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jeudi 20 février 2025

Vaut le détour en 2025



Les musées où vous n’irez pas en 2025


Il y a bien longtemps que l’amateur de musées provinciaux*, devenu par force philosophe - ou peut-être l’était-il déjà, pour préférer les musées paisibles et inactuels - ne se formalise plus des déconvenues qu’il essuie régulièrement dans l’exercice de sa passion. 


* On aura regroupé dans cette expression de musées provinciaux ceux dont la vente des billets d’entrée ne produit qu’un revenu marginal, anecdotique, compte tenu du nombre modeste de visiteurs payants. On pourra ainsi trouver quelques musées provinciaux dans Paris même. Ce sont des musées dont la fréquentation est décente et la visite détendue, décontractée, pour tout dire, provinciale.


Soulagés de la pression des performances de fréquentation, ces musées peuvent administrer leur existence sans trop se soucier du visiteur, et c’est peut-être pour cela qu’on a toujours l’impression qu’ils ferment leurs portes pour de longues années de travaux précisément au moment où on espérait passer quelques jours dans leur région.

C’est évidemment un jugement biaisé. Tous les musées s’usent, et les plus fréquentés s’usent certainement le plus vite ; à Paris le musée d’Art Moderne de Beaubourg, qui enregistre plus de 3 millions de visites l’an, fermera cette année pour 6 ans, pour la deuxième fois en moins de 50 ans d’existence (et on sait que ces longs projets sont systématiquement sous-évalués, pour être approuvés plus facilement par les décideurs) ; On se rappellera également que le plus grand musée hollandais, le Rijksmuseum à Amsterdam, qui n’est pas un musée provincial, fut presque totalement fermé de 2003 à 2013. 


Les motifs de fermeture, évidemment légitimes, sont toujours les mêmes. Citons, pour résumer, les explications du musée de Toulouse, poncifs réutilisables partout sans copyright "De nouveaux travaux se sont avérés absolument nécessaires ces dernières années afin de résoudre des problèmes structurels, d'améliorer l'accessibilité du musée et de répondre aux normes récentes de sécurité et de protection incendie*. Ces chantiers successifs intègreront aussi des travaux pour répondre plus spécifiquement aux nouvelles attentes des publics en termes de confort, de parcours de visite, d'accès et de mise en valeur des collections."


* Un lectorat espiègle verra de l’ironie dans le motif répondre […] aux normes de protection incendie, qui sait que la plupart des incendies dans les monuments historiques surviennent justement pendant des travaux de réfection, comme en 2019, quand une défaillance électrique faillit être fatale à la cathédrale de Paris.  


Aussi, pour éviter en 2025 ces déceptions qui nuisent tant à l’égalité de l'humeur, il conviendra, si vous êtes avides d’art, d’histoire et de sciences naturelles, de préparer avec soin vos pérégrinations muséales. 


Voici quelques exemples de villes françaises à éviter, hélas, en 2025 :


Bayonne : le Musée des beaux-arts, musée Bonnat-Helleu, célèbre naguère pour ses collections de peintures et de dessins, est fermé depuis 2011 ! Et sa réouverture est prévue pour l’été 2025 ! Ne vous y précipitez pas, prenez des garanties avant de faire le voyage.


Beauvais : le Musée de l’Oise, MudO est ouvert. Mais depuis 2020 le beau palais Renaissance est fermé pour travaux sans date claire de réouverture, à l’exception d’une petite aile presque vide dont l’entrée est gratuite.


La Rochelle : le Musée des beaux-arts est fermé depuis 2018 - et rouvrira un jour "La rénovation du bâtiment devient alors un projet majeur avec de multiples enjeux, et sa réouverture dans les prochaines années n’en sera que plus spectaculaire. L’une des particularités du musée est son importante collection d’œuvres qui ne pouvaient être exposées qu’à 10%, faute de place. Gagner des mètres carrés est un des enjeux parmi d’autres de la future rénovation." Ne pas citer de date pour la réouverture est prudent. On lit parfois 2026…


Le Mans : le musée de Tessé, d’art et d’archéologie, est fermé depuis 2016 (à vérifier) ; des article du Journal des Arts et d’un journal local détaillaient en 2022 les bouleversements muséologiques planifiés par la mairie jusqu’en 2026 ; réorganisation inintelligible, articles incompréhensibles ; trouver des informations fiables sur les musées manceaux est une aventure en soi. Il est pourtant possible que le musée soit actuellement ouvert (peut-être même depuis 2024, quand on apprend qu'il ferme accidentellement) ; on est cependant rassurés d’apprendre sur le site que le musée ouvre presque tous les jours aux horaires habituels, mais l’année n’est pas précisée.


Nancy : le Musée lorrain, parmi les plus importants musées d’art et d’histoire en France, se proclame-t-il,  n’expose plus ses 5 exceptionnels tableaux de Georges de La Tour depuis le lancement de la rénovation du Palais des ducs de Lorraine, en 2018. Les polémiques patrimoniales et divers obstacles juridiques semblent dissipés depuis 2024 seulement, mais la date de réouverture en 2029, annoncée dès 2018, est maintenue malgré le temps perdu.


Sens : le Musée de Sens est fermé en 2025 et rouvre en 2026, dit un laconique message de vœux. Vous ne verrez donc pas avant 2026, au mieux, cette superbe vue, par Adolphe Guillon, de la colline de Vézelay en contrejour coiffée de sa célèbre basilique vers 1880 (illustration ci-dessus).


Valenciennes : la très belle et riche collection du Musée des beaux-arts était invisible en 2014 et 2015 pour des travaux de rénovation, puis à nouveau depuis 2021 (à quelques interruptions près) pour des travaux de rénovation encore plus nouveaux et monumentaux, en application de grandes méditations qu’on découvre dans le verbiage creux d’une jolie brochure diffusée par la mairie (lire le résumé page 17 suffit). L’objectif est d’accompagner l’entrée du musée - qui ne sera alors plus un musée mais un lieu de vie - dans le 21e siècle. Quelqu’un pourrait prévenir la municipalité que ce siècle est déjà bien entamé et qu’il s’agirait d’accélérer un peu le mouvement si on ne veut pas devoir en changer le numéro dans les publications.   


Toulouse : le Musée des Augustins, le grand musée des beaux-arts de Toulouse et de la région, est fermé pour travaux depuis 2018-2019. On constate, en lisant le programme des travaux de rénovation, qu’ils s’apparentent à la refonte conceptuelle du musée de Valenciennes, quand on rencontre au détour d’une phrase l’expression "Nouveau projet scientifique et culturel", qui est le titre mot pour mot de la brochure de Valenciennes. Formalisme imposé par le ministère de la Culture qui permet aux municipalités qui font semblant d’y croire d’obtenir des aides financières ? Peut-être. Là encore la réouverture annoncée fin 2025 n’est pas crédible. 


***


N’oubliez pas que cette liste n’est qu’un échantillon, et pensez en organisant vos flâneries, qu’une pratique courante des musées est de réorganiser des étages complets en oubliant de prévenir le client, qui a royalement droit une fois sur place à la visite d’un demi-château de Châteaudun, d’un tiers des peintures du musée de Dijon, d’une moitié moins intéressante du musée de l’Œuvre à Strasbourg et d’un demi-musée de Pau (expériences vécues ces dernières années).


Ça s’appelle la stratégie des tranches de travaux. Ce fut la méthode, de 2016 à 2021 et plus, du musée des beaux-arts d’Orléans qui a ainsi réorganisé les cimaises, refait les peintures (des murs), et ajouté de longs cartels bavards en petits caractères mal éclairés, au sol au pied des tableaux, le tout sans fermer ni faire baisser la fréquentation du musée (en l’occurrence d’un demi-musée), qui s’est maintenue autour des 200 visites par jour, dont 50 payantes, moyenne stable depuis 20 ans. 


Aussi, après avoir conseillé de vous détourner des villes dont le musée est fermé en 2025, cette chronique finira sur une note positive, un conseil de visite. Car cet agréable musée provincial des beaux-arts d’Orléans, dont la faible fréquentation est injuste*, expose quelques merveilles par Reni, Le Nain, Santerre, Van Loo et une incomparable série d’esquisses par Cogniet (comme cette Salle de billard du château de Boursault vers 1860, en illustration ci-dessous). 

Et surtout, allez-y exactement en 2025 : une refonte totale a été annoncée par sa directrice pour 2026 ou au pire 2027, avec la traditionnelle fermeture totale pendant 5 ans, environ.


Rappelons aux connaisseurs que c'est le seul musée à avoir jamais réuni dans la même pièce 
pendant plusieurs mois, en 2002, les 4 natures mortes de Lubin Baugin. 

 

Mise à jour le 25.03.2025 : Mauvaise nouvelle pour une grande ville bretonne, le musée de Brest qu'on pensait fermé pour quelques semaine en début d'année 2025 ne rouvrira finalement pas avant 2029 ou 2030, au mieux, pour se débarrasser des moisissures apparues déjà sur une vingtaine de tableaux et pour des travaux d'importance en cours d'estimation sur le bâtiment même. On accuse le changement climatique. 


Mise à jour le 10.04.2025 : pour compléter notre état des lieux, Étienne Dumont dans bilan.ch fait aujourd'hui sa synthèse d'un article très détaillé du Journal des Arts, paru le 18.03.2025, sur 41 musées français en travaux actuellement. 


Mise à jour le 22.06.2025 : Nancy, le maire vient d’annoncer que le projet d’extension du musée est finalement abandonné. Un nouveau plan, centré sur la restructuration du palais ducal actuel, bien moins ambitieux, devrait être défini d’ici la fin de l’année. La facture qui était devenue exorbitante serait révisée à la baisse, et le musée ne rouvrirait pas avant 2033



 

samedi 25 décembre 2021

« Petit pan de mur jaune »

À l’exception d’opérations de prestige, le financement des musées a depuis tant d’années disparu des préoccupations des pouvoirs que leurs administrateurs, désignés par les mêmes pouvoirs, s’épuisent à la recherche de moyens pour les maintenir à flot.
Symptôme de cet abandon, tous les dirigeants de la planète en chœur ont interdit l’accès des musées, même déserts, aux personnes non vaccinées contre le coronavirus, même porteuses d’une preuve de test négatif (comme c’est le cas en Suisse et bientôt en France) pendant que les foules, vaccinées ou non, s’entassent joyeusement dans les transports en commun sans le moindre laissez-passer.

Toutes les méthodes ont été expérimentées par ces gestionnaires désappointés, de l’interdiction de photographier dans leur musée, au circuit de visite obligeant le transit par la boutique de souvenirs, jusqu’à la médiatisation outrancière d’expositions misérables, parfois financées par des mécénats douteux.
On ne s’étonne donc plus de voir les responsables de musée les plus dynamiques se laisser abuser par n’importe quel truc soi-disant infaillible venu d’on ne sait où et censé améliorer la situation de leur établissement.

Une de ces idées miracles, qui commence à faire des ravages dans la présentation des œuvres et sur le confort des visiteurs, concerne les cartels, ces étiquettes explicatives traditionnellement placées près des objets exposés, si possible à hauteur des yeux.
Ces cartels ont tendance, depuis quelque temps, à tomber au sol, au pied de l’œuvre et aux pieds des visiteurs, sans l’aide de courants d’air, ni de la gravitation.

Le musée y gagne de la place sur les murs, et peut resserrer les tableaux et ainsi satisfaire une autre tendance moderne, illusion de transparence, qui est de montrer un maximum des réserves du musée. Surenchère louable quand elles recèlent des trésors (qui devraient plutôt être partagés avec les musées moins dotés), mais débauche vite épuisante quand les cimaises se couvrent de rogatons.

Et les plus zélés des conservateurs en profitent pour muer la petite étiquette discrète, qui situait brièvement l’artiste dans l’espace et le temps, en une véritable encyclopédie. On y retrouve alors toute l’histoire du tableau, du peintre, du musée et de la région, en petits caractères et en 500 mots. 

Ici encore l’exubérance est honorable, mais tous les désagréments en ont-ils été évalués ?

En effet après 45 ans, une large proportion de l’espèce humaine qui fréquente assidument les musées éprouve des difficultés à voir de près et corrige cette altération naturelle par des lunettes adaptées mais qui ne permettent plus de voir vers le bas des petits caractères trop éloignés. Pour lire les cartels au sol, il n’y a plus alors que la génuflexion ou l’accroupissement. 
Toute à l’admiration des cimaises à hauteur de ses yeux, la personne suivante, affectée probablement de la même pathologie, ne verra pas l’obstacle. Il en résultera une scène burlesque qui dérangera le silence recueilli des lieux, déclenchera peut-être l’alarme et alertera les gardiens qui soupçonneront des déprédations.



 
Et puisqu’il faut bien parler de rentabilité, on reproche encore souvent au touriste qui prend 30 secondes pour photographier un tableau de spolier l’esthète, qui attend après lui, d’un temps de contemplation jugé d’une valeur supérieure ; on s’impatiente également, derrière un touriste qui tripote nerveusement l’audioguide et stationne plusieurs minutes devant un tableau sans s’apercevoir que la voix nasillarde qu’il écoute distraitement ne commente pas la même œuvre ; alors que dira-t-on de l’amateur qui passera et repassera entre les visiteurs et les tableaux, et s’arrêtera bien 5 minutes devant chacun pour en lire consciencieusement le cartel ?

Dans l’exemple tout à fait réel de l'illustration ci-dessus, au musée des beaux-arts d’une ville moyenne du centre de la France dont tous les étages, après 5 ans de travaux, ont vu l’ensemble des cartels ainsi gonflés d’information et cloués au sol, l’amateur pointilleux du paragraphe précédent demandera plus d'une demi-heure pour lire les étiquettes et regarder les œuvres de ce coin de mur.
Ceci dit, ça n’est peut-être pas un problème dans un musée de province. Il étaient déjà peu fréquentés avant la crise sanitaire. 

Enfin passons vite sur les questions de lumière. Il faut bien éclairer les pieds des touristes qui passeront désormais une partie de leur visite à regarder leurs chaussures, et régler finement la chose pour que le faisceau lumineux n’y projette pas leur propre ombre et n’interfère pas trop avec l’éclairage destiné aux tableaux.

Comme dit le proverbe congolais, les bonnes idées ne sont pas toujours les meilleures
Peut-être verrons-nous parfois, au pied d'un tableau, dans une salle reculée d’un musée désert, quelque vieillard ratatiné qui n’aura pas pu se relever d’une génuflexion, à l’image de l’écrivain Bergotte venu mourir devant le petit pan de mur jaune d’un tableau de Vermeer, dans le roman de Marcel Proust.

samedi 2 janvier 2021

Histoire sans paroles (38)

Plus qu’une rumeur, un fantôme rôde toujours dans les rues de cette petite ville du centre de la France, qu’il aura fréquentée de son vivant. C’était Jean Calvin, grand penseur, qui non content d’être un des idéologues et ministres d’une religion dissidente, jouissait de compétences en astronomie certaines pour son époque, celle de Copernic, comme on peut le lire dans son commentaire du livre des Psaumes (93,1)  « Comment serait-il possible que la terre demeurât pendante en l’air, si elle n’était soutenue de la main de Dieu ? »
 

mardi 30 mai 2017

Gilles de Rais, sauveur d'Orléans

Chaque année autour du 8 mai, depuis plus de 580 ans et dans de somptueuses réjouissances qui réunissent le gratin de la politique et des autorités ecclésiastiques, la municipalité d’Orléans fête la libération au printemps 1429 de la ville alors assiégée par les troupes anglaises.
Ce sont les « Fêtes johanniques », parce que l’exploit est attribué à la mythique sainte Jeanne d’Arc, par le moyen de quelques miracles, notamment une opportune inversion soudaine du sens du vent.

En réalité, on constate en lisant les historiens qui relatent l’évènement, que ce sont Gilles de Rais et deux ou trois autres barons soudards, aidés de quelques centaines de mercenaires et d’un bon sens tactique, qui ont fait le travail.
Les initiatives guerrières de Jeanne, jugées peu réalistes ou inappropriées, furent semble-t-il rejetées par les militaires.
Mais Jeanne était à l’époque en tournée promotionnelle et montrait de vraies aptitudes publicitaires, et le mythe a préféré retenir la jeune fille vierge devenue sainte plutôt que le barbu balafré excommunié pour des motifs sordides. Ça fait tout de même plus convenable sur une affiche 4 par 3 en quadrichromie.

À l’époque, guerroyer se faisait à ses propres frais, et Gilles menait en plus une vie dispendieuse (il aurait flambé une fortune à Orléans entre 1434 et 1435). Il était en train de ruiner toute sa famille, et avait même repris par la ruse et les armes une propriété qu’il avait vendue. Tout cela lui avait attiré de concevables inimitiés et l’hostilité procédurière de sa famille.
Alors on lui reprocha ses écarts de moralité, qu’on avait jusqu’alors couverts, et il fut jugé pour les crimes d’apostasie hérétique, d’évocation des démons, de sodomie et égorgement de plus de cent-quarante enfants de l'un et de l'autre sexe. Ce qui n’est pas rien, même pour un maréchal de France.

Finalement Jeanne et Gilles ont été carbonisés sur un bucher, Jeanne asphyxiée puis brulée trois fois pour qu’il n’en reste rien, en 1431, et Gilles, d’abord pendu puis partiellement brulé, à sa demande pour qu’un peu de matière puisse être inhumée, en 1440. Jeanne a été réhabilitée, après 25 ans, pour corruption et fraude des principaux responsables du procès, qui étaient morts depuis.
Gilles n’a jamais été innocenté.
Cependant en mai, quand la ville d’Orléans pavoise rues, maisons et monuments, l’Évêché reconnaissant honore encore la mémoire de Gilles de Rais, bienfaiteur de la ville, meurtrier en série, pédophile et toujours excommunié, en le plaçant (flanqué d’un blason erroné) au cœur de la cathédrale et à la droite du Christ.  


Hommage à Gilles de Rais,
cathédrale d'Orléans, mai 2017.

dimanche 4 août 2013

mercredi 28 décembre 2011

Nuages (27)



« Au commencement, la réalité créa les cieux et la terre,
Ce qui fut fut, et ce qui ne fut pas ne fut pas,
L'obscurité enveloppa ce que la lumière n'enveloppa pas,

Et ce qui ne fut ni lumière ni obscurité fut Elle, la Licorne Rose...»

L'époque du solstice et ses nuits interminables a toujours été propice aux rêveries et aux croyances les plus irréfléchies. Rappelons qu'il ne nous reste maintenant plus qu'un solstice à vivre puisqu'au suivant nous mourrons, le vendredi 21 décembre 2012, à 11 heures 11 minutes et 37 secondes TU, exactement.

Pendant ce temps la Licorne Rose Invisible respecte ce qu'elle n'a jamais promis. Elle n'apparait pas dans les buissons d'aubépines ou au fond des grottes humides, ni sur les noyaux de pêche.

Elle se devine à peine dans la couleur des nuages.



mardi 13 septembre 2011

Il faut raison (d'État) garder

On s'en souvient, l'accident nucléaire de Tchernobyl, en avril 1986, n'a jamais atteint la France. Le bras armé du gouvernement dans la bataille contre les éléments était alors l'éminent et zélé professeur Pellerin. À la tête du Service de Protection Contre les Rayonnements Ionisants, il avait, comme tout fonctionnaire du nucléaire, prêté le serment du silence sur la pollution radioactive. Et il respectait sa parole. Tandis que les craintifs pays limitrophes exorcisaient leurs frayeurs en distribuant de l'iode et déconseillaient la consommation de certains produits frais, le bon professeur faisait le nécessaire pour que le nuage radioactif se détourne de notre territoire sacré.

Et depuis 25 ans, tel le mélancolique vengeur masqué de nos lectures d'enfant, il n'en avait jamais été vraiment remercié. Il était même poursuivi en justice pour tromperie aggravée par des malades vindicatifs qui lui reprochaient son silence sur la réalité des risques et lui attribuaient leurs cancers. 
Le 7 septembre dernier vient de marquer la fin de son calvaire. La cour d'appel de Paris a prononcé un non-lieu général sur toute l'affaire. Toute contradiction relève désormais de la diffamation. C'est le risque qu'encourt le malheureux A. Le P. par son triste témoignage du 8 septembre 2011 à 22h42 sur le site du Figaro.

Les couleurs chatoyantes de la centrale nucléaire de Dampierre, sur la Loire, à 50km d'Orléans. 
 
Voilà. La vérité est qu'il n'y a pas de lien entre la forte augmentation (admise) des cancers de la thyroïde dans l'est de la France et le célèbre nuage prétendument radioactif. La vérité est que les milliers d'êtres humains qui vivent encore dans la zone présumée irradiée de Fukushima ne doivent pas s'inquiéter, leur anxiété injustifiée n'est qu'une phobie que la psychiatrie apaisera. 

La vérité est que l'accident mortel d'hier sur le site nucléaire de Marcoule dans le Gard (l'explosion d'un four de traitement de déchets radioactifs), est en fin de compte un accident normal sans conséquence catastrophique, qui prouve que la gestion du nucléaire français est sous haute surveillance. C'est ce qu'affirment les organismes officiels et la presse unanimes

Au lent empoisonnement des corps s'ajoute l'intoxication des esprits. Comme dit un proverbe congolais « Quand éclate la vérité, mieux vaut ne pas se trouver sur sa trajectoire. »

dimanche 10 avril 2011

Un peu de physique théorique

À l'époque d'Alfred de Musset, des bluettes sentimentales et des énervements romantiques, les choses étaient claires : une porte devait être ouverte ou fermée. Dans notre monde moderne et hasardeux, celui de la mécanique quantique où tout est simultanément onde et particules, la théorie de Schrödinger sur la superposition des états de la matière et le principe d'incertitude d'Heisenberg ont apporté quelques nuances sur les états probables d'une porte.

mardi 11 janvier 2011

La vie des cimetières (34)

« Qui suis-je ? » Dit sa Majesté. « Ah! Vraiment! Je suis Baal-Zebub, prince de la Mouche. Je viens à l'instant de te tirer d'un cercueil en bois de rose incrusté d'ivoire. Tu étais bien curieusement embaumé, et étiqueté comme un effet de commerce. C'est Bélial qui t'a envoyé, Bélial, mon Inspecteur des Cimetières. »
Extrait de Le Duc de l'Omelette,
dans les
Derniers Contes d'Edgar Allan Poe.




Le grand cimetière d'Orléans est de ces vastes nécropoles ennuyeuses où jamais rien ne se passe. Pas de sépulture kitsch et outrancière, pas de monument aux morts emphatique et surchargé, seulement d'interminables allées uniformes et des morts, partout.
L'adjoint du Diable, l'inspecteur des cimetières, s'est retiré depuis longtemps et a laissé ici le véritable enfer. Pas un mouvement, pas une pensée, le froid définitif.

mercredi 13 août 2008

Gutenberg et la bombe atomique

Le Projet Gutenberg est un projet humanitaire. Son objectif est de mettre gratuitement à disposition sur Internet toute la littérature libérée des droits d'auteurs. Son catalogue est donc constitué de milliers de textes sans valeur économique, et généralement sans valeur littéraire non plus.
22 323 textes en anglais, 1207 en français, 1 en breton et quelques uns dans les autres langues.
N'y cherchez pas des livres qui auraient moins d'un siècle, mais si vos goûts pervertis vous attirent vers la mauvaise littérature farcie de clichés des 18 et 19ème siècles, n'hésitez pas à vous fournir chez Gutenberg. Vous connaîtrez la délicieuse impression d'entrer dans un vieux grenier poussiéreux et de fureter dans des malles pleines d'expressions surannées et d'imparfaits du subjonctif fossilisés (lisez par exemple, en apéritif, le prologue de «La tombe de fer» d'Henri Conscience). On avait oublié que cette époque avait existé. On est d'abord amusé, puis un peu effrayé par ce tableau de la littérature transmis aux générations à venir (1). On y trouvera un opuscule sur les ordres de chevalerie serbes en 1902, une étude très scientifique d'Émile Hureau en 1920 sur la transmission de pensée, un livre sur les procès contre les animaux de 1858, suivi de Peines, tortures et supplices de 1868, un manuel complet des «fabricans» de chapeaux en tous genres, une lettre de Daguerre à Arago en 1844 sur la manière de préparer la couche sensible des plaques photographiques, une quantité d'ouvrages de Georges Sand ou d'Émile Zola, et l'irremplaçable Bulletin de Lille publié sous le contrôle de la Kommandantur de Lille, en 1916.

Soyons juste, on y dénichera aussi quelques rares merveilles (2).
Et puis c'est malgré tout une véritable action humanitaire que de rendre le patrimoine de l'humanité à l'humanité (enfin, à celle qui a accès à un ordinateur avec une connexion Internet). Et aujourd'hui, à l'heure où une grande majorité de cette même humanité exalte ses instincts préhistoriques grégaires en applaudissant le spectacle d'une dictature qui a soumis des millions d'êtres humains par la crainte, il n'est pas inutile de rendre hommage à un vrai projet philanthropique.

Présentons donc une très récente publication du projet Gutenberg, en anglais hélas, mais d'un anglais simple et technique THE ATOMIC BOMBINGS OF HIROSHIMA AND NAGASAKI by The Manhattan Engineer District, June 29, 1946.

Monument aux morts, Orléans, parc Pasteur.
Si un lecteur érudit connaissait le nom du sculpteur...

Il s'agit d'un rapport d'expertise de l'armée américaine, assez court (3), décrivant scrupuleusement les effets des deux bombes atomiques larguées les 6 et 9 août 1945 sur le peuple japonais. C'est un plaisir d'y trouver cette rigueur détachée de tout sentimentalisme qu'on attend de militaires bien éduqués ; les effets destructeurs sur chaque ville sont soigneusement décrits et comparés ; le livre foisonne de chiffres, de poids, de distances, de températures et de longueurs d'onde. Mais un esprit rêveur sera également enchanté par quelques images d'une poésie spontanée.

Dans son introduction, l'auteur qualifie la bombe de «plus grand accomplissement scientifique de l'histoire (4)» et décompte «plus de 10 kilomètres carrés de la ville furent instantanément détruits et totalement dévastés, 66000 humains tués, et 69000 blessés.» Le décor est planté. Nous ne conterons pas ici l'intrigue, d'autant que tout le monde en connaît déjà la fin. Nous ne parlerons pas non plus des détails morbides comptabilisés avec soin, fièvres, brûlures, épilations, lésions, vomissements, diarrhées et hémorragies diverses. Nous nous contenterons d'illustrer quelques thèmes par des citations appropriées, pour allécher le lecteur.

La prévoyance et le sens de l'organisation «La première cible devait être relativement intacte de précédents bombardements de manière à déterminer sans équivoque les effets d'une bombe atomique». Il est aussi expliqué, dans le même esprit, que le choix a porté sur des villes construites essentiellement dans des matériaux susceptibles de produire le plus de dommages possibles par la violence du souffle et de l'incendie. (5)
La satisfaction du travail bien fait «Les bombes ont été placées de telle façon qu'il n'y avait pas d'autre emplacement plus destructeur» ou encore «en dépit de son importance extrême, le bombardement sur Hiroshima a été presque une routine.» (6)
Un suspense inattendu «Mais le sort était contre nous, car la cible était totalement masquée par la fumée et le brouillard (7)». En effet pour la seconde bombe la cible n'était pas Nagasaki. Mais la cible originale (8) était par malchance invisible. Nagasaki était la cible de secours.
Un peu de poésie lyrique «Les armatures d'acier des bâtiments étaient courbées comme par la main d'un géant... Les collines alentour étaient brûlées, ce qui leur donnait une apparence automnale (9
Une anecdote saugrenue, mais scientifique «Une caractéristique intéressante de la radiation de chaleur était le degré de brûlure des tissus en fonction de leur couleur ... une chemise rayée de bandes alternées claires et sombres avait les rayures sombres carbonisées alors que les claires restaient intactes. (10

Comme on le voit, si le projet Gutenberg ne publie pas tellement de bonne littérature, ça ne l'empêche pas de remplir avec une certaine fantaisie sa mission humanitaire.

***

(1) 70 000 livres sont téléchargés chaque jour.
(2) Le théâtre d'Aristophane, Les Caractères de La Bruyère, Don Quichotte de Cervantès, beaucoup de Shakespeare, Le neveu de Rameau de Diderot, De l'origine des espèces de Darwin, Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche, Les possédés de Dostoïevski, Le comte de Monte-Cristo de Dumas, les contes d'Edgar Poe, les chants de maldoror de Lautréamont, quelques livres de poésies de Verlaine, les deux premiers tiers de la recherche du temps perdu de Proust, Ubu roi de Jarry, Locus solus de Roussel, et quelques autres. Notons que les livres qui n'existent qu'en format texte (.TXT) demanderont un travail de mise en page pour devenir agréables à lire.

(3) 24 000 mots, dont 6 000 constitués par le témoignage dramatique d'un père catholique allemand qui a vécu l'événement.
(4) «greatest scientific achievement in history»
(5) «The first target should be relatively untouched by previous bombing, in order that the effect of a single atomic bomb could be determined», «the targets should contain a large percentage of closely-built frame buildings and other construction that would be most susceptible to damage by blast and fire»
(6) «The bombs were placed in such positions that they could not have done more damage from any alternative bursting point in either city», «Despite its extreme importance, the first bombing mission on Hiroshima had been almost routine»
(7) «But fate was against us, for the target was completely obscured by smoke and haze.»
(8) La première cible n'est pas citée dans le rapport. On apprendra dans un passionnant article modéré de Wikipedia que cette ville sauvée par les intempéries, était Kokura.
(9) «The steel frames ... were pushed away, as by a giant hand», « from the point of detonation ... The hillsides ... were scorched, giving them an autumnal appearance»
(10) «One more interesting feature connected with heat radiation was the charring of fabric to different degrees depending upon the color of the fabric ... a shirt of alternate light and dark gray stripes ... had the dark stripes completely burned out but the light stripes were undamaged»

dimanche 29 juin 2008

Une soirée de jazz frit

Le festival de Jazz d'Orléans avait invité le 26 juin un des fondateurs du Free Jazz il y a bientôt 50 ans, Archie Shepp. La soirée fut très sage. Shepp joua et chanta essentiellement des blues ponctués comme habituellement de ces cris enroués qu'il déchire de son saxophone ténor. Et c'était assez beau. Comme d'habitude également dans cette grande fête provinciale de la musique libre et en plein air, toute photographie était prohibée.

samedi 5 janvier 2008

La gargouille qui pleure

La silhouette de la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans est, comme celle de Notre-Dame de Paris, balourde et sans grâce. C'est le sort des édifices constamment reconstruits. Mais, comme sur la cathédrale parisienne, le regard qui vagabonde y découvre néanmoins nombre de personnages chimériques, de grotesques et de gargouilles sculptés probablement au 19ème siècle, comme ce squelette qui pleure par ses orbites vides lorsque la pluie ruisselle sur les flancs de la cathédrale.

samedi 7 juillet 2007

Le dinosaure, l'étourneau et le charognard

Pour ne pas déranger le bourgeois local amorphe qui ne digère que le «Lac des cygnes», le très municipal 17ème festival de jazz d'Orléans s'est achevé samedi 30 juin par un moment d'académisme.
Le compositeur et arrangeur du Vienna Art Orchestra, qui faisait modestement projeter à chaque morceau son nom et ses fonctions sur un écran géant, nous a gratifiés de son imagination la plus routinière, heureusement démocratiquement ponctuée par une permission de sortie de chacun des 14 solistes de l'orchestre. Et là, certains se sont allègrement déboutonnés, témoin le solo de clarinette de Nico Gori, flamboyante envolée sur fond de musique sans inspiration exécutée avec minutie.

On peut voir sur ce cliché le Vienna Art Orchestra au complet. Enfin on aurait pu voir. La milice zélée et servile de l'organisateur interdisait aux non accrédités de prendre des photos des artistes, au prétexte, tarte à la crème du droit de l'image, qu'ils ne voudraient pas voir leur image sur internet sans la contrôler (lisez "sans rémunérer les charognards qui les entourent").

La soirée avait pourtant débuté par une première partie plutôt fantaisiste. Le festival avait invité le nonet (9 musiciens) du saxophoniste alto Lee Konitz. Lee Konitz est un dinosaure du jazz. En feuilletant sa discographie sans fin, on voit défiler une procession de légendes, pour la plupart refroidies : Warne marsh, Miles Davis, jerry Mulligan, Mingus, Shelly Manne, Zoot Sims, Gil Evans, Art pepper, Lennie Tristano... C'est dire son âge.
Cependant on entend toujours le son délicat et un peu voilé qu'il avait il y a 50 ans. Quand on l'entend. Parce qu'une bande d'étourneaux narquois avait décidé de l'accompagner avec fracas. Au début, il arrêtait de jouer et les regardait passer d'un air enfantin, mais quand, aux premières notes d'un solo, ils firent deux passages rapprochés retentissants, Lee vexé s'interrompit, laissant le percussionniste dans l'embarras, et finit le concert perdu dans le nonet.


Dans l'esprit du droit de l'image, je me suis efforcé de faire qu'on ne puisse reconnaître les membres du nonet (reconnaître n'étant pas le mot juste puisqu'ils sont parfaitement inconnus). Mais je n'ai pas pu me résigner à masquer Lee Konitz.
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Le concert du 30 juin sera diffusé sur France Musique, ce soir 7.07.2007 à 23h pour le VAO, et le 3.09.2007 à 22h pour Lee Konitz.