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lundi 28 juillet 2025

Van Eyck au Louvre, une expérience

Cette photo du panneau de Jan van Eyck tel qu’il est exposé au Louvre depuis sa restauration a été corrigée pour refléter le mieux possible l’impression ressentie sur place, notamment la luminosité et les couleurs, mais n'y cherchez pas les détails, vous savez maintenant où les trouver en taille réelle et en gigapixels. 



La décision

 
S’il économise depuis des décennies sur la maintenance du bâtiment, des canalisations, des ascenseurs, des sanitaires, et sur le personnel de surveillance - d’où un nombre toujours plus important de salles régulièrement fermées - le musée du Louvre est animé depuis une dizaine d’année par une frénésie de restaurations où il se dépense sans compter. On le pensait paralysé par la peur de la bavure, figé à jamais dans ses alignements de tableaux enténébrées, et on le découvre téméraire, s’attaquant aux défis les plus risqués, aux œuvres les plus sensibles, restaurant même des tableaux de l’intouchable Léonard de Vinci.

À l’exception évidemment de la Joconde, qui ne sera jamais restaurée et conservera définitivement ce teint bilieux au fond de son bocal, par crainte de perdre d’un coup les 20 000 visiteurs par jour (ou 30 000 selon les sources) qui ne viennent que pour l’entrapercevoir sur l’écran de leur téléphone.

D’où lui vient cette témérité ? L’évolution des techniques, des procédures, l’exemple des grands musées étrangers, l’arrivée d’Aglaé l'accélérateur de particules enterré sous le bâtiment ? 
Peu importe, elle a éveillé, pour qui avait renoncé aux visites devenues insupportables, suffisamment de désir pour accepter d’endurer encore une fois l’expérience épouvantable de la visite au Louvre. Car comment résister à contempler, presque dans l’état où ils ont été vus par le peintre, des chefs-d’œuvre comme le seul Van Eyck visible en France, le portrait d’Anne de Clèves par Holbein, le Gilles (ou Pierrot) de Watteau, et même la Nef des fous de Bosch, tous restaurés entre 2022 et 2024 ?  

Ne parlons pas des grandes machines de Delacroix que le Louvre lessive en série, si mal peints qu’ils devraient être restaurés en permanence.

Après des mois d’hésitation, vous vous décidez. Pour assurer la réussite de l’expérience, vous vous limitez aux 4 tableaux cités plus haut et ajoutez 2 friandises optionnelles que vous souhaitez revoir, disons l’Astronome de Vermeer et le portrait de madame Lenoir de Duplessis.  
 
La planification

Viennent alors la préparation de l’itinéraire et la détermination de la date de visite. C’est l’étape déterminante de l’opération. Vous devrez vous munir d’un accès à internet (obligatoire pour la réservation), d’un écran confortable, puis, sur le site du musée, du Plan d’ouverture des salles, et, sur le site du catalogue des Collections du Louvre, de la page consacrée à chacun des tableaux élus, où vous trouverez, pour chaque œuvre, le numéro de la salle où elle parait, que vous conserverez pour optimiser votre itinéraire. Sélectionner le lien sur ce numéro vous conduira à sa position sur le plan général du musée (aile et niveau).

Hélas le Plan d’ouverture des salles n’est pas un plan d’ouverture des salles. Il indique seulement l’ouverture ou non des secteurs qui regroupent les grandes périodes de l’histoire de l’art, et il n’existe aucun lien logique entre le numéro de salle et le secteur ; ainsi on ne vous dit pas "la salle 818 - où le catalogue situe le panneau de Van Eyck - est ouverte" ; on vous dit que le secteur intitulé "Peintures, Europe du Nord 1400-1650" est ouvert ; à vous de savoir que Van Eyck était un peintre d’Europe du nord actif sur cette période.
L’exercice devient délicat si vous cherchez un tableau d’un peintre suisse actif dans la 1ère moitié du 17ème siècle, Samuel Hoffman par exemple. Vous le supposez rangé dans le secteur Europe du Nord (puisque les autres choix ne sont que France ou Italie), mais vous hésitez entre "Europe du Nord 1400-1650" et "Europe du Nord 1600-1850", d’abord parce que le tableau date des années 1640, donc potentiellement dans les deux secteurs (oui, les périodes se chevauchent !) et surtout parce que le premier secteur est fermé le mercredi et ouvert le jeudi, quand c’est l’inverse pour le second. 
Si vous jérémiez on vous répliquera "Réservez votre entrée pour le dimanche, les deux secteurs sont ouverts, il reste sans doute quelques places disponibles." 

Vous l’aurez compris, cette étape demande un peu de concentration et beaucoup de temps à perdre. Alors limitez votre visite à quelques œuvres. En s’arrêtant aux 4 tableaux récemment restaurés visés ici, vous constaterez déjà, en excluant les irrespirables weekends surpeuplés et la saison touristique, qu’ils ne peuvent être vus, en une seule visite, que les vendredis (et même pas en nocturne), et que l’itinéraire, en papillonnant un peu, occupera pleinement votre visite.  

L’expérience

Vous réservez donc votre visite pour un vendredi matin dès 9 heures, ou au moins dans la matinée, afin de pouvoir contempler sereinement vos favoris ; les écoles française et d’Europe du nord du 15ème au 18ème siècles sont toujours calmes et quasi désertes en semaine, le matin, et les files d’attente très nettement réduites.

Pour éviter de parcourir un nombre épuisant de kilomètres, vous aurez sans faute optimisé les étapes de votre itinéraire sur le plan du musée ; il est immense et les salles dont les numéros se suivent ne se suivent pas nécessairement sur le plan ; il n’est pas rare, sur place, de ne jamais retrouver, sans l’aide du personnel surveillant, la salle qui suit ou précède numériquement celle où vous vous trouvez.  

Une fois dans le musée, vous serez harcelés par les impondérables : un ascenseur rétif, des toilettes en travaux, une personne de surveillance qui ajoute, en vous indiquant la direction d'une salle : "elle est probablement fermée, il est tôt, la personne n’est pas arrivée."
Vous y serez psychologiquement préparés, parce que vous aurez lu dans la téméraire enquête de M. Rykner qu'au Louvre, ça n’est pas parce qu’une salle est ouverte sur le plan qu’elle l’est dans la réalité, qu’un coup de chaleur intempestif (dans une salle à la climatisation déficiente), ou des travaux imprévus (souvent fictifs), ou un manque inattendu (mais chronique) de personnel, ne sont pas évènements si rares.

Malgré tout vous noterez, après avoir essuyé toutes ces épreuves, que votre sentiment devant ces merveilles est indicible, que la lumière est belle, que votre vêtement clair se reflète parfaitement dans les vitres dites "anti-reflets" qui protègent les œuvres, que votre appareil photo n’arrivera jamais à reproduire ce que vous voyez, et que la science de Van Eyck, en réalité sa magie, ne sera jamais dépassée.   

(et que la qualité des reproductions dans le catalogue des collections du musée est encore plus honteuse que vous ne le pensiez, pire que des photos de touriste) 

Enfin vous remarquerez que l’Astronome de Vermeer n’était pas là, exilé pour de longs mois dans une exposition au Mucem de Marseille, alors qu'on avait refusé de le prêter à la monumentale rétrospective d'Amsterdam en 2023, que madame Lenoir, qui pourtant a toujours été d’une exemplaire fidélité, n’était pas au rendez-vous, conviée jusqu’à l’automne à une rétrospective Duplessis à Carpentras, et que vous auriez dû préparer un peu plus soigneusement votre visite.

lundi 25 décembre 2023

Les très riches heures de l’internet

Cette page - le folio 48 des Très riches heures du duc de Berry - peinte par les frères Limbourg peu avant 1416 et numérisée en 2020, représente pour ainsi dire le journal télévisé il y a très exactement 2023 ans et l’annonce des infos du jour faite aux bergers de Bethléem (qui se trouvait alors près de Poitiers, semble-t-il).


Tout le monde l’aura remarqué - même les esprits les plus optimistes - tout fout le camp* ! On en parle régulièrement dans ce Glob à propos d’internet. Trois ans, en moyenne, après une publication en ligne, elle disparait. Tout au moins devient-elle inaccessible, le lien y menant ne fonctionnant plus. C’est ainsi que ce qui aurait pu devenir la mémoire de l’Humanité n’est finalement que l’écume de ses petites lubies quotidiennes. 

* Il suffira de constater ce qu’une équipe déterminée de créatifs inspirés a fait du musée de la Marine du Trocadéro après 7 ans de travaux ruineux. On en reparlera sans doute.

Les organes les plus officiels de la république ne se fatiguent même plus à maintenir leur site. Le CNRS, l’élite de la recherche scientifique en France, sans qui nous en serions encore à bâtir des cathédrales, diffusait jusqu’alors dans sa Bibliothèque Virtuelle des Manuscrits Médiévaux un beau facsimilé des Très riches heures du duc de Berry que nous avions commenté en 2018. Eh bien aujourd’hui son lien ne lie plus. C’est la célèbre "Erreur 404". 

Par chance, les techniques ne cessant d’aller de l’avant, une version plus belle et beaucoup plus détaillée** des Très riches heures vient opportunément d’être publiée en ligne par le Domaine du château de Chantilly et le Cabinet des livres du musée Condé, propriétaires du manuscrit, aidés par la Réunion des Musées Nationaux. Les illustrations de cette chronique en viennent.

** On se fera une idée de sa qualité en comparant le pourfendeur d’escargots du folio 38verso, ici dans sa numérisation récente par la RMN en 2020 et là dans le facsimilé du CNRS vers 2009.

Hélas la chose est desservie par une interface mal pensée, incommode, à la navigation laborieuse comme on en faisait il y a 25 ans aux débuts de l’informatique, à l’affichage parfois déficient (le folio 14v ne répond pas, sur ordinateur), et naturellement parfaitement verrouillée, interdisant toute copie ou exportation***, jusqu’à l’impossibilité de partager un lien vers un folio particulier. Il faut s’y habituer, partout l’interdiction est devenue la norme.
 
*** On se consolera avec le facsimilé complet du CNRS, dont on a malgré tout retrouvé la nouvelle adresse. Moins beau que celui de la RMN, son interface est mieux conçue et il est téléchargeable au complet en une seule opération dans une version de bonne qualité (7000 x 5000 pixels par double page). La récolte des 900 mégaoctets est très lente (212 doubles pages), mais elle est fortement recommandée, car multiplier et disséminer le nombre de sources est peut-être ce qui sauvera l’information…

Un site comme celui des Très riches heures du château de Chantilly, ringard et barricadé à outrance, trop spécifique et déjà démodé, sera malaisé à maintenir, et on peut prédire qu’il ne survivra pas longtemps sur internet. C’est curieux comme notre civilisation continue à alimenter sa gigantesque bibliothèque de ressources sans se soucier de sa préservation, comme si elle savait déjà que là où elle se dirige à plein gaz il est inutile de s’encombrer de tout ce fatras électronique.


Cette page (folio 82), peinte par Jean Colombe vers 1485 et numérisée en 2020, illustre le début du Psaume 114 de la Bible (ou 116 selon certains computs) invoqué pour l’office des morts. C’est toujours la même rengaine, la même ratatouille incohérente. Job devenu miséreux n’écoute pas ses anciens amis riches qui lui montrent un ciel vide de Dieu. Il supporte son malheur car il sait qu’une fois mort il rencontrera l’auteur de tous les bienfaits sur Terre qui lui réservera alors une sacrée surprise.

vendredi 25 mars 2022

Ce blog avait deux ans...


Ce blog avait deux ans ! ➊ Et déjà, de la carte,
Faillit être rayé par l’erreur 404 ➋.
Ses liens vers l’extérieur, déjà, en maint endroit
Menaient vers le néant, sans faire ni une ni trois.
Alors pour conjurer cette grippe espagnole
On dut diligenter un contrôle bénévole.
À des juges savants, certes dignes de foi,
On confia la gageüre. Ils restèrent sans voix ;
D’un billet de douze ans, sur dix liens éphémères,
Il n’en restait pas un, conclusion douce-amère,
Pas un pour retrouver sa voie dans le réseau.

Si la neurologie nous dit que le cerveau
Efface le passé pour toujours le revivre,
Permanent palimpseste ➌, d’internet, le grand livre,
Le Ouèbe, quoi ! — 
            Lui aussi, s’oublie, jour après jour,
Se consomme et se chie, tel le topinambour ➍.
Comment ne pas avoir foi en l’instantané
Et sur l’éternité sans fin ratiociner,
Quand l’électricité peut faillir - n’est-ce pas ?
- Et faire passer tout ça de la vie au trépas ? 
 
Hugo Victor, dans Les Pages d'automne


***
 Hugolisme oulipien, Oulipisme Hugolien, ce poème est la reprise presque exacte (pour les rimes, la ponctuation, et si possible le champ lexical et la sublime inspiration) du poème original (reproduit en bas de page)écrit par Hugo en 1831, premier d'un recueil qui s'appelait alors "Les feuilles d'automne". Les spécialistes s’interrogent encore sur l’auteur(e) de la présente version du poème et du changement de titre en "Pages d'automne". Hugo aurait-il, la relisant sur ses vieux jours, trouvé cette rédaction de jeunesse lourde et sentimentale ? C’est plausible
L’illustration est de Carl Spitzweg (c. 1850, version du musée de Milwaukee).
➋ Fichier non trouvé, page inexistante.
➌ Manuscrit effacé et réinscrit plusieurs fois. Les travaux récents sur le cerveau et la conscience montrent que la mémoire ne fonctionne pas comme le pensaient les vieilles conceptions d’il y a 100 ans, voire 50 ans. Ce n’est pas un endroit mystérieux où une conscience irait (ou craindrait d’aller) chercher des choses enfouies.
Le cerveau est plat, sans aucune profondeur dans le temps, n’a qu’un seul état, celui du présent, qu’il constitue à chaque instant et modifie en fonction des sensations du moment. Tout souvenir est une reconstitution complète.
Nick Chater écrit dans Et si le cerveau était bête ? (The Mind is Flat - The Illusion of Mental Depth and the Improvised Mind, 2018) « Croyances, motivations et autres habitants imaginaires de notre subconscient sont de pures inventions. […] L’esprit est, à l’inverse, un improvisateur de talent. Il invente des actions, des croyances et des désirs pour justifier ces mêmes actions avec une facilité déconcertante. Mais ces inventions passagères sont fragiles, fragmentaires et contradictoires. Elles ressemblent à un décor de cinéma qui paraît solide dans un plan de caméra, alors qu’en réalité il ne s’agit que d’une façade en carton
On présente souvent les travaux de Chater comme une approche révolutionnaire, mais c’est pour vendre son livre, car toutes les découvertes scientifiques qui appuient ses idées modifient déjà depuis un moment les conceptions des neurosciences. Évidemment il sera encore controversé - comme l’a été Spinoza - tant que les inventeurs des vieilles lunes vivront encore de leurs fables.
➍ Tubercule nourrissant comme la pomme de terre. 

***
Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l’empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole,
Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu’il fut, ainsi qu’une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n’avait pas même un lendemain à vivre,
C’est moi. —
Je vous dirai peut-être quelque jour
Quel lait pur, que de soins, que de vœux, que d’amour,
Prodigués pour ma vie en naissant condamnée,
M’ont fait deux fois l’enfant de ma mère obstinée,
Ange qui sur trois fils attachés à ses pas
Épandait son amour et ne mesurait pas !

jeudi 8 avril 2021

Reims à distance

Théodore Frère, Noce arabe au Caire, 1866 (Reims, musée des beaux-arts)

 
Présenter le catalogue en ligne des 13 000 œuvres du musée des beaux-arts de la ville de Reims quelques jours seulement après celui des 480 000 objets du Louvre de Paris est sans doute un peu cruel.

Fermé physiquement jusqu’en 2024 pour une complète refonte et l’augmentation des surfaces d’exposition, le musée rémois a inauguré son catalogue en ligne en décembre 2020. Il prévoit de présenter 100 000 objets des musées de Reims d’ici 2025.
Les critères de recherche dans la base sont nombreux mais le résultat est classé selon un seul critère non modifiable assez déroutant, peut-être aléatoire.
12 œuvres sont consultables dans le mode démesuré dit gigapixels.

Dans le domaine de la peinture, peu de têtes d’affiche, deux Monet, mais beaucoup de peintres français intéressants et talentueux des années 1830-1960, Penguilly, Dinet, Cazin, Harpignies, Blanche, Corot, Henri-Martin, Maufra, Daumier, Friant, Chaplin, Foujita et Théodore Frère, dont la magnifique et exceptionnelle toile de 3 mètres carrés, « Noce arabe au Caire » (illustration), longtemps délabrée et invisible a été restaurée en 2013.
Puis une longue série de peintures (390) de Paul Lepage montrant Reims vers 1920, détruite à 60% par quatre années de bombardements.
Enfin une mention spéciale pour l'allégorie loufoque d’Albert Maignan, « La Fortune passe », où l’incarnation de la richesse et du hasard, le bandeau relevé, presque nue sur son petit vélo de cirque doré, sème des pièces d’or de sa corne d’abondance sur les escaliers de la Bourse de commerce en narguant les spéculateurs indifférents et évitant au passage une veuve éplorée, vers 1895.

Ce qui rend cruelle la comparaison du musée champenois avec celui du Louvre, c’est qu’une majorité des illustrations du catalogue de Reims peuvent être téléchargées en haute qualité (5000 pixels), et sont libres de droits, y compris pour un usage commercial (Open data), toutes qualités absentes du site du riche musée parisien.
   

dimanche 4 avril 2021

Le Louvre fait sa révolution néolithique

Détail d’une Vierge de Domenico Ghirlandaio, ou de Sebastiano Mainardi (non exposé) : tel que reproduit dans la base Joconde (dans le petit encadré en haut à droite), le même détail dans la nouvelle base du Louvre (encadré intermédiaire), et l’image en haute qualité, comme on la trouverait sur le site des grands musée étasuniens ou hollandais.
  

La semaine dernière, le plus grand musée de l’Univers, le Louvre de Paris, a presque quitté la préhistoire, ou au moins effectué sa révolution néolithique. Il vient d’ouvrir un énième site présentant sur internet l’intégralité de la base de données de ses collections (480 000 œuvres).

Pourquoi en avoir fait un site séparé de celui du musée, qui vous demandera de saisir une deuxième fois votre requête si vous avez par étourderie, ignorants que vous êtes, pensé qu’il fallait chercher une œuvre du Louvre justement sur le site du musée du Louvre ? Allons, avec un peu d’habitude et avant la prochaine nouvelle version vous aurez trouvé, en petits caractères au fond de la page d’accueil du site du musée, le lien vers celui des collections.

Et une fois devant ce nouveau catalogue des collections, vous devrez admettre que le Louvre vient de franchir une étape considérable. La présentation des informations, les outils de recherche, les critères et filtres, tout y est limpide, épuré et efficace.
Les experts, naturellement, y trouveront à redire, comme M. Rykner qui y a déjà décelé des erreurs, des absences, des oublis, des régressions, mais aurait-on encore besoin d’experts si le monde était parfait ? (1)

Reste la délicate question des illustrations.

Beaucoup d’œuvres ne sont pas illustrées, sans qu’on puisse savoir dans quelle proportion puisque le critère de tri « œuvre illustrée » a été opportunément oublié. En revanche celles qui le sont le sont parfois richement, pour les plus importantes, et les images peuvent toutes être téléchargées, ce qui n’a l’air de rien mais constitue un bouleversement en France (2).

Évidemment la diffusion de ces reproductions n’est toujours pas libre de droits, ce qui n’est pas bien grave puisque c’est un copyright illégal (copyfraud), qu’on bafouerait avec joie, mais surtout parce que, malgré un saut qualitatif gigantesque depuis la précédente base Joconde (voir l'illustration), les images restent de petite dimension et de qualité trop moyenne pour qu’on ait envie de les propager à travers la planète.  

En l’état, le site des collections du Louvre est un outil de recherche et de déambulation agréable, et même divertissant. Bien entendu nous ne manquerions pas de prévenir notre maigre lectorat si un jour ce catalogue passait réellement de la préhistoire à l’Histoire.

***
(1) La catégorie « dessins et gravures » est vide alors que le département des arts graphiques affiche 250 000 résultats.
(2) Pour mémoire le musée d’Orsay interdit encore le téléchargement de ses médiocres clichés, que les droits d’auteurs soient prescrits ou non. Les musées de la ville de Paris ne sont sortis de cette préhistoire qu’au début de l’année 2020.

samedi 13 mars 2021

Investir sous le coronavirus, épisode 4

Carl Moll, Intérieur blanc, 1905, vendu par Freeman's en février 2021.
 
Depuis des siècles nous croisons dans la plus complète indifférence, en bronze sur les places publiques, portraiturés dans les musées, ou inscrits sur les plaques de rue, les hommages officiels que la nation rend à ses personnages historiques. Et nous savons maintenant qu’elle a dépensé des fortunes, en marbre, en bronze, et en honoraires d’artistes inspirés, pour entretenir la mémoire de citoyens parfois peu respectables, voire sanguinaires. Nous le savons parce que les encyclopédies en ligne nous renseignent si facilement. Ainsi l’internet a rendu l’époque soupçonneuse à l’égard du pouvoir et des institutions. C’est bien. Mais il l’a rendue émotive et sentimentale envers les symboles et les manifestations artistiques de ce pouvoir.
On s’informe, on s’indigne, puis on débaptise, on déboulonne, on renverse, on escamote un passé qui nous laissait hier indifférents.

Le marché des œuvres d’art, n’est pas touché par cette sensiblerie.
Le 23 février, à Philadelphie en Pennsylvanie, la maison d’enchères Freeman’s obtenait un double record par la vente d’un beau tableau d’un mètre carré de Carl Moll, « Intérieur blanc 1905 » (illustration).

Carl Moll était un peintre viennois maniaque du format carré (même du mètre carré). Formaliste - il privilégiait dans ses tableaux l’harmonie formelle - il fut un des fondateurs en 1897 du courant artistique sécessionniste viennois, avec le peintre Klimt et l’architecte Hoffmann. C’était un mouvement élitiste qui, sous l’influence des courbes et des enluminures gothiques, prêchait le purisme des formes artistiques et la primauté des arts décoratifs dans tous les domaines, de l’architecture à l’argenterie.
   
Le site de la Fondation Gustav Mahler fait de la vie de Moll une chronologie froide comme un rapport de police, illustrée de quelques photos et tableaux. Y sont inventoriées sa fréquentation des nazis par le mariage de sa fille à un dignitaire du parti en 1933, leur vie raffinée dans la haute société viennoise, le suicide des trois personnes susmentionnées le 13 avril 1945, jour où les Russes envahissaient leur résidence à Vienne, les intrigues successorales de la belle-fille de Moll, Alma Mahler…

On peut voir des tableaux de Moll dans quelques musées de Vienne et ne pas en voir un grand nombre (on parle de 900) dans des collections privées.
Rarement exposée, son œuvre survit dans une sorte de clandestinité que Jane Librizzi, dans son blog « Blue lantern », pense être le résultat, provisoire, de la personnalité détestable de Moll et de ses liens avec les nazis.
Ces choses n’arrêtent pas le marché et éveillent plutôt sa curiosité.
Le 23 février, « Intérieur blanc », alors généreusement estimé à 500 000$, ce qui aurait été un record pour Moll, a été adjugé pour 4,7 millions de dollars le mètre carré, constituant également un record de vente, depuis 2011, pour Freeman’s.  

Il parait que l’acheteur étasunien le prêtera pour l’exposer dans un musée.

vendredi 5 mars 2021

La foire en ligne

Les pissenlits, qu'est-ce que c'est bon!
Avec un œuf mollet et des p'tits lardons,
C'est l'un de ces instants merveilleux
Qui font douter de la non-existence de Dieu.

[…]
Les pissenlits, de toute manière,
Faut s'en délecter tant qu'on est sur la Terre
Plus tard, on les mang'ra par en d'ssous,
Par la racin', mais ça n'a pas l'même goût.

Les Pissenlits (José Artur - Ricet Barrier) 
 
Il y a bien longtemps que vous n’alliez plus visiter la Foire internationale d’Art Contemporain (la FIAC). Elle ne durait que quelques jours par an, à Paris depuis 45 ans, généralement au Grand palais ou au Louvre. Elle réunissait plusieurs centaines de galeries influentes qui exposaient ce qu’elles pensaient être l’art contemporain, et vous finissiez la journée de visite le corps lessivé et l’esprit abruti par des milliers d’œuvres parmi lesquelles vous aviez cherché, souvent en vain, des émotions nouvelles. Et puis les prix étaient loin au-dessus de vos moyens.

L’année dernière, le coronavirus a empêché la FIAC 2020, mais les organisateurs planifient déjà une FIAC 2021 en octobre, dans le « Grand palais éphémère » qui se construit actuellement autour de la statue (pas encore déboulonnée) du maréchal Joffre, au pied de la tour Eiffel. Et ils y envisagent les FIAC suivantes jusqu’en 2026, durant la refonte du Grand palais.
 
Pour faire patienter l’adepte et tâcher de continuer la vente à la manière des commerces non essentiels sur internet, la FIAC a ouvert le 4 et jusqu’au 7 mars une exposition-vente en ligne (c’est absurde de fermer si vite !)
La présentation est bien faite et montre un peu plus d’un millier d’objets qui vous donneront certainement une idée complète et précise de la création contemporaine en vogue. Comme dans la vraie FIAC, les prix sont d’un autre monde, et les surprises rares.

Nous avions préparé l'éloge de « Weed #558 » du sculpteur hyperréaliste Tony Matelli, un impressionnant pied de pissenlit en bronze peint et grandeur naturelle, mais il a été vendu peu avant la publication de ce billet. Il ressemblait beaucoup à cet autre pissenlit de l'artiste. Il est remplacé dans le catalogue par « Weed #556 », mauvaise herbe malingre mais moins chère, 22 000$ (le lien n'est plus accessible puisque la FIAC en ligne est fermée).
On rêverait d’exposer chez soi ces herbes en bronze, dans un coin, à l’angle d’une plinthe, si elles n’étaient hors de prix et ne risquaient d’être un jour arrachées et mises aux ordures par erreur en faisant le ménage.



Détail d’un pastel de Jean-François Millet actuellement au MFA de Boston. Heureusement, le peintre est mort depuis plus de 70 ans et la reproduction de ses pissenlits est donc libre de droits d’auteur, contrairement aux herbes de Matelli, qui n’a pas 50 ans et semble en bonne santé.

jeudi 24 décembre 2020

Sites des musées : rien de neuf

Le Maurithuis est un petit musée de peintures de La Haye, célèbre par le nombre d’œuvres célèbres - en proportion - qu’il expose, surtout du 17ème siècle hollandais, comme la Leçon d’anatomie de Rembrandt, la Vue de Delft, et la Jeune fille à la perle, de Vermeer. 
 
Il y a fort longtemps que le musée partage sur internet les 900 œuvres de sa collection (dont environ 650 non exposées - le musée n’a que 16 petites pièces d’exposition), le tout en très haute qualité et téléchargeable libre de droits.
Pensant qu’il pouvait encore repousser les limites de la solidarité et faire vivre au visiteur confiné l’impression d’une déambulation dans ses salons luxueux, le musée vient d’inaugurer un visite virtuelle, en haute définition pour la première fois, parait-il.    
 
Mais, bien qu’impressionnante, l’observation reste limitée à une vingtaine de points de vue, et à une position unique de l’appareil photo au centre de chaque pièce. Pas vraiment une révolution. L’amateur seulement de peinture, à l’esprit étroit, ne changera pas ses habitudes et visitera toujours les 900 reproductions de bien plus haute qualité dans le catalogue, mais l’amateur de cadres dorés surchargés, d’antiques lustres de collection, de glands de rideaux et d’appareils photo de marque reflétés dans les miroirs, le tout certainement authentique, sera en joie.

 
Du côté du tiers-monde des sites de musée, des nouvelles encourageantes nous apprennent que celui du Centre Pompidou de Paris (ou Beaubourg) vient de vivre une véritable révolution, et que le Louvre de Paris en prépare une pour le printemps 2021.

Pour le centre Pompidou, la révolution n’était pas difficile, l’ancien site était inutilisable. On laissera les médias passe-plats chanter les bienfaits de ce nouveau site. Télérama y a trouvé 80% des œuvres reproduites en haute définition ! Il oublie de préciser qu’elles ne sont disponibles dans cette qualité qu’en payant des droits de reproduction, image par image, y compris pour les œuvres du domaine public, qui sont toujours soumises au copyfraud organisé de la Réunion des musées nationaux de France.

Il est vrai que le site, maintenant beaucoup mieux rangé, est facile à manipuler, mais le centre Pompidou a pris trop à la lettre le mot révolution, et il est donc revenu à son point de départ : pour le peuple (qui est le propriétaire des œuvres), les reproductions sont toujours petites et de qualité moyenne.
Côté pratique néanmoins, la nouvelle présentation propose certaines œuvres en plusieurs coloris, fonctionnalité bien commode pour accorder la décoration d’une pièce au papier peint. Par exemple ce tableau de Mark Rothko en illustration, « numéro 14 Bruns sur noir » de 1963, existe en trois teintes.
 

Quant au Louvre, dans un entretien avec France-Inter, un conservateur du musée venu justifier l’acquisition controversée d’une grande fresque plutôt pourrie de Tiepolo, en a profité pour faire l’annonce d’une révolution en 2021.
L’achat du Tiepolo, évènement qui ne passionne pas le grand public et aurait pu passer inaperçu, a curieusement fait l’objet de nombre d’articles consensuels dans les médias (à l’exception du seul critique d’art qui ne passe pas les plats sans les avoir goutés, Vincent Noce).
Le boniment se conclut par une déclaration hors sujet qui attirera l’attention du public confiné vers un avenir radieux :

« Nous sommes occupés à préparer une grande base de données sur l'ensemble de nos collections qui sera rendue accessible sur Internet au printemps prochain. Et ça va être une révolution puisque cette base de données fournira les images, et un grand nombre de données historiques et bibliographiques sur plusieurs centaines de milliers d'œuvres qui sont conservées au musée du Louvre. »

Le Louvre a souvent fait ce type d’annonce d’un nouveau catalogue numérique de ses collections, mais toujours pour des bases de données innavigables dans lesquelles la recherche, poussive et malaisée, quand elle aboutit, affiche des reproductions minables grevées de droits d’usage.  

Évidemment, le conservateur prometteur ne dit pas dans l’article si l’accès à cette future base de données révolutionnaire sera autorisé pour tous, ni si les images seront de bonne qualité et libres de droits.
Mais c’est l’époque des cadeaux et des rêves de bonheur, l’époque où le bon évêque saint Nicolas offrait des friandises aux enfants dociles. Espérons.
 

vendredi 4 décembre 2020

Escale à Francfort

De retour de 3 semaines virtuelles à Copenhague, faisons une halte en Allemagne à Frankfurt (Francfort-sur-le-Main). C’est une très grande ville riche, moderne, et son musée de peinture, le Städel museum, héberge une vaste collection qu’il présente sur internet, libre de droits et en très haute définition (quelquefois excessive : 17 000 x 18 000 pixels et 471 Mo pour le Géographe de Vermeer).
Le musée précise qu’en tant qu’institution publique, et comme il ne peut présenter aux visiteurs qu’à peine un centième de la collection, il se doit d’en partager la totalité dans de bonnes conditions sur internet. On ne saurait trouver meilleur argument contre la misère actuelle en ligne des grands musées publics français et italiens.

La consultation du site est agréable, fluide, richement documentée (en anglais et allemand). On déambule parmi 29 875 peintures, dessins, gravures, photographies, ou parmi une sélection de 1539, ou par artiste, ou avec des filtres de recherche.
 
Pour le voyageur qui ne fera qu’une rapide escale virtuelle à Francfort, voici quelques tableaux remarquables et pittoresques, avec leur lien direct sur le site du musée, présentés dans l’ordre à peu près chronologique de création, de 1435 à 1901.

9 détails d'œuvres du Städel museum décrites dans le florilège ci-dessous.

1. Comment peindre 12 manières de torturer des martyrs chrétiens en 1435 ? Stefan Lochner le sait. Il dépose un fond à la feuille d'or, ajoute des détails savoureux avec de jolies couleurs douces, et en fait une merveille (illustration 1).

2. Un bijou de Jan Van Eyck vers 1437. Comme tous les magiciens, cet homme-là doit avoir un « truc » (illustration 2).
 
3. Un Ecce homo de Jérôme Bosch, vers 1495. Le public s’exclame « crucifie-le », et une chouette, caméo que Bosch place soigneusement dans la plupart de ses tableaux, ajoutée dans un repentir final, observe la scène.

4. Elle lisait un roman de gare avant de se coucher. L’ange débarque, manifestement il hésite, il ne se souvient pas de ce qu’il doit lui annoncer. Elle reste interdite, inexpressive, ne sachant ce qui l’attend. Au dessus d’elle une colombe lampadaire attend également que l’ange se rappelle le message. Bref, tout le monde attend. Gerard David (peut-être) aurait peint ça vers 1509, dans une délicate gamme de gris et bleus.
 
5. De Joos van Cleve, un somptueux triptyque de lamentation sur le Christ mort, en 1524, dans un superbe décor très influencé par les paysages de Patinir, son contemporain à Anvers, comme dans cet autre beau tryptique de la crucifixion au Metropolitan de New York (illustration 3)

6. Une nativité insolite vers 1530 d’Hans Baldung Grien, où un ange un peu dégouté présente à la Vierge un enfant Jésus au teint de mort-vivant.
 
7. Une mise en scène très cinématographique et déjà surréaliste du Pseudo-Félix Chrétien (alias Bartholomeus Pons), en 1537.
 
8. Lucas Cranach, vers 1540, représente un Jésus très progressiste pour l'époque, qui va devoir garder une dizaine de bambins pendant que ces dames vont au cinéma (ou plus probablement avec des messieurs, les barbus qui se planquent, à gauche).
 
9. Un très joli portrait de Beatrix Pacheco par François Clouet ou assimilé, vers 1550.
 
10. Une scène de marché en 1559, avec parabole biblique, de Pieter Aertsen, hollandais de l’époque du père Brueghel, remarquable par sa superbe galerie d’étranges portraits songeurs, entre l’indifférence et l’ennui, et que le commentaire qualifie d’impudeur érotique !

11. Un paysage sylvestre féérique de Coninxloo, vers 1600. On distingue quelques chasseurs armés de fusils, et on verrait bien un accident de chasse, un peu de rouge dans cette obsession verte et bleue. (illustration 4).
 
12. Un dessin grandiose d’Abraham Bloemaert, l’Âge d’or, en 1603, où l’on remarquera que les « distanciations sociales » ne sont pas vraiment respectées et que Bloemaert était un dessinateur incomparable.
 
13. Un magnifique portrait de bergère en berger, d’un inconnu allemand, sans doute un maitre (monogramme A.V.D. 1665), accompagné d'un beau pendant.
 
14. En passant près du Géographe de 1669, avec son compas à la main, vous reconnaitrez nécessairement le peintre. Il a signé deux fois, sur l’armoire, discrètement, et sur le mur, avec ostentation. En réalité les deux signatures n’existaient pas lors d’une vente très documentée du tableau en 1872, alors que Vermeer est mort en 1675. (illustration 5).
 
15. Pieter Janssens, surnommé Elinga, peint vers 1670 cet autoportrait empreint de modestie. De fausse modestie. Il se représente au fond, de dos, en train de peindre (le commentaire dit qu’il était gaucher et tenait donc sa palette de la main droite), dans une belle maison dont il peint toujours la même pièce pour ses effets de soleil. Le sol est couvert d’un carrelage compliqué de marbre blanc et noir, et les murs de tableaux d’autres peintres. Les riches habits, la lumière, les dorures, tout respire la félicité. Au centre, au premier plan, légèrement dans l’ombre et vêtue de noir, la balayeuse rappelle discrètement que tout cela est en train de devenir poussière. (illustration 6).
 
16. Les toiles de Lingelbach, comme celles de Berchem à la même époque, vers 1670, fourmillent de personnages colorés et de détails observés sur le vif, dans des mises en scènes dignes des meilleurs moments des films de Spielberg (surtout coupez le son) ou Max Ophüls.
 
17. Peintre dans l’atelier d’un sculpteur à Rome vers 1760, peint par le jeune Hubert Robert. Peut-être un autoportrait. (illustration 7).
 
18. Johan Christian Dahl, un copain de Caspar Friedrich, était à Naples en 1820 et 21 quand le Vésuve faisait une de ses éruptions de routine, comme tous les 15 ans en moyenne, entre 1774 et 1944. Mais depuis 1944, rien, 76 ans de silence. La prochaine éruption risque d’être très violente. Pour mémoire plus de 5 millions d’être humains vivent dans le voisinage immédiat du volcan.
 
19. Une tempête avec son naufrage imminent, par Andreas Achenbach en 1837, en pleine crise d’acné romantique.
 
20. On a beaucoup dénigré la peinture réaliste, la jugeant bien inutile quand la photographie faisait la même chose, en plus économique. Mais en 1848, quand Hasenpflug peignait, la photographie couleur n’existait pas. Il était de ces peintres qui se gèlent les pieds et se ruinent la santé dans les courants d’air des ruines romantiques en attendant que les Maxwell, Ducos de Hauron et autres Lumière inventent bien au chaud dans leur laboratoire la photographie en couleurs.
En outre depuis qu’elle existe, la photographie moderne ne sait toujours pas, sans manipulations, apporter à la fois dans les ombres et dans les lumières les nuances et les détails que l’œil perçoit (au contraire des films Kodachrome, abandonnés en 2010), et elle ne sait pas non plus, sans outil de retouche, réorganiser la réalité, déplacer ou supprimer les éléments gênants. (illustration 8)

21. Un ciel d’orage de Chintreuil, en 1868, avant l’impressionnisme. Peut-être pas un chef d’œuvre, mais Chintreuil est trop rare pour ne pas être montré dès que possible.
 
22. De 1879, un des portraits incomparables de Renoir, ici triple, qui se passe de commentaire. (illustration 9).
 
23. Hans Thoma, peintre bizarre peu connu aux styles très disparates, des paysages les plus originaux au choses symboliques les plus pesantes. Le commentaire affirme que le livre ouvert est la Bible, dans cette plaisante vue d’une fenêtre de 1883.
 
24. D’une exposition marquante au Petit palais en 1987, suivie d’une rétrospective à Orsay en 1997, à quelques ventes médiatisées, jusqu’à une exposition en 2019 au musée Jacquemart-André, tout le monde (au moins à Paris) connait maintenant l’appartement au décor dépouillé du 30 Strandgade à Copenhague, que Vilhelm Hammershoi (Hammershøi) habita de 1898 à 1909, avant de s’installer en face au 25, qu’il peignit également rectiligne et gris. Sachant que le peintre avait les moyens de se procurer beaucoup de couleurs variées en tube, on imagine que cette grisaille mélancolique se situait plutôt dans sa tête, ici en 1901.