samedi 31 mai 2008

Goya et les presbytes

Tout a été dit sur Francisco de Goya, peintre et graveur. Mais on ne louera jamais assez sa contribution à la recherche sur la presbytie.
La presbytie (prononcer presse-bissie) est une dégénérescence naturelle de l'œil due au vieillissement. Comment la dépiste-t-on ? Tous les grands musées lancent assez régulièrement des campagnes de dépistage, dissimulées sous la forme d'anodines expositions consacrées à des gravures et dessins anciens.
Si, lors de la visite d'une de ces manifestations, vous entendez un surveillant zélé sévèrement sermonner un amateur honteux, il y a fort à parier qu'il vient de dépister un presbyte que le manque de lumière a contraint à aventurer son nez un peu trop près d'une gravure. Parfois, ce sera la sirène du système électronique de surveillance habilement dissimulé et spécialement entrainé à détecter les presbytes trop curieux qui se mettra à hurler dans le silence de la salle d'exposition. D'autres fois, vous remarquerez un amateur étourdi qui semble regarder le plafond avec attention. C'est un presbyte avisé qui, s'étant procuré les prothèses adéquates, sous la forme de lunettes adaptées à sa vue dans la partie basse du verre, donne l'impression qu'il regarde en l'air alors qu'il pointe son regard exactement en face de lui, horizontalement.
On l'aura
compris, le presbyte a besoin de lumière et découvre ainsi son handicap dans les situations faiblement éclairées. Contrairement à de nombreuses expositions de dépistage, celle que le Petit palais à Paris consacrait * récemment aux gravures de Goya était correctement agencée et éclairée. Elle était probablement consacrée aux presbyties légères, naissantes.

Nada, Ello dirá (Désastres de la guerre, gravure 69, détail).
Un corps en décomposition s'extirpe d'une tombe et écrit «Nada» (rien) sur une feuille. Gravure absente de l'exposition.

Dans une exposition de Goya, il y a toujours une gravure absente, celle justement qu'on avait envie de retrouver, et il est toujours frustrant de voir des séries incomplètes. Pourtant ici tous les aspects de sa vision des grotesques de l'humanité étaient représentés, sur plus de 200 gravures. On y découvrait même des raretés, comme cette empreinte digitale au coin d'une gravure délaissée (n.79 du catalogue), qui pourrait être celle de Goya et intéresser les fétichistes passionnés d'anthropomètrie. Les mêmes fétichistes peut-être, phrénologues avertis, qui auraient dit-on volé la tête de Goya dans sa tombe. En effet, lorsqu'il fut décidé en 1888 de transférer vers son pays natal le corps de Goya, alors enterré à Bordeaux depuis 60 ans, on ne déterra qu'un corps sans tête. Abandonné dans un dépositoire, le corps ne retourna en Espagne qu'après 10 années de débats. Cet épisode inspirera à Jean Veber, caricaturiste au journal Gil Blas, un hommage sublime et irrespectueux, présenté en fin d'exposition, comme une délivrance après ce parcours au milieu des folies et des cruautés humaines.

Veber jean, le retour de Goya dans sa patrie, 1899 (Lithographie, Paris petit palais). Il est conseillé à l'amateur d'archiver chez lui cette image. Faisant peut-être l'objet de droits de reproduction, elle peut être retirée à tout moment si un ayant droit se manifeste.

Ne serait-ce que pour cet éclat de rire final, allez le voir ! Ah oui, on me rappelle que l'exposition est terminée. Qu'importe. L'Internet regorge de reproductions des gravures de Goya, des séries complètes (chez Wikimedia) des caprices, des disparates, des désastres de la guerre, parfois de très bonne qualité. Certains sites considèrent même le presbyte avec humanité, comme Visipix, monumental dans son désordre encyclopédique et ses détails aux dimensions gargantuesques. Le presbyte y scrutera tranquillement les détails les plus affreux en sirotant un lait grenadine et n'ayant désormais plus à endurer l'humiliation des dépistages en public.

***
* Conforme à sa mission journalistique, Ce Glob Est Plat attend généralement qu'un événement soit passé, révolu, accompli, pour en parler. Le lecteur pourra moins facilement vérifier ses allégations et les contredire.

samedi 24 mai 2008

La Terre en vraies couleurs

Le philosophe grec Démocrite est souvent représenté dans le long débat fait d'exils, d'autodafés, voire de bûchers (et dans lequel par stricte rigueur journalistique nous ne prendrons pas parti) qui oppose depuis 2500 ans les adeptes d'une Terre plate aux apôtres de sa sphéricité.

La tradition picturale le figure avec un sourire moqueur montrant du doigt le
globe terrestre, comme l'ont peint Bramante ci-dessus (vers 1480, à la pinacothèque Brera de Milan), Velazquez ci-dessous (vers 1630, au musée des beaux arts de Rouen), et Ter Brugghen (en 1628, au Rijksmuseum d'Amsterdam). Ce dernier l'a affublé d'un globe céleste, et a octroyé le globe terrestre à son symétrique, le portrait d'Héraclite, auquel Démocrite est fréquemment associé dans l'iconographie.
On a appris depuis que cette tradition sur la personnalité de Démocrite, reprise des auteurs romains, était assez fausse. Mais au moins a-t-elle permis pendant ces siècles obscurs d'afficher des idées alors réprimées et de s'en innocenter en les attribuant à une sorte de savant fou, prédicateur d'un matérialisme absolu et d'un déterminisme inéluctable. Rien dans les fragments qu'il reste de Démocrite ne présente cette vision de la Terre ni ne confirme son cynisme. Mais sa vision prophétique d'une pluralité des mondes, dans des états et des âges différents, et parmi lesquels le nôtre n'a rien de particulier *, est finalement bien illustrée ainsi. Il désigne le globe terrestre avec l'air de nous dire «c'est notre monde, on n'aura que lui, et il faudra faire avec».

On trouve sur Internet des reproductions acceptables des Démocrite de Velazquez et de Ter Brugghen, mais la fresque de Bramante fait l'objet d'une sorte de malédiction. Déjà inexplicablement absente des catalogues et autres guides de la pinacothèque Brera de Milan, on en trouve une seule reproduction passable en ligne, pillée et répétée par tous, dont la source est l'inépuisable base de la Web Gallery of Art. Elle est hélas atteinte d'une sorte de monochromie maladive comme d'un excès de carotène. Dans le cadre de sa série de chroniques «Aime la vie, peins la en rose», Ce Glob Est Plat, défenseur de tous les globes de la Terre, se sentait tenu de corriger la situation, et proposer aujourd'hui au monde ébahi les vraies couleurs naïves et acidulées de la fresque de Bramante. Aparté technique : cette fresque de Bramante aux «vraies» couleurs ci-dessus est un montage, très imparfait. Le dessin, les lignes et détails proviennent de la version Web Gallery of Art, les couleurs sont issues d'une photo dérobée sur place à Milan, mal cadrée et floue, prise subrepticement sans regarder dans le viseur. Les photographies y sont interdites, on s'en sera douté, mais jusqu'où n'irions nous pas pour honorer notre devise «La vérité sinon rien!».
***
* Dans la fable Démocrite et les abdéritains, La Fontaine le fait parler ainsi:
Aucun nombre, dit-il, les mondes ne limite :
Peut-être même ils sont remplis
De Démocrites infinis.


Mise à jour du 10.04.2019 : on raconte que Bramante s'est peint à droite en Démocrite, et qu'il a représenté Léonard de Vinci en Héraclite, à gauche. À l'époque ils travaillaient ensemble sur des projets d'architecture à Milan pour Sforza. On reconnaitrait Léonard à ses vêtements roses et au livre devant lui qui serait écrit de la droite vers la gauche.

samedi 17 mai 2008

Nuages (9)

Paris, le 17 mai à 18 heures.

vendredi 2 mai 2008

L'article 33, épisode trois

Résumé des épisodes précédents :

Épisode un : l'article 33, c'est le funeste article 33 du «Règlement de visite du musée du Louvre» qui paraissait en 2005, instituant l'interdiction progressive de photographier la totalité des œuvres exposées dans le musée. Cet interdit concerne tous les touristes amateurs d'art, ceux qui payent leur ticket d'entrée.

Épisode deux : quelques réactions désillusionnées (que nous relations ici-même) s'ensuivirent, qui montraient l'injustice, voire l'illégalité de cette décision de technocrate mercantile.

Le code d'Hammurabi, à Babylone en 1750 avant notre ère, maintenant au musée du Louvre, un des premiers règlements écrits de l'histoire de l'humanité. Certains de ses 282 articles ont pu inspirer les promoteurs de l'article 33.


Épisode trois : on aurait pu en rester là et s'habituer insensiblement à la perte d'une petite liberté de plus. Mais une récente recherche dudit règlement (dont le lien était devenu erroné) nous conduisait à cette page fourre-tout du site du Louvre, intitulée «Services & Aides». Et sur cette page, à l'article «Règlement de visite du Musée», on peut lire cette déclaration sensationnelle:
Une nouvelle rédaction de l’article 33 du règlement de visite concernant l'autorisation de photographier dans les salles du musée vient d'être adopté par le Conseil d'administration: «Dans les salles des collections permanentes, les œuvres peuvent être photographiées ou filmées pour l’usage privé de l’opérateur. L’usage des flashes, et autres dispositifs d’éclairage est prohibé. Dans les salles d'expositions temporaires, il est interdit de photographier et de filmer. Il est également interdit de filmer et de photographier les installations et les équipements techniques.

Mitigeons notre enthousiasme. On ne sait pas de quand date cette décision du Conseil d'administration. Ce texte mal foutu à l'orthographe incertaine, avec son guillemet ouvert qui ne se ferme jamais, n'est pas daté, ni la page qui le contient. Il pourrait même être antérieur au règlement de 2005 qui est toujours la version officielle diffusée sur le site du Louvre.
Par ailleurs, s'il rétablit le droit, tel qu'il était avant 2005, de prendre des photographies, il pose explicitement l'interdiction de les publier. Est-ce bien légal ? Souhaitons leur du courage s'ils doivent en faire la chasse sur Internet.

Pour résumer, et si cette interprétation est confirmée, on pourra à nouveau aller photographier le zizi de l'hermaphrodite dans la salle du manège du département des sculptures, et on ne pourra plus le montrer en public, mais l'admirer en privé, en cachette.

dimanche 27 avril 2008

Nuages (8)

Le cratère du Vésuve, près de Naples. Le panneau polyglotte conseille la vue sur Pompéi.

vendredi 25 avril 2008

Dieu s'appelle Antoine

Les Athéistes et autres Spinozistes sont bien feintés! Dieu existe. Enfin il a existé. Né en France en 1662, il se prénommait Antoine.

Il ne reste plus grand chose de sa création, quelques œuvres où domine le plus souvent une grande confusion baroque, où se répand un bric-à-brac surchargé. Il s'était spécialisé dans les pesantes allégories bibliques (dont naturellement nombre de scènes avec Jésus) ou guerrières. À peine peut-on trouver un charme un peu fané à ses «jeunes filles jouant aux osselets».

Il était commerçant, dessinateur et peintre, et si on parle encore de lui aujourd'hui, c'est parce qu'il eut la bonne idée de servir les puissants: le duc d'Orléans, le duc de Bourgogne, Louis 14. C'est pourquoi ses œuvres traînent encore de nos jours dans les galeries du château de Versailles, où on ne les remarque pas parmi les ors et la quincaillerie tape-à-l'œil.



Dieu est mort le soir du 17 octobre 1727.*

Que tout le monde se rassure, il reste encore aujourd'hui quelques Dieu. Il sont très discrets mais on peut tout de même les contacter en cherchant leurs coordonnées dans un annuaire téléphonique. Les pages jaunes en dénombrent déjà une trentaine à Paris, et si on en croit les statistiques, il en naît de plus en plus, surtout dans le nord de la France.

***
* En réalité, je ne connais pas le jour ni le mois de sa mort, la date est donc inventée pour embellir les sonorités de cette phrase. J'espère qu'un lecteur savant nous renseignera sur la date précise, et sur la localisation de la tombe de Dieu.
Dernière minute du 30 avril
: Dieu serait mort, en fait, le 12 avril 1727. Nous devons cette révélation à la sagacité d'un lecteur bien outillé (voir les commentaires ci-dessous).

samedi 19 avril 2008

On finira dans un trou noir

Éclipse totale de soleil, Guadeloupe, 26 février 1998

Les centaines de milliers d'infirmes qui survivent avec peine à l'exposition aux déchets (toujours) toxiques de Bhopal ou aux infinies conséquences radioactives de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, auront beau objecter. La grandeur d'âme des scientifiques du monde entier n'a d'égale que la pureté de leurs intentions. C'est un fait.

Et pourtant deux américains, L. Wagner et L. Sancho, ont assigné le Centre Européen de Recheche Nucléaire (CERN) devant la cour de justice de Hawaï, pour tenter d'empêcher la mise en route imminente du plus grand accélérateur de particules jamais construit sur terre, le LHC (Large Hadron Collider). Ils insinuent que les expériences qu'on y ferait risquent de générer un trou noir et d'y engloutir la terre entière.
Le CERN n'aura pas de difficultés à produire, si nécessaire, les rapports des plus éminentes autorités scientifiques garantissant la sécurité des expériences et ridiculisant les prétentions des deux hurluberlus hawaïens.

Pourquoi détester d'une telle ardeur un petit tube circulaire de 27 kilomètres enfoui à 100 mètres sous terre dans lequel on ne fera déambuler que des particules élémentaires, c'est à dire des choses dont les physiciens discutent encore la réalité ?
Il est vrai qu'ils n'affichent pas une réelle assurance dans le numéro d'avril du magazine Ciel & Espace, où on peut lire qu'ils «espèrent élucider quelques unes des plus grandes énigmes de l'univers» mais qu'il est «impossible de savoir ce qu'on découvrira» et «qu'on pourrait être amenés à remettre en cause notre conception de l'univers».

Ils y énumèrent les missions du LHC : créer un gelée de quarks et de gluons, un nouvel état de la matière, découvrir peut-être le mythique boson de Higgs qui aurait donné son existence massive à notre univers, atteindre une énergie telle que les 4 forces de l'univers n'en feront plus qu'une, traquer les particules de l'énergie du vide, la matière et l'énergie noires, fignoler des micro-trous noirs, trouver peut-être une quatrième dimension de l'espace et y faire passer la gravité, hésiter entre matière et antimatière...

Ça ressemble plutôt à un inventaire de Jacques Prévert ou à une liste de courses de Darth Vader (alias Dark Vador). Et les deux hawaïens n'ont pas rêvé. Les trous noirs sont dans la liste. Cependant leur cause échouera évidemment ; allez démontrer à un brave juge un peu constipé les conséquences de ce que les scientifiques même avouent ne pas bien comprendre, tout en pensant le contrôler parfaitement !

Il n'empêche que si les deux plaignants ont un jour raison...
Un simple trou entre la France et la Suisse qui sucerait en quelques instants la terre entière, en émettant le sifflement d'un ballon qui se dégonfle, serait une fin assez brutale. On la préférerait plus tranquille ; une fin qui accorderait à l'humanité le temps de se retourner sur ses réalisations, de s'attendrir sur son passé et prononcer de graves sentences poétiques, avant de disparaître.
Pour cela, Ce Glob Est Plat a décidé d'investir ses bénéfices dans des domaines d'activité réputés pour leur effet certain dans le lent dérèglement du climat de la terre, et de soutenir la cause de Wagner et Sancho.

Éclipse totale de soleil, Sidé - Turquie, 29 mars 2006

Mise à jour du 25 juin : les scientifiques, par la voix du Groupe d'étude sur la sécurité du LHC, viennent de réaffirmer dans un rapport récent leur confiance dans l'innocuité du LHC. On en trouve le résumé dans un article du site Techno-Science qui affirme qu'à la lumière des connaissances théoriques actuelles «Et bien non, le LHC n'engloutira pas l'Univers dans un trou noir...». Rappelons que Wagner et Sancho n'ont jamais eu la prétention de mêler l'Univers à cette histoire, mais seulement la terre. Les premiers essais de collisions sont toujours prévus pour le mois d'août.

mardi 8 avril 2008

Trois clichés de Florence

Localisations : Place de la république, l'Arno, vitrine dans une ruelle
(Pour le visiteur qui arriverait directement de la planète Gluon sans escale nous rappelons que les fichiers proposés par les liens ci-dessus, dont le nom termine par ".kmz", seront décodés sans aucune hésitation par Gougueule Eurf, également connu sous le nom de Google Earth.)

samedi 29 mars 2008

Chimère

Lorsqu'on voit pour la première fois cet animal insolite, dans une galerie ensoleillée du musée d'archéologie de Florence, on se demande s'il est le fruit de manipulations génétiques immorales ou d'un abus inconsidéré de produits psychotropes.

Il n'est en fait qu'une représentation fidèle de la célèbre Chimère, fille d'Échidna qui était moitié nymphe et moitié vipère et de Typhon, décrite par les plus grands auteurs de l'antiquité grecque. Dès le 8ème siècle par Hésiode dans sa Généalogie des dieux et par Homère dans le sixième chant de l'Illiade.


Hésiode en dit qu'elle «vomissait avec un bruit affreux les tourbillons d'une dévorante flamme», ce qui effrayait considérablement la population. Le héros Bellérophon, qui avait un bon niveau d'études, utilisa pour la tuer une ingénieuse lance faite de plomb. Le métal fondant à la chaleur de la propre flamme de la chimère, soit au moins 327 degrés centigrades, entraîna sa fin pathétique, carbonisée.


On comprend mieux la posture défensive de cette antique statue étrusque et l'impression de souffrance qui émane de son regard.

Chimère en bronze, art étrusque, 5ème siècle avant notre ère, découverte à Arezzo en 1553, restaurée par Cellini (reconstruction de la queue)

samedi 22 mars 2008

Nuages (7)











« Puis quand le ciel se fendra
et deviendra écarlate comme le cuir rouge (37)
On reconnaîtra les criminels à leurs traits (41)
Voilà l'Enfer qu'ils traitaient de mensonge (43)
Ils feront le va-et-vient entre l'Enfer et une eau bouillante (44)
Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous? (45) »

Ce sont quelques versets de la sourate 55 du Coran. C'est l'annonce du jugement et de la fin des temps sur terre. Ça finit assez mal pour les incroyants. Suivent, pour les autres, des pavillons emplis de houris semblables au rubis et au corail, jamais déflorées, accoudées sur des coussins verts... On sent bien que des efforts sont faits pour vendre la chose, mais ça fait tout de même un peu «midinette».

D'autant que la menace était déjà frelatée, et les promesses plutôt éventées à l'époque de l'invention du Coran. Des récits écrits des siècles auparavant dans des contrées proches avaient également relaté la fin des temps, de manière un peu plus spectaculaire. Et sans grand résultat non plus. Par exemple dans l'Apocalypse de Jean 6-14 «Et le ciel se retira comme un livre qu'on roule».

Le jour des photos, je ne sais pas ce qui c'est passé par la suite. C'était l'heure des informations télévisées avec le tirage de la super cagnotte du Millionnaire, suivi du dernier épisode du feuilleton «Madame Bovary» d'après Flaubert. Nous étions tous impatients de savoir si, dans cette adaptation, l'histoire finirait bien.



dimanche 16 mars 2008

Les perles de l'Encyclopédie de M. Diderot

On l'aura noté, l'ambition de Ce Glob est Plat est résolument scientifique. Et existe-t-il chose plus scientifique que le 18ème siècle, le siècle des lumières, le siècle du retour de la raison après une éternité d'obscurantisme religieux et monarchique, le siècle de l'illustre Isaac Newton, alchimiste incompris, et prédicateur de l'apocalypse biblique exactement en 2060 ?

Or le 18ème siècle a érigé un phare à la raison et au progrès. C'est l'Encyclopédie de Monsieur Diderot. Et ce monument est accessible en texte intégral grâce aux universités de Nancy et de Chicago, agrémenté de nombreuses coquilles typographiques (1), avec les planches d'illustrations (2). Et chacun peut y faire les investigations les plus saugrenues, une fois compris le mode de recherche assez obscur.

L'édition de l'Encyclopédie, de 1751 à 1772, a traversé de nombreuses interdictions et censures. La qualité des articles s'en ressent, comme de la grande disparité des auteurs. Diderot, cité dans un article modéré et riche en liens de Wikipedia, en dit ceci «Parmi quelques hommes excellents, il y en eut de faibles, de médiocres & de tout à fait mauvais. De là cette bigarrure dans l’ouvrage où l’on trouve une sottise voisine d’une chose sublime, une page écrite avec pureté, jugement, raison, élégance au verso d’une page pauvre, mesquine, plate & misérable».
Parmi les hommes excellents, gens de lettres ou savants, il y eut d'Alembert, Daubenton, évidemment Diderot, Louis de Jaucourt, le baron d'Holbach. D'Holbach était peut-être le seul vrai matérialiste de l'Encyclopédie. Sa contribution sur la définition de concepts ou d'idées aurait été savoureuse, mais on ne lui confia que les articles de chimie, de minéralogie et de métallurgie. Cependant certains affirment que l'article virulent sur les prêtres serait de sa plume.

Et puis il y eut Rousseau, Jean-Jacques. Homme à idées, célèbre philosophe, on aurait pu lui confier des articles de «sociologie». On ne lui octroya que la totalité des articles sur la musique. Rousseau était en effet musicien. Son chef-d'œuvre, le devin de village, opéra apprécié du roi Louis 15, est une insipide suite de pièces sans invention, un long ennui musical où il ne se passe rien (3). Alors on ne s'étonnera pas de trouver parmi ses articles sur la musique des jugements bêtes et péremptoires (4), des règlements de comptes chauvins (5), des balivernes pseudo-scientifiques (6), et un fatras d'absurdités, de mythologies grecques et de sensiblerie immature, notamment dans le long chapitre sur les effets thérapeutiques de la musique (7).

On verra cependant (dans une future chronique de Ce Glob est PLat) que ces niaiseries ne sont rien comparées à certains articles des abbés Yvon, Morellet et Mallet.

***
(1) Une version intégrale corrigée est disponible ici, mais ses 26 pages sont lourdes et longues à charger (la page de la lettre C avoisine les 16 mégaoctets)
(2) Planches qu'il est plus agréable de consulter ici, malgré l'absence des pages de légendes. Les illustrations de cette chronique en sont extraites, sous la forme de détails découpés sur les planches CHIRURGIE27, CHIRURGIE20 et ANATOMIE12.
(3) Carnets de sol met l'œuvre à disposition en téléchargement.
(4) «Les fugues en général servent plus à faire du bruit qu'à produire de beaux chants» (article FUGUE)
(5) «Considérons les Italiens nos contemporains, dont la musique est la meilleure, ou plutôt la seule bonne de l'univers, au jugement unanime de tous les peuples, excepté des Français qui lui préfèrent la leur.» (article MUSIQUE)
(6) Article CONSONNANCE
(7) Chapitre EFFETS DE LA, dans MUSIQUE.


Mise à jour le 23.10.2017 : Un site d'une richesse ergonomique extraordinaire consacré à l'Encyclopédie vient de voir le jour. C'est l'ENCCRE, et c'est un plaisir de voleter au dessus de ces pages poussiéreuses et de se poser par instants sur un mot ou une image.

vendredi 29 février 2008

Chronique inconsistante du 29 février

Le 29 février est une date rêvée pour faire des promesses. On s'engagera à les respecter dans un an jour pour jour. L'interlocuteur distrait ne réalisera pas toujours qu'il devra attendre 4 ans. Voire 8 ans quelquefois. Ainsi Ce Glob Est Plat s'engage aujourd'hui à se mettre sérieusement à la lecture de l'Éthique de Baruch Spinoza, et à en faire un résumé limpide dans un an jour pour jour (quatre ans en réalité, c'est bien plus que la durée de vie moyenne d'un blog. Nous voilà tranquilles). Telle est la fourberie du jour bissextil.

 

Mais ce jour apportera en revanche une grande félicité à l'abonné à la "Bougie du sapeur", «le quotidien du 29 février. le seul quotidien auquel sa périodicité donne le recul indispensable pour traiter l'actualité avec lucidité».

mercredi 27 février 2008

La lune est une chose

Depuis que Galilée l'a visée pour la première fois à l'aide d'une lunette grossissante, on nous répète que la lune est un énorme caillou. Les morceaux de lune, échantillons de roche ou de poussières rapportés sur terre par les pionniers américains au début des années 1970, sont là pour le confirmer : la lune est bien un objet matériel, concret, consistant comme un autobus, tangible comme un platane au bord d'une route départementale. Bref, une chose indiscutable.

Et pourtant, à la voir glisser lentement sur le ciel moucheté d'étoiles, éblouissante, on a du mal à imaginer que c'est autre chose que la forme idéalisée et révérée par nos ancêtres avant Galilée. Sauf les jours où elle est éclipsée. Ces jours-là (ou plutôt ces nuits-là), au moment où elle entre dans l'ombre projetée par la terre, ce qui était un cercle lumineux et abstrait se métamorphose insensiblement en une bille de cuivre rutilante, parfaite comme une perle. Alors pendant quelques dizaines de minutes elle acquiert une présence presque palpable que les photographies ont bien du mal à restituer, à quelques exceptions près, comme sur cette étonnante image de l'éclipse du 21 février dernier capturée par S.G. Sea depuis l'Alaska.

Et encore une fois notre reporter, luttant contre le sommeil, le froid et les nuages, a couvert l'événement pour Ce Glob Est Plat.


La lune le 21 février, peu avant et pendant la totalité de l'éclipse

Au début de la totalité, avec par ordre de magnitude décroissante, Saturne, Regulus et 31 Leo

Prochain rendez-vous astronomique, le 11 juillet 2010 sur l'île de Pâques où cette fois pendant presque 5 minutes la lune occultera le soleil. Souhaitons à notre reporter que les nuées fréquentes à cette saison n'éclipseront pas le tout.

lundi 11 février 2008

L'ile du rat

Turquie, Antalya, Sıçan Adası (île du rat), 30 mars 2006

vendredi 8 février 2008

Le ciment et la fourmi

Ce Glob Est Plat racontera aujourd'hui une fable, le ciment et la fourmi.

Ne me dites pas qu'il ne vous est jamais arrivé de maudire une espèce entière. Que, rentrant chez vous après une journée épuisante et découvrant, au moment de retirer vos chaussures, des empreintes malodorantes constellant votre belle moquette claire, vous n'avez pas souhaité l'anéantissement de cette espèce qui a soumis d'autres espèces dans le seul but d'avoir quelques poils à caresser les jours de détresse ou de manque d'affection.
Cependant il est délicat de s'en prendre directement à l'homme. Il faut quelques talents de dictateur et un degré élevé d'aliénation mentale. Alors des scientifiques imaginatifs on trouvé un substitut docile, la fourmi.

Prenez une gigantesque fourmilière au milieu d'une savane anonyme. Ajoutez des centaines de milliers de fourmis (1) industrieuses et pacifiques. Saupoudrez de quelques entomologistes outillés et déterminés. Filmez le tout. Du résultat, diffusé sur Science Channel, un extrait de 8 minutes est disponible sur Youtube ou WeShow.

Au commencement, les scientifiques prudents introduisent un peu partout dans la fourmilière des tubes de plastique (2) destinés à mesurer la circulation des gaz dans les galeries. Puis, émerveillés, ils se demandent comment est pilotée la distribution de l'air et s'enhardissent. Ils creusent une énorme excavation (3) qui détruit définitivement la fourmilière.
Enfin, leur appétit de savoir s'emballe, exacerbé. Ils s'inquiètent de savoir à quoi peut ressembler cette ville souterraine. Et c'est la surenchère technologique. Trois jours durant, dix tonnes de ciment sont injectées (4) dans une fourmilière. Après un long délai de séchage, les ouvriers retirent la terre (5) et ne reste que la structure ouvragée d'interminables galeries (6).
Le commentateur s'étonne qu'une collectivité dénuée d'intelligence individuelle ait pu réaliser un tel complexe architectural, signe d'un unique créateur. Il le compare à la muraille de Chine, innocent anthropomorphisme xénophobe qui assimile fourmis et chinois.

Soyons intègres ! Les images qui montrent l'injection du ciment ne permettent pas de déterminer si l'opération est effectuée sur une fourmilière habitée ou abandonnée. On ne voit qu'une fourmi sur le plan rapproché. Certains commentateurs dans des forums (le film semble avoir beaucoup ému) affirment qu'en réalité les fourmis avaient été, sauf un faible pourcentage, attirées vers une autre fourmilière par une mixture de miel et de chocolat, puis réintégrées dans une copie de cire et de plâtre de leur colonie d'origine. Après cette double déportation elles auraient même repris leurs tâches quotidiennes exactement où elles les avaient interrompues. Bel exemple.

Quand je vous disais que cette histoire était une fable. Sinon sur la fourmi, au moins sur l'homme.

dimanche 27 janvier 2008

La mine du British Museum

Non, cette éblouissante aquarelle n'a pas été peinte par qui vous croyez. Elle est de Pyne (James Baker), admirateur de qui vous savez, et date probablement des années 1830-1840. Elle fait partie des 110810 gravures et dessins, disponibles en ligne dans des reproductions satisfaisantes, de l'immense collection du British Museum à Londres. N'oubliez pas de cocher la case «images only» dans le dialogue de recherche et prévoyez des heures de fouilles et de découvertes dans cette mine de diamants.

samedi 26 janvier 2008

dimanche 20 janvier 2008

Encore un grand pas pour l'humanité

Mosaïque pompéienne du 1er siècle,
squelette épicurien aux pichets de vin (Carpe Diem),
Naples, Musée national d'archéologie

Le 14 septembre 1998, le monde entier apprenait dans l'encyclique «Fides et ratio» du pape Jean-Paul II que «La foi et la raison sont deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité». En d'autres termes, on ne peut connaître la vérité qu'en conjuguant une réflexion raisonnable (la logique scientifique) et une adhésion irrationnelle (la croyance dans les dogmes de la religion).

On se rappelle peut-être moins que quelques mois auparavant, le 30 janvier 1998, la France avait mis en application la même idée extravagante, par la publication au Journal Officiel d'un décret surréaliste relatif à la mise sur le marché des médicaments homéopathiques. En résumé, les marchands de ces produits sont dispensés de tout essai pharmacologique, toxicologique et clinique (par exemple de tests en double aveugle) s'ils apportent la preuve, par référence à la littérature reconnue dans la tradition de la médecine homéopathique, que le degré de dilution et les composants utilisés en garantissent l'innocuité. Il y a ainsi deux catégories de médicaments : ceux qui devront démontrer leur efficacité, et ceux auxquels il suffira de croire.

Comme le dit Jean Brissonnet dans une étude passionnante sur la «médecine homéopathique *», ce texte de loi permissif et inégalitaire, imposé par l'harmonisation européenne, pouvait être interprété comme une forme de mépris envers les adeptes de l'homéopathie. Les laboratoires spécialisés ont-ils pris conscience d'un risque de perte de crédibilité auprès de leur clientèle, et est-ce pour cela qu'ils semblent avoir organisé des campagnes de tests à grande échelle directement sur leurs fidèles ?

Les récentes expériences des laboratoires Boiron sont à ce sujet éloquentes. Le 10 octobre 2007, un communiqué de l'agence française de sécurité sanitaire (AFSSAPS) informe que deux médicaments homéopathiques Boiron ont été intervertis durant 6 mois et prescrits pour ce qu'ils n'étaient pas, suite à une erreur d'étiquetage. Le communiqué de l'AFSSAPS dont le ton général est très rassurant, insiste sur l'absence de risque particulier pour les patients et l'absence de cas de pharmacovigilance déclaré.

Pareil test en double aveugle, directement sur la population pendant 6 mois, ça n'a pas de prix ! La loi demande la preuve de l'innocuité de ces médicaments.
Y a-t-il jamais eu plus parfaite démonstration ? Et plus que de leur innocuité, certainement de leur inutilité.

C'est pourquoi contrevenant ici à sa légendaire neutralité, Ce Glob Est Plat conseille à ses lecteurs de s'empiffrer de médicaments homéopathiques afin d'aider les laboratoires français à retrouver leur respectabilité qu'une loi inique venue de l'étranger continue de flétrir.

*
Cette étude date un peu (1999). Quelques informations plus récentes (2004) se trouvent sur le site de F. Roussia. Un entretien édifiant d'une heure avec Jean Brissonnet en 2010 est disponible sur le blog de JM. Abrassart (le balado du scepticisme scientifique).

samedi 5 janvier 2008

La gargouille qui pleure

La silhouette de la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans est, comme celle de Notre-Dame de Paris, balourde et sans grâce. C'est le sort des édifices constamment reconstruits. Mais, comme sur la cathédrale parisienne, le regard qui vagabonde y découvre néanmoins nombre de personnages chimériques, de grotesques et de gargouilles sculptés probablement au 19ème siècle, comme ce squelette qui pleure par ses orbites vides lorsque la pluie ruisselle sur les flancs de la cathédrale.

lundi 31 décembre 2007

La syzygie du virus

La configuration des astres était pourtant propice ce 24 décembre ! On attendait tous quelque chose de prodigieux, imaginez-donc, un ciel de cristal, une vraie pleine lune à la minute même de son opposition, et la planète Mars sur le point de la rejoindre, à quelques degrés ! Et puis le pépin, la bête anicroche, au moment de l'occultation, le refus de priorité par l'immeuble voisin !

  Résultat, pas de rois mages cette année, pas de petit jésus dans la crèche, mais une bonne gastro-entérite bien gratinée pour plus d'un million de français. Les journaux, imperméables au paradoxe, prétendent qu'on l'attrape essentiellement dans les salles d'attente des médecins... Mais faut-il les croire ?

vendredi 21 décembre 2007

Y a-t-il un ange de garde ?

Vous souffrez de migraines ou de crampes chroniques, vous êtes au chômage, ou atteint d'une banale schizophrénie, vous êtes xénophobe de culture, ou plus simplement vous venez de vous suicider....
N'attendez plus, il y a des anges pour vous sortir de ce mauvais pas.
Ils ont leur annuaire.
Vos soucis y sont classés par ordre alphabétique et en regard de chacun se trouvent les noms et pédigrées de quelques anges de service dans la spécialité.
Attention, vérifiez bien les horaires d'ouverture, qui sont très réduits. Si par exemple vous avez décidé de guérir d'un pessimisme envahissant, l'ange de l'art ne sera disponible que du 11 au 15 juin, ou tous les jours de 5h20 à 5h39.

dimanche 16 décembre 2007

Siddhârta l'illuminé

Enfin, une nuit, après des années de renoncement, tandis que Siddhârta méditait au pied d'un arbre, les voiles masquant la réalité se déchirèrent devant ses yeux. L'ignorance cessa et la science apparut. Il eut alors la connaissance de ses existences passées. Il comprit que la souffrance du monde résultait de l'attachement à l'existence. Il connut la Voie qui mène à la cessation de toute douleur. L'Éveil réalisé, il entra dans le Nirvâna et devint un Bouddha. Librement adapté de http://fr.wikibooks.org/wiki/Bouddhisme.
Illustration : au musée Guimet, tête de Bouddha en grès du 13ème siècle provenant d'Angkor-thom au Cambodge.

samedi 8 décembre 2007

Le tribut de la tribu

 (© Google Maps)

La nouvelle administration a décidé de rendre un hommage à la mesure du nouveau président qui l'avait installée ; un hommage visible de l'espace. Elle a choisi le parc du château de Versailles, symbole de la France monarchique. Et c'est une réussite technique.
Mais on se doutait que cette bureaucratie ne brillerait pas par sa culture classique, ce qui explique que la dédicace ressemble plutôt à Mickey la souris ou à Bozo le clown.

 (© Google Maps)