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samedi 21 octobre 2023

Et où était le peintre ?

Fischer L.H., Le Taj Mahal au couchant c.1890, 94cm., marché de l'art

Ce tableau aurait pu illustrer plusieurs des chroniques irrégulières de Ce Glob, comme "Ce monde est disparu", puisqu’il doit disparaitre en vente publique le 24 octobre à partir de 18h, chez Dorotheum à Vienne, sous le numéro 67. Il représente un mausolée funéraire et pourrait aussi illustrer la "Vie des cimetières". 
Il ira dans la catégorie "Où était le peintre ?", trop peu fréquentée.

Le peintre, graveur parmi nombre d’autres activités et connu pour ses aquarelles de paysages et d’architecture, délicates et conventionnelles, s’appelait Ludwig Hans Fischer. 
Né en Autriche, Fischer est étiqueté à raison orientaliste, pour avoir illustré ses nombreux voyages autour de la Méditerranée. Mais il voyagea aussi de la Norvège à l'Inde. Il se laissait parfois aller à une inspiration lyrique, mais avec retenue, comme dans cette tempête de sable du désert, le Khamsîn, peinte en 1891 (vente Christie’s 2020), dans cette vue des célèbres falaises de l’ile de Møn au Danemark (Møns Klint), ou cette superbe vue du Taj Mahal donc, au soleil couchant.

Reconnaissons qu’il n’est pas trop difficile de faire un beau tableau quand on y colle la silhouette du Taj Mahal. On l’a écrit ici-même, l’espèce humaine ne serait qu’une grossière bévue de l’évolution s’il n’y avait eu Georges de La Tour, Jean-Sébastien Bach, et le Taj Mahal (ou Vermeer, Mozart et la cathédrale d’Orvieto, à la limite).

À Agra, Fischer a choisi un point de vue original et peu fréquenté sur le monument. 
Pour y accéder de nos jours il faut prendre le chemin à partir de l’entrée Est du Taj jusqu’à l’Aga Khan Ki Haveli, maison de maitre d’un officiel au moment de la construction du Taj, aujourd’hui délabrée. 
Là, l’entrée est interdite, par sécurité et parce que le domaine est protégé depuis 2018, mais les amateurs d’exploration urbaine vous montreront les chemins dérobés. Si le portail est fermé ou gardé, il sera peut-être nécessaire de longer sur 50 mètres ce qui ressemble à une sortie d’égout qui "alimente" la Yamuna, la rivière sacrée qui longe le Taj - en réalité la voie royale des eaux usées et des pires infections de la capitale située en amont, Delhi (*) - mais la récompense mérite le détour : un point de vue rare sur le mausolée, de la plateforme d’un kiosque en rotonde où poser son chevalet.

En réalité Fischer ne s’y est pas arrêté, il a continué en longeant la berge vers l’est pour s’installer 50 mètres plus loin, sur une terrasse un peu surélevée. Le soleil se couchait derrière le Taj, c’était l’hiver 1889-1890 en fin d’après-midi (en été le soleil se couche beaucoup plus au nord, sur la droite derrière la Yamuna). Le kiosque est au premier plan en contrejour. 

Fischer n’a certainement pas peint le tableau à l’huile sur place. Il mesure presque un mètre de large, et les détails ont été ajoutés sur un fond déjà sec. Il a plus probablement fait des aquarelles, technique rapide et précise pour noter les couleurs et les ambiances, peu encombrante en voyage, peut-être des photographies pour les détails, et réalisé le tableau en atelier, de retour d’Inde.

D’autant qu’il existe au moins un autre tableau similaire de Fischer (illustration ci-dessous), encore plus grand (1,20m), vendu par Christie’s en 2008, du même point de vue, légèrement plus éloigné à l'est. La brume s’est levée, le mausolée est éclairé cette fois par la lumière du matin. Les fleurs du premier plan ne doivent pas tromper, le climat d’Agra est doux en hiver et il ne gèle jamais.

(*) L’encyclopédie Wikipedia est sujette à une curieuse dissonance cognitive sur l’environnement du Taj Mahal. La version anglaise de l’article sur Agra fait état des conditions abominables de l’eau et de l'air, de la rivière, et des graves conséquences sur les fondations et le marbre du Taj, quand le même article, dans sa version française, est réduit aux amabilités d'un dépliant fourni par l’office du tourisme.

Fischer L.H., Le Taj Mahal le matin c.1890, 120cm., coll. privée (?)

Mise à jour le 4.11.2023 : le tableau a été remporté par une enchère raisonnable de 29 000$, 2 fois l'estimation basse.

samedi 11 février 2023

Autoportraits… et oreillers

On accuse bien vite de narcissisme les peintres qui se sont abandonnés sans retenue à l’autoportrait, Rembrandt, Schiele, Van Gogh, Spilliaert, Dürer… C’est parce qu’on ne tient pas suffisamment compte des conditions de réalisation des œuvres. On nous fait croire que l’artiste reçoit l’inspiration d’un mystérieux souffle intérieur, ou divin. En réalité ce sont principalement les circonstances extérieures, les aléas de leur bonne ou mauvaise fortune qui les déterminent. Le peintre qui souhaite se confronter aux subtilités de l’art du portrait mais n’a pas les moyens de payer des modèles, a toujours sous la main, justement, un modèle disponible, obéissant et gratuit : lui-même.

Illustrons le rôle prépondérant des contingences dans la création artistique par cet exemple célèbre de "l’autoportrait aux oreillers" d’Albrecht Dürer, dessin à la plume recto verso jalousement conservé par le Metropolitan museum of art de New York. 

Vous objecterez que parmi les peintres nommés plus haut Dürer n’est pas le meilleur des exemples. Riche et d’une famille fortunée, ce n’est pas le manque de modèles qui le poussait à se peindre lui-même, parfois déguisé en prophète, toujours embelli, mais la haute idée qu’il se faisait de sa personne, de ses talents et de la source de sa fortune (il aurait été le premier à intenter à Venise un procès contre le plagiat de ses gravures, quand elles avaient un énorme succès dans toute l’Europe et l’avaient beaucoup enrichi. En cela il était effectivement prophète). 

Mais notre exemple reste valable si la date de 1493 manuscrite en haut du verso est à peu près exacte (le monogramme AD, sur le recto, serait d’une autre encre que le dessin et certains experts le datent en réalité de 91 ou 92). Dürer, âgé de 20 à 22 ans, recommandé par son orfèvre de père, voyageait alors en Europe centrale pour parfaire sa formation, et rencontrait peintres, graveurs et imprimeurs importants.

Ainsi, à l’examen de la séquence des dessins sur cette feuille de jeunesse, pourrait-on imaginer les conditions probables de sa réalisation.
Albrecht s’ennuie dans la chambre d’auberge ou de l’éditeur qui l’héberge. Il a le temps de s'exercer avant le repas. Il prépare un godet d’encre et quelques plumes.
La lumière est à gauche, devant lui, posé sur la table un peu à gauche, un miroir. Il dessine d’abord en quelques traits rapides son visage qu’il a déjà représenté maintes fois. Sans doute lui a-t-on déjà commandé le traditionnel autoportrait destiné à la riche héritière qu’il épousera dès son retour. Il envisage de se montrer tenant un symbolique pied de chardon (ce sera l’autoportrait au chardon de 1493 aujourd’hui au Louvre). Il repousse le miroir inutile, et place à hauteur des yeux sa main gauche dont les doigts simulent la tenue du chardon. Il s’applique. 
La maitresse de maison, ou l’aubergiste, tarde à l'appeler pour le souper. Il reste de la place sur la feuille, et rien de passionnant à dessiner dans cette chambre austère. À droite, sur le lit défait par une sieste, quelques coussins ou oreillers fripés feront l’affaire. Et Albrecht se prend au plaisir de maitriser ces jeux de plis et de replis.
Après le souper il retournera la feuille et la remplira d’oreillers alignés qu’il aura soigneusement froissés. L’encre à peine sèche il s’endormira satisfait.

Ce qu’on lit sur les intentions de l’artiste, sur les profonds concepts qu’incarneraient ces dessins d’oreillers entre réalité et rêve, étrange et imaginaire, visages déformés et cornes de satyre, n'est qu'élucubrations, balivernes, et n’a pas plus de valeur que les 18,84 euros (16,01 dès le deuxième acheté) de cette mise en abyme commerciale imprimée sur un coussin.

dimanche 8 janvier 2023

Et rien de Rome en Rome n’aperçois (1 de 2)

Friedrich Loos, Panorama de la Rome antique, 1850, détail de la vue n°2.

Friedrich Loos, peintre paysagiste et scrupuleux né en Autriche en 1797, était très apprécié de son temps, au moins jusqu’à ses 60 ans, puis démodé, mais peignant et gravant encore après 90 ans. 

De 1846 à 1852 il faisait l’inévitable voyage en Italie auquel était tenu tout artiste plus ou moins fortuné du 17ème au 19ème siècle : Trieste, Venise, Florence, Rome, Naples, Capri, Rome, Gênes, et enfin le lac Majeur.

Lors de son second séjour à Rome, de fin 1849 à fin 1851, il réalisait un panorama de 180 degrés de la Rome moderne, des terrasses de la villa Mellini (devenue Observatoire astronomique de Rome) sur le Monte Mario , en 5 tableaux qu’on dit actuellement à l’ambassade d’Allemagne au Vatican mais dont on ne trouve pas trace sur internet. 
Et il peignait surtout durant ces deux années un monumental panorama de 360 degrés en 5 tableaux sur 5,33 mètres, de la Rome antique cette fois. Il s’était installé, pour les dessins préparatoires et les esquisses, sur la terrasse de la villa Mattei (villa Celimontana depuis, et siège de la Société italienne de Géographie), sur le Monte Celio, 7 km au sud-ouest de la villa Mellini, sur l'autre rive du Tibre.   

Ces 5 tableaux, à présent dans la collection de l’Alte Nationalgalerie de Berlin, ne sont qu'épisodiquement exposés. On trouve cependant d’assez bonnes reproductions téléchargeables sur le site du musée, et surtout de plus précises, grandeur nature, sur Gallerix, ce singulier site russe dont on vous débroussaillait jadis le mode d’emploi (les liens vers les 5 tableaux sont en fin de chronique).


F. Loos, Panorama de la Rome antique en 1850. Voir le commentaire qui suit.
 
En cliquant sur la longue vignette ci-dessus vous ouvrirez (l’affichage peut être un peu long) une image que vous pourrez télécharger de 22 867 pixels par 2 717 et 11 Mégaoctets reconstituant à peu près en taille réelle le panorama tel qu’exposé par Loos à Rome en 1852 (la vue 1 est répétée à droite pour visualiser la boucle fermée du panorama). Il ne le vendit pas alors. Il en demandait sans doute un montant justifié par l’ampleur de l’ouvrage.

Prenez le temps d’en découvrir les détails, d'en déduire la saison, l'heure, les activités humaines, peut-être les monuments. Dans la prochaine chronique nous orienterons les vues sur le plan de Rome et tenterons de faire un peu de topographie des lieux, et de repérer ce que le temps (en réalité l’humain) en a fait en 170 ans. 

 Liens vers les reproductions de chaque tableau séparément, sur le site de la Nationalgalerie (NG) et sur le site Gallerix (GX) dans l’ordre panoramique, de gauche à droite : 
1.NG - 1.GX - 2.NG - 2.GX - 3.NG - 3.GX - 4.NG - 4.GX - 5.NG - 5.GX.


dimanche 18 octobre 2020

La vie des cimetières (97)

Les cimetières irlandais vus de la rue, 3ème partie (de 3)
Arbres et saisons

Ifs, pins, thuyas, cyprès, cèdres, évoquent peut-être la persistance de la mémoire, ou tout autre valeur de permanence bien venue dans un cimetière, en tout cas leurs silhouettes majestueuses font toujours très décoratif, en toute saison, sur une lande un peu désolée, notamment quand l’âge leur a donné la forme d’immenses brocolis exotiques.
 

Difficile de trouver plus typique que le vieux cimetière de Tullybuck, pas tout à fait abandonné, au cœur du pays. (Copyright Google Maps)

Le cimetière de Kilbannivane à Castleisland. On prévient le visiteur que le sol est accidenté et que les objets de valeur laissés dans les voitures en stationnement devraient être soigneusement dissimulés. À propos de brocolis géants, s’il y a un botaniste dans la salle, quels sont ces arbres ? des cyprès ? (Copyright Google Maps)

Ahenny, autre vieux cimetière pittoresque, avec, en bonus, deux antiques hautes croix celtiques superbement ouvragées. (Copyright Google Maps)

Un cimetière généreusement arboré, agrémenté de quelques croix celtiques, même orné d’une ruine murée et placardée d’avertissements, fait tout de suite plus animé, comme ici le vieux cimetière de Glencullen. (Copyright Google Maps)

Il a bien fallu, en 10 ans, 3 ou 4 passages de Google Street view au long du cimetière d’Aghadoe, aux portes du  parc national de Killarney, pour noter que la cathédrale en ruine, réduite à quelques pans de mur sans toiture, était « fermée temporairement ». (Copyright Google Maps)

Il y a des cimetières où on aimerait enterrer une âme sœur, pour s'y rendre souvent en pèlerinage, en toute saison. Google Street view le sait, qui y retourne régulièrement, comme à Kildownet (ou Kildavnet), en 2009, 2011 au printemps et 2019 en automne. Ne manquez pas, sur la route du détroit (vous êtes sur Achill island), à 200 mètres vers le sud, la tour solitaire du clan O’Malley. (Copyright Google Maps)

Au style typique des films de genre, mais pimpant au printemps (ici en juin 2011), le vieux cimetière de Glenties est certainement à découvrir par une nuit de pleine lune. Spacieux et bien agencé, il permet de nombreux angles télégéniques. Une petite échelle de 3 marches près du pilier d’entrée à gauche évite l’escalade du mur si la grille est fermée. (Copyright Google Maps)

Record mérité, Google Street view est passé 7 fois en 10 ans par le cimetière de Drumcliffe, le Drumcliffe du nord, le plus célèbre, où est enterré le grand poète et prix Nobel irlandais, W.B. Yeats, avec son parking dédié et sa cafeteria. 
En réalité - ne le dites pas aux touristes - s’il y a des restes humains dans sa tombe, ce ne sont pas ceux de Yeats, ou alors, par un pur hasard, un ou deux extraits, pas plus. Enterré un peu négligemment en 1939 à Roquebrune en France, dans une fosse commune, il a fallu en inventer les morceaux au moment de son rapatriement en 1948…   
Néanmoins on notera à l’horizon, le plateau enneigé en haut des falaises de la magnifique montagne Ben Bulben. (Copyright Google Maps)


Enfin, on ne pouvait pas terminer cette tournée des cimetières irlandais sans tenter d’y entrer. Or Google a visité en détail le très populaire Glasnevin cemetary de Dublin. On peut le survoler en 3 dimensions, et en parcourir les principales allées. On dit que c’est un « véritable musée en plein air » comme le Père-Lachaise à Paris, ou le cimetière monumental de Milan. N’exagérons pas, la statuaire visible y semble remarquablement fade et mièvre.  

 

mercredi 7 octobre 2020

La vie des cimetières (96)

Les cimetières irlandais vus de la rue, 2ème partie (de 3) 
Églises et embruns

Tout cimetière irlandais convenable devrait entourer une église. Mais la considération pour la religion semble moins durable que le respect pour les défunts. On trouvera donc beaucoup d’églises en ruine, ou en bonne voie, environnées de sépultures fraiches et fleuries. Parfois l’ensemble sera situé en bord de lac ou de mer. Plaisance, détente, repos.
 

Lough Gur graveyard, le cimetière irlandais idéal, du gris et du vert au bord d’un lac, dans un site immémorial, touristique et mégalithique, accessible par une voie goudronnée. Que demander de plus ? (Copyright Google Maps)

Un autre cimetière bien sympathique, celui de Kilronan, dans un site magnifique, au bord du Lough Meelagh, lac poissonneux, qui fait cohabiter avec bonheur tombes récentes et ruine romantique, et équipé d’un petit parking fort pratique. (Copyright Google Maps)

Cimetière d’Ahamlish. En 2010 l’accès à l’église était muré et déconseillé, aussi bien que la décharge de détritus, punissable d’une amende de 3000 euros. (Copyright Google Maps)

Le cimetière d’Aughaval est très vaste, la partie en ruine ne constituant que le nord que longe la route R335. Vers le sud, le cimetière devient plus vivant, si l’on peut dire. Les chiens y sont interdits, sous peine d’une amende de 150 euros, à l’exception des chiens errants, qui sont insolvables. (Copyright Google Maps)

Cimetière Saint Canice à Eglinton. L’endroit, près de Londonderry en Irlande du nord, semble très fréquenté, Google Street view y est passé 6 fois (ici en avril 2011). L’église, très soignée, n’est pas du tout en ruine, mais on pressent comme une ombre sournoise… (Copyright Google Maps)

Dans la banlieue de Dublin, à deux pas de la plage, du port de plaisance, du golf et d'un centre de loisirs, sur la presqu’ile d’Howth, le cimetière de l'abbaye Sainte Mary est vanté par tous les guides touristiques. (Copyright Google Maps)

Le cimetière de Cloughor vaut évidemment par sa situation en face d’une grande plage abritée du vent atlantique, au sud de l’ile d’Arranmore, au nord de l’Irlande. L’ile, vaste mais qui se dépeuple rapidement, a récemment supplié Australiens et Américains de venir s’y installer. Pour mémoire, les locataires du cimetière ne sont pas comptés dans les statistiques de population. (Copyright Google Maps)

Le vieux cimetière d’Inver entoure une église en ruine difficilement accessible. La notice du site de généalogie du comté de Donegal dit qu'il a été fondé après 1460 et abandonné vers 1900 (pourtant il présente des photos de tombes récentes). Il précise que le sol en est accidenté et les noms effacés par les quantités de sable apportées par le vent. (Copyright Google Maps)

À suivre... 

 

vendredi 25 septembre 2020

La vie des cimetières (95)

Débute aujourd'hui, après l'Angleterre, une deuxième série des « cimetières vus de la rue », observés par Google Street view, cette fois dans la campagne irlandaise (dans les grandes villes, sauf exception comme ici à Dublin, les tombes sont le plus souvent cachées par de hauts murs).

Vous n'y verrez que des cimetières pittoresques, parfois abandonnés, souvent autour d’un édifice délabré. L’Irlande semble mettre un certain soin à les entretenir à l’état de ruine romantique, ou de décor de films de série à bon marché, ceux avec des zombies.

Chaque image sera suivie d’un lien vers la promenade virtuelle en trois dimensions du site de Google. Les dénominations des sites ne seront pas toujours exactes, en l'absence d'information c’est parfois le nom du hameau ou lieu-dit le plus proche.

Nonobstant plusieurs épisodes à venir, le sujet ne sera qu’effleuré. Il a fallu en écarter beaucoup pour ne pas ennuyer trop longtemps le lecteur et il en restera quantité à découvrir sur internet (en cherchant « cemetery, graveyard, ou burial ground » à différents niveaux de la cartographie), sans compter nombre de cimetières inaccessibles par la route, mais pourtant encore « actifs ».  

Bonne promenade. Et n’oubliez pas, une fois « sur place », de vérifier la présence de la petite horloge en haut à gauche. Si elle s’affiche, vous pourrez vous déplacer dans le temps (relativisons, dans le passé uniquement - Einstein nous surveille).

Les cimetières irlandais vus de la rue, Partie 1 (de 3)
l’intégration du cimetière dans le paysage irlandais
 

Addergoole cemetery, panoramique de 6000 pixels, le ciel est de 2009, les vaches de 2019 (Copyright Google Maps)

Glenndalough, Cimetière romantique très populaire, dans les montagnes de Wicklow au sud de Dublin. Google a même envoyé un reporteur pédestre le visiter. (Copyright Google Maps)

Rock of Cashel, comme Glenndalough, est un haut lieu historique et touristique, dans un site majestueux. Google a fait le tour à pied du vaste cimetière où les tombes ne se bousculent pas. (Copyright Google Maps)

Drumcliffe, beau et vaste cimetière dont on pourrait imaginer, vu d'avion, qu'il héberge tous les Irlandais passés. Ne pas le confondre avec l'autre Drumcliffe cemetery, à Sligo, 200 km au nord, plus modeste mais qui héberge le poète W.B. Yeats, vénéré par les irlandais dit-on. (Copyright Google Maps)

Castlequin, beau cimetière de plain-pied, fonctionnel, avec vue imprenable. (Copyright Google Maps)

Kill Mountain, cimetière perdu sur une ile du Connemara couverte d'une lande peuplée de cailloux. (Copyright Google Maps)

Kinard burial grounds, il faut quelquefois envisager l'avenir avec optimisme. (Copyright Google Maps)

Mooncoin old cemetery. Ne jugez pas, il y a un joli cimetière aéré et bien entretenu plus haut, en centre ville face à l'église. Il ne reste peut-être ici que des inconnus. (Copyright Google Maps)

Templecarne graveyard. Ses habitants se seraient installés ici entre les années 1600 et 1900. (Copyright Google Maps)

Cimetière Saint Colman sur l'ile d'Inishbofin, dans l'Océan Atlantique nord, à 10 ou 15 kilomètres de la côte irlandaise. Des tombes qui disparaissent dans le sol, recouvertes par la couche des suivantes, un étang, des ruines, la mer, les vacances. (Copyright Google Maps)


À suivre... 

 

mercredi 3 avril 2019

La vie des cimetières (85)


Pierre de Castillon vicomte d’Aubeterre, de retour d’une croisière à Jérusalem d’où il rapportait quelques blessures sarrasines et des bouts de bois ouvragés, avait été très impressionné par le tombeau du prophète des chrétiens, et par les églises creusées dans les rochers de Cappadoce.
Aussi, pour mettre à profit le prestige de ce voyage martial en Terre sainte, il proposa aux moines bénédictins d’agrandir deux églises souterraines de sa seigneurie, à Saint-Émilion et à Aubeterre, en Aquitaine, pour y exposer ses souvenirs de vacances comme saintes reliques et ainsi attirer le flot généreux des pèlerins de Compostelle.

Certains disent que c’est une légende, qu’il n’y a pas trace des reliques, ni du vicomte, qui est peut-être mort en orient. Pourtant les deux églises ont été réellement embellies au début du 12ème siècle, peu après la première croisade.

L’église d’Aubeterre-sur-Dronne, dont l’Encyclopédie dit qu’elle est une des plus grandes églises souterraines monolithes soustractives de France (creusées à l’intérieur de la montagne calcaire), est réellement monumentale. On en est impressionné comme dans une cathédrale, ou un film de Steven Spielberg.

Une galerie qu’on atteint par un escalier qui s’élève à une quinzaine de mètres, surplombe un imposante nef au bout de laquelle trône un grand monument monolithique ouvragé dans un style roman, qui aurait servi de reliquaire. Et puis 170 tombes ou sarcophages dispersés, creusés dans la pierre, car l’église était pendant des siècles une nécropole pour gens de marque, avant de devenir fabrique de salpêtre en 1794 (on avait besoin de poudre à canon), puis ossuaire et débarras jusqu’en 1865. En 2010 les archéologues ont exhumé les restes de 600 corps. On suppose qu’ils demeurent maintenant dans des tiroirs étiquetés, au fond d’un long couloir, sous le clignotement livide et irrégulier d’un néon.

Le voyagiste TripAdvisor, qui a la bonne idée de ne pas demander à des experts, mais à des humains quelconques, d’exprimer (gratuitement) leur avis sur les sites remarquables qu’ils visitent, est une source inépuisable d’informations de première main. Citons-le :

- À voir, mais petit bémol sur l’hygiène des audioguides.
- Pas grand chose à voir.
- À voir absolument. Hors du commun. Visite rapide, en moins de 30 minutes mais prix d’entrée un peu excessif.
- On se sent tout petit mais le prix est un peu élevé.
- Dans le village les ruelles montent et descendent (certains veulent absolument s’exprimer).
- 9000 m3 excavés par 250 ouvriers pendant 10 ans (un expert non rémunéré a voulu briller).
- Travail titanesque de simples bénédictins avec des moyens dérisoires (ils avaient tout de même des petites cuillères).
- Une force spirituelle en émane. 
- La foi déplace des montagnes.

Qu'ajouter ?

samedi 24 mars 2018

Comment perdre la Joconde


60 inspecteurs sont sur ses traces, Bertillon en personne relevant les empreintes digitales, on questionne Picasso, on emprisonne Apollinaire, on promet des récompenses pharaoniques, le musée du Louvre ferme pendant une semaine et son directeur démissionne.
Deux ans plus tard l’emplacement de la Joconde est toujours vide. Personne ne l’aurait retrouvée sans le faux pas de son voleur, ouvrier italien, qui voulut la rendre à sa patrie, à qui elle revenait de droit, disait-il (ce qui lui valut en Italie une peine extrêmement clémente).

De 1911 à 1913, elle venait de passer 2 ans et 4 mois au fond d’une grande valise dans une petite chambre parisienne.
Puis vinrent les deux guerres mondiales. Elle voyagea pendant plus de 10 ans de Bordeaux à Toulouse, puis de Chambord à Amboise, Montauban, Saint-Jean-Lespinasse…
Enfin ce furent les voyages de prestige ordonnés par le pouvoir politique, 4 mois aux États-Unis en 1963, 4 mois en 1974 à Tokyo, puis Moscou.

Alors il est normal que l’actuelle ministre de la Culture de la France, pour qui c’est un peu Noël tous les jours depuis qu’elle occupe cette éminente fonction, ait eu envie, comme en leur temps Malraux ou Pompidou, de faire plaisir à ses amis et ainsi promis un peu partout de leur prêter la Joconde quelque temps.
Le nouveau directeur du Louvre, tout juste reconduit par la ministre même, a osé protester, prétextant une fissure du panneau de bois qui commencerait à entamer le visage de Mona Lisa par le haut du crâne. Soupçonnons qu’il craint surtout l’érosion des recettes du musée si sa principale et quasi unique attraction touristique lui est enlevée (un visiteur sur deux viendrait pour l’entrapercevoir).

La ministre pourtant récente n’en est pas à son premier caprice, elle a fait la même blague avec la Tapisserie de Bayeux, 70 mètres de broderie vieille de presque 1000 ans, et s’aliène régulièrement les professions culturelles par ses décisions arbitraires et incompétentes.

Toutefois, est-ce une idée si bête que de prêter la Joconde ?

Il y a bien longtemps qu’elle n’est plus un tableau qu’on contemple mais l’objet sacré d’un pèlerinage idolâtre, et comme les reliques des saints, elle pourrait être un faux médiocre sans que quiconque ne s’en inquiète (voyez cette photo effarante de son sanctuaire au Louvre).
Confusion des valeurs, consommation désespérée, elle est le fétiche d’une humanité hallucinée qui se précipite vers son effondrement.

Alors autant l’envoyer se promener… et éventuellement se perdre. Ce serait un premier pas.

dimanche 7 septembre 2014

Le détroit


Quand il atteint l’extrémité du continent européen à Gibraltar, le touriste émerveillé découvre face à lui, sur l’impétueuse surface marine, une ile vaste et montagneuse ; c'est l'Afrique.
15 kilomètres de courants marins séparent ici les deux continents, du rocher de Gibraltar à la montagne Musa (djebel Moussa).

Depuis 2001, au pied de cette montagne, dans une grotte et un abri appelés Cabililla, près de la petite ville de Benzu (dans l'enclave espagnole de Ceuta revendiquée par le Maroc), une équipe d'archéologues de Cadix gratte, fouille et inventorie. Des ancêtres des lointaines époques paléolithiques et néolithiques y auraient laissé trainer, voilà 10 000 à 200 000 ans, des milliers d'outils variés et des déchets domestiques. Les outils seraient de style moustérien et similaires aux vestiges découverts en face, dans les grottes de Gibraltar et de l’Andalousie.

Alors les archéologues de Cadix en déduisent que le détroit aurait été franchi, longtemps avant les Phéniciens et les carthaginois, dès la préhistoire. La presse marocaine s'emporte et, dans un splendide raccourci chronologique, s’exclame « l’homme de Neandertal a peuplé l’Espagne en partant du Maroc ».
Pourquoi pas ? L'idée n'est pas choquante. Il y a 50 000 et jusqu'à 20 000 ans, les glaces avaient envahi le continent européen, le niveau des mers était plus bas de 100 à 150 mètres et de nombreuses iles parsemaient le détroit (en Asie l’Homme aurait même profité de ce rafraichissement pour aller embêter le kangourou jusqu'en Australie).
Et les saisons étaient tellement glaciales que c'est peut-être plutôt l'andalou moustérien qui le premier a choisi de passer ses vacances au Maroc.

Cependant les manuels officiels disent aujourd'hui qu'au lieu de tendre le bras pour gouter les oranges qu'il voyait presque de son balcon, sa fibre aventurière l’aurait plutôt incité à faire le tour de la Méditerranée en passant par les pays du Levant, ce qui lui aurait encore pris quelques dizaines de millénaires.

Notre connaissance de la préhistoire est encore si capricieuse…

Au pied du rocher de Gibraltar, une mosquée éclatante regarde l'horizon africain depuis 1997.