1) des paysages désolés, de vastes étendues hivernales ponctuées de maisons et d'objets abandonnés à la poussière, traversées quelquefois par une silhouette fantomatique

Son tableau « Le monde de Christina », peint en 1948, était dès 1949 acheté par le MoMA de New York, Wyeth avait 32 ans. L'Amérique s'identifia alors à cette image. Elle devint une icône. Elle décrit pourtant une scène lugubre. Christina Olson, voisine des Wyeth dans le Maine, revient du petit cimetière d'Hathorne Point où reposent ses parents, au dessus de la crique de Maple Juice, près de Cushing. Handicapée, elle rampe lentement dans le champ vers sa maison en haut du coteau. 
Cette maison Olson est depuis 2011 un monument national américain. On la visite. Elle abrite le Farnsworth Art Museum consacré aux Wyeth, avec 25 œuvres d'Andrew. 

Andrew Wyeth vivait à notre époque sans être vraiment un peintre contemporain, sans suivre les courants artistiques ni copiner dans les cénacles qui font l'opinion. Solitaire, il ne s'intéressait qu'à représenter les quelques hectares qui entouraient la propriété familiale de Chadds Ford en Pennsylvanie, et la résidence d'été de Cushing dans le Maine. 
Aussi était-il systématiquement insulté, à chaque exposition, par les critiques américains qui brassent les grands concepts, ceux qui font l'Art Moderne (2). Jugements complaisamment répétés par la presse française. Le 16 janvier 2009, le journal Le Figaro annonçait la mort de Wyeth en le nommant maitre du réalisme magique. Pour Le Monde, c'était un peintre réaliste régionaliste américain. En d'autres termes, un campagnard sentimental et folklorique (3)
C'est pourquoi on ne l'avait jamais vu en France, excepté une jolie exposition de la Galerie Claude Bernard, voilà plus de 30 ans. C'est aussi pourquoi l'extraordinaire exposition de la fondation Mona Bismarck du 10 novembre 2011 au 13 février 2012 n'a fait l'objet que de furtives affichettes et d'entrefilets réservés. Andrew Wyeth y est représenté par 29 œuvres, en sandwich entre une quinzaine de toiles assez mineures de son talentueux père, N.C. Wyeth, et une trentaine de réalisations quelconques (à l'exception du portrait d'Andrew) de son fantasque fils, Jamie Wyeth, peintre des célébrités mondaines, des mouettes et des citrouilles
Le fétichiste y retrouvera également, dans une vitrine, le costume à plumes qu'Andrew porta à Paris le jour de son intronisation à l'Académie des Beaux-Arts en 1976 (son seul voyage hors du nord-est américain, dit-on). 

Admirer autant de merveilles dans une seule pièce à Paris est si exceptionnel qu'on pardonnera à la fondation Mona Bismarck d'enterrer un peu plus Andrew en ne le présentant que comme un des membres d'une dynastie de peintres, renforçant ainsi cette impression factice de couleur locale, de régionalisme. 
Peu importe. Un jour, quand l'écume des vogues actuelles aura été emportée par le temps, quand les époques seront confondues et qu'on ne se rappellera plus très bien dans quel siècle vivait Andrew Wyeth, reviendront ses images obsédantes d'un monde indifférent où les choses ont autant de présence que les êtres, comme dans les tableaux de Vermeer ou de Rembrandt. Andrew Wyeth sera devenu un grand peintre
Le pèlerin qui se rendra alors au minuscule cimetière d'Hathorne Point dans le Maine, déchiffrera peut-être encore, non loin de la tombe de Christina Olson inhumée en janvier 1968, sur l'inscription d'une modeste pierre tombale qui fait face à la maison Olson, le nom et les dates d'Andrew Wyeth (4).
« Quand vous commencez à observer réellement une chose, un simple objet, et si vous réalisez le sens profond de cette chose jusqu'à en ressentir une émotion, c'est sans fin » Andrew Wyeth.
*** 
(1) Exclusivement à la tempera au jaune d'œuf ou à l'aquarelle presque sèche. 
(2) Ce dédain de l'élite n'empêcha pas le succès. Un prix Einstein en 1967, une exceptionnelle rétrospective au Metropolitan Museum de New York en 1976, prix, honneurs et médailles à la pelle, membre élu de nombreuses Académies des Beaux-Arts, un grande exposition à Philadelphie en 2006, avec 175000 visiteurs. Vous trouverez, en anglais, une nécrologie - biographie de 4 pages par le New York Times en janvier 2009, et une étude biographique passionnante de 6 pages par le Smithsonian Magazine en 2006. 
(3) Andrew se considérait comme un peintre presque abstrait. Ces grandes surfaces d'herbe monochrome ou de terre blanche, qui envahissent l'espace du tableau, comme des formes pures à peine ponctuées d'objets ou de personnages placés là comme par hasard, à la limite de l'équilibre, atteignent en effet un certain degré d'abstraction. Vous trouverez ici un florilège de 140 œuvres de Wyeth (principalement), certaines utilisées dans la mosaïque qui illustre cette chronique. les reproductions sont grandes mais de très moyenne qualité. Cliquez sur chaque image pour afficher la suivante.
(4) Andrew n'est pas enterré près de sa famille à Chadds Ford en Pennsylvanie, où il est né et mort. Il a voulu être enseveli ici à Hathorne Point.

samedi 27 août 2011

Virgil Finlay encore












Il existe des illustrateurs qui n'ont pas vraiment besoin des textes qu'ils ont enluminés. Le blog MonsterBrains
le démontre encore aujourd'hui en présentant isolées, sans références ni commentaires, 111 illustrations en bonne qualité de l'immensurable Virgil Finlay.
L'admirateur qui souhaiterait faire de l'ensemble une copie de sauvegarde ou des fonds d'écran aura tout intérêt à télécharger l'extension DownThemAll pour le navigateur Firefox, avec lequel il récoltera le tout en quelques secondes et trois clics.

dimanche 29 mai 2011

L'expert et le dindon (farce)

Avertissement au lecteur : ce récit, véridique, ressemble tant à une caricature que les noms des personnes réelles ont été masqués afin de n'offenser personne et de ne pas, à l'ânerie, ajouter l'humiliation.

Roger-Jean S-M. est politicien et philanthrope. Un sombre jour de 2007, par testament, il lègue tous ses biens à des organismes bienfaiteurs, à l'exception d'un tableau daté et signé de Lyonel F., illustrateur et peintre du début du 20ème siècle, qu'il souhaite offrir au renommé Centre P. de Paris, la plus grande collection d'art moderne et contemporain en Europe (sic). Mais le Centre P. consulte Achim M., seul expert de Lyonel F. sur Terre, qui affirme que le tableau n'est pas de la main du peintre. Le Centre P. refuse alors le legs.
Quelques mois passent.

Aujourd'hui 29 mai 2011 vers 20 heures le tableau refusé jadis par le Centre P. sera mis en vente dans une grande salle des Champs-Élysées à Paris. Attribué à Lyonel F., estimé entre un et deux millions d'euros, il sera garni d'un authentique certificat d'authenticité signé de la main même du célèbre Achim M.
Certains prétendent que cette fois, s'agissant d'une vente, et non d'un don, l'expert peut revendiquer un pourcentage de la vente. Ce sont sans doute d'épouvantables envieux.

Moralité, lorsqu'un plombier vous propose un devis pour des travaux importants, demandez une contre-expertise à votre dentiste, c'est-à-dire à quelqu'un qui n'a aucun intérêt financier à vous mentir en matière de plomberie. Bien sûr, vous vous serez auparavant renseignés sur une éventuelle collusion entre les deux commerçants. Et Vous aurez obtenu ce renseignement auprès d'un tiers dont vous avez vérifié la neutralité, bien entendu.

Mise à jour du 30.05.2011 : Les estimations ont été pulvérisées. La dernière enchère était à cinq millions d'euros.

dimanche 6 février 2011

Les fous du dessin

Depuis quelques années fleurissent sur internet des sites (souvent des blogs américains) qui numérisent à outrance les pulp magazines et les revues de bandes dessinées et noient l'amateur de dessin sous un flot d'images sans fin. On se demande d'ailleurs comment ils se débrouillent avec les inspecteurs des reproductions interdites, particulièrement rapaces aux États-Unis.
« Golden Age Comic Book Stories » est parmi les plus productifs de ces maniaques de l'illustration. Il a fait revivre, depuis plus de deux ans, des milliers de pages qui ne trainaient plus que dans la mémoire de rares nostalgiques.
Et il y a là des génies du dessin, Bernie Wrightson, Virgil Finlay, William-Heat Robinson, Harry Clarke.

Wrightson Bernie (1948-), illustrateur d'horreur (Frankenstein) et auteur de bandes dessinées (notamment de «La chose du marais»)


Finlay Virgil (1914-1971), auteur de couvertures et illustrations de pulp magazines, essentiellement de science-fiction et d'horreur.

Robinson William-Heat (1872-1944), illustrateur anglais connu encore maintenant pour ses machines absurdes et inefficaces.
Illustrations pour
«Le songe d'une nuit d'été» de Shakespeare.


Clarke Harry (1889-1931), créateur de vitraux et illustrateur irlandais renommé.Illustrations (détails) extraites des contes d'Edgar Poe (autre lien avec des scans de qualité de l'intégrale des illustrations).

mercredi 1 avril 2009

Les mornes sermons de Monsieur Merson

Il y a quelques jours s'achevait au musée des beaux arts de Rennes une exposition très attendue consacrée au peintre français Luc-Olivier Merson. Personne ne connaît Merson, mais tout le monde a vu un jour une reproduction du «repos pendant la fuite en Égypte», tableau fascinant, presque uniformément gris et quasiment vide, représentant une scène de la mythologie chrétienne.

Les deux versions exposées à Rennes, côte à côte : à gauche celle de Boston, à droite celle de la collection Hearst. La version de Nice était absente.Cette belle composition eut immédiatement, en 1879, un succès considérable. Les américains en réclamèrent des quantités. Merson en fit quelques variations (qu'on trouve notamment aux musées des beaux arts de Nice et de Boston).

L'originalité du tableau et le titre de l'exposition de Rennes (L'Étrange Monsieur Merson) ne pouvaient qu'attirer l'esprit curieux, qui était hélas consterné, au fil de l'exposition, par la pesanteur grossière des compositions, la pauvreté expressive des visages, le dérisoire de l'inspiration, l'omniprésence des tableaux d'histoire moralisateurs. En bref l'ennui.

Détail d'un vitrail illustrant Gargantua de RabelaisIllustrateur au talent mièvre et fade, Merson fut un peintre sans grâce et un dessinateur sans finesse. Apprécié et honoré, il vécut des commandes de l'État, de l'Église et de la bourgeoisie, pour qui il réalisa des fresques, des vitraux, des billets de banque et des timbres poste.


Alors pourquoi «L'Étrange M. Merson» ?Une vision de L.O. Merson - Musée de Lille
Parce que s'il a toujours peint des anecdotes édifiantes, et dans un style académique et pompeux, il les a souvent illustrées par des scènes inédites, et inattendues. Témoin cette toile, «Une vision», où Jésus crucifié hésite entre un vague éclair au chocolat et une meringue opulente, pour finalement désigner la meringue.
Mais était-il nécessaire de déterrer Merson pour cela, et au même moment enterrer indéfiniment tous les chefs d'œuvre de la collection permanente du musée, aujourd'hui invisibles pour cause de réorganisation ?

dimanche 16 mars 2008

Les perles de l'Encyclopédie de M. Diderot

On l'aura noté, l'ambition de Ce Glob est Plat est résolument scientifique. Et existe-t-il chose plus scientifique que le 18ème siècle, le siècle des lumières, le siècle du retour de la raison après une éternité d'obscurantisme religieux et monarchique, le siècle de l'illustre Isaac Newton, alchimiste incompris, et prédicateur de l'apocalypse biblique exactement en 2060 ?

Or le 18ème siècle a érigé un phare à la raison et au progrès. C'est l'Encyclopédie de Monsieur Diderot. Et ce monument est accessible en texte intégral grâce aux universités de Nancy et de Chicago, agrémenté de nombreuses coquilles typographiques (1), avec les planches d'illustrations (2). Et chacun peut y faire les investigations les plus saugrenues, une fois compris le mode de recherche assez obscur.

L'édition de l'Encyclopédie, de 1751 à 1772, a traversé de nombreuses interdictions et censures. La qualité des articles s'en ressent, comme de la grande disparité des auteurs. Diderot, cité dans un article modéré et riche en liens de Wikipedia, en dit ceci «Parmi quelques hommes excellents, il y en eut de faibles, de médiocres & de tout à fait mauvais. De là cette bigarrure dans l’ouvrage où l’on trouve une sottise voisine d’une chose sublime, une page écrite avec pureté, jugement, raison, élégance au verso d’une page pauvre, mesquine, plate & misérable».
Parmi les hommes excellents, gens de lettres ou savants, il y eut d'Alembert, Daubenton, évidemment Diderot, Louis de Jaucourt, le baron d'Holbach. D'Holbach était peut-être le seul vrai matérialiste de l'Encyclopédie. Sa contribution sur la définition de concepts ou d'idées aurait été savoureuse, mais on ne lui confia que les articles de chimie, de minéralogie et de métallurgie. Cependant certains affirment que l'article virulent sur les prêtres serait de sa plume.

Et puis il y eut Rousseau, Jean-Jacques. Homme à idées, célèbre philosophe, on aurait pu lui confier des articles de «sociologie». On ne lui octroya que la totalité des articles sur la musique. Rousseau était en effet musicien. Son chef-d'œuvre, le devin de village, opéra apprécié du roi Louis 15, est une insipide suite de pièces sans invention, un long ennui musical où il ne se passe rien (3). Alors on ne s'étonnera pas de trouver parmi ses articles sur la musique des jugements bêtes et péremptoires (4), des règlements de comptes chauvins (5), des balivernes pseudo-scientifiques (6), et un fatras d'absurdités, de mythologies grecques et de sensiblerie immature, notamment dans le long chapitre sur les effets thérapeutiques de la musique (7).

On verra cependant (dans une future chronique de Ce Glob est PLat) que ces niaiseries ne sont rien comparées à certains articles des abbés Yvon, Morellet et Mallet.

***
(1) Une version intégrale corrigée est disponible ici, mais ses 26 pages sont lourdes et longues à charger (la page de la lettre C avoisine les 16 mégaoctets)
(2) Planches qu'il est plus agréable de consulter ici, malgré l'absence des pages de légendes. Les illustrations de cette chronique en sont extraites, sous la forme de détails découpés sur les planches CHIRURGIE27, CHIRURGIE20 et ANATOMIE12.
(3) Carnets de sol met l'œuvre à disposition en téléchargement.
(4) «Les fugues en général servent plus à faire du bruit qu'à produire de beaux chants» (article FUGUE)
(5) «Considérons les Italiens nos contemporains, dont la musique est la meilleure, ou plutôt la seule bonne de l'univers, au jugement unanime de tous les peuples, excepté des Français qui lui préfèrent la leur.» (article MUSIQUE)
(6) Article CONSONNANCE
(7) Chapitre EFFETS DE LA, dans MUSIQUE.


Mise à jour le 23.10.2017 : Un site d'une richesse ergonomique extraordinaire consacré à l'Encyclopédie vient de voir le jour. C'est l'ENCCRE, et c'est un plaisir de voleter au dessus de ces pages poussiéreuses et de se poser par instants sur un mot ou une image.